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Lotissements à Bobo : « L’opacité dans la gestion des parcelles a créé trop de frustrations » (Salia Sanou)

vendredi 23 décembre 2011.

 

Les problèmes nés des lotissements dans la ville de Bobo-Dioulasso constituent à l’heure actuelle un véritable sujet de préoccupation aussi bien pour les populations que pour les autorités. Ce qui est sûr, l’affaire des parcelles, qui continue de diviser à Sya, a fini par déboucher sur des affrontements au secteur 15, faisant des blessés et des dégâts matériels. Au fil des jours, les protestations ne cessent de s’amplifier, et les autorités municipales se doivent désormais de compter avec la coordination des secteurs en lutte pour la transparence dans les opérations de lotissement afin de parvenir à des solutions consensuelles et à l’apaisement des cœurs. Salia Sanou (à ne pas confondre avec le maire de la commune de Bobo), expert-comptable de profession et qui est l’un des premiers responsables de cette coordination, ne cache pas son amertume et dénonce les procédures de lotissement dans les arrondissements de Dafra et de Konsa.

Dans cette interview qu’il nous a accordée, l’homonyme parfait du maire de la commune s’en prend ouvertement aux autorités municiplaes, qu’il accuse d’être à l’origine du « cafouillage » dans les opérations d’attribution de parcelles.

Peut-on savoir les raisons qui vous ont conduit à la mise en place de cette coordination ?

• Notre coordination n’est pas un fait du hasard. Il y’a eu un concours de circonstances et le premier élément a été la participation des populations du secteur 06 (Kuinima) à la marche de la coalition contre la vie chère le 08 avril 2011. Elles avaient leurs revendications, qui portaient sur les lotissements et qu’elles tenaient à porter à la connaissance du public. Le premier mai encore, le secteur 06 était de nouveau sorti se joindre aux syndicats. A cette marche ont pris part aussi à d’autres secteurs avec les mêmes préoccupations que celles du secteur 06. Dès lors, nous avons compris la nécessité de nous retrouver pour des partages d’expériences et surtout d’unir nos forces pour engager le combat contre les mauvaises pratiques que nous connaissons dans les lotissements à Bobo. A la date d’aujourd’hui, la coordination comprend une dizaine de secteurs, et dans le même temps nous avons rédigé une plate-forme de revendications que nous voulons transmettre aux autorités.

Quelles sont vos revendications ?

• Notre principale revendication est la transparence dans les lotissements. Nous voulons que tous ceux qui ont droit à des parcelles dans les zones concernées en soient effectivement attributaires. A ce niveau il y a deux types de bénéficiaire : il y a d’abord les propriétaires terriens dont les champs étaient toujours exploités jusqu’à la décision de lotir ces espaces. Les propriétaires de ces champs, notamment ceux du secteur 18, ne se sont pas opposés aux lotissements. Mais ils ont en toute logique souhaité être pris en compte dans les opérations d’attribution et ont, de ce fait, demandé un certain nombre de parcelles ; la deuxième catégorie concerne les gens des zones non loties où des recensements ont été opérés et tous les résidents pris en compte. Mais au moment des attributions, ces derniers ont été oubliés. Nous exigeons aujourd’hui que leurs demandes soient prises en compte. L’opacité dans la gestion des parcelles a créé trop de frustrations

Est-ce obligatoire, les attributions pour les résidents des zones non loties ?

• Ah oui ! C’est écrit noir sur blanc dans le code de la construction. Les résidents d’une zone non lotie sont prioritaires dans les attributions par rapport aux autres demandeurs.

Où en êtes-vous aujourd’hui avec ces revendications ?

• Il y a pour le moment une mesure de suspension des lotissements à Ouaga et à Bobo, et nous attendons de connaître ce que va décider la commission interministérielle mise en place à cette occasion. Mais nous sommes loin de baisser les bras parce que, malgré la décision de suspension, nous constatons des attributions nocturnes qui se poursuivent sur le terrain. Nous avions de ce fait attiré l’attention de l’ex-gouverneur et du maire de la commune sur les risques d’affrontements du fait que la mesure de suspension n’est pas respectée. Nous constatons que des attributions sont faites sur la base de listes illégales et nous avons aussi connaissance de l’utilisation de documents antidatés. On sait que les lotissements sont suspendus depuis le 18 mai alors qu’à Bobo les attributions se poursuivent clandestinement.

Avez-vous les preuves de ce que vous avancez ?

• Pour vous convaincre, je vous fait remarquer que le ministre de l’Administration territoriale a déjà fait sortir une note pour dire qu’il lui revient que, malgré la suspension des lotissements à Bobo et à Ouaga, certaines personnes continuent les opérations et que les attributions en cours sont nulles et non avenues. Des numéros verts ont même été communiqués aux populations et lorsque vous appelez, on vous demande de vous référer aux maires. Alors que c’est eux, les vrais problèmes. La Direction régionale de l’urbanisme a aussi fait sortir une note pour rappeler aux populations la suspension des opérations de lotissement. Mais jusqu’à l’heure où je vous parle, aucun maire d’arrondissement n’a affiché cette note.

Alors pourquoi ne pas chercher à rencontrer les maires pour en discuter ?

• Au mois de juin dernier, nous avons décidé de faire une marche pour aller remettre officiellement notre plate- forme au gouverneur. Nous avons alors écrit au maire de la commune pour l’en informer et lui donner dans le même temps l’itinéraire de notre marche. Il nous a appelé pour comprendre et il nous a reçu en présence d’un officier de gendarmerie. Les deux ont soulevé un certain nombre de préoccupations relatives à la sécurité dans la ville après la mutinerie. Par la suite, le maire nous fera comprendre qu’il était en pleins préparatifs de la cérémonie de passation de service au gouvernorat et qu’après la prise de fonction du nouveau gouverneur, il nous recevrait pour débattre de la question. Mais depuis, plus rien.

Quelles sont selon vous les zones à problèmes ?

• Il y a le secteur 17 et aussi la zone non lotie du secteur 14, qui sera engloutie par la nouvelle zone industrielle.
Il a été décidé, pour ce qui concerne le secteur 14, de créer une trame d’accueil pour reloger les populations affectées par le projet d’industrialisation de la zone. Un recensement a été effectué et on a dénombré au total 3780 personnes. La trame d’accueil pourtant compte plus de cinq mille parcelles, mais il n’y a que 363 personnes recensées qui en ont été attributaires. Vous voyez bien qu’il n’y a aucune transparence dans ces lotissements. Il y a aussi le secteur 21, où des propriétaires de champs ont été surpris de constater un matin des bornes dans leurs champs.

Ils sont allés voir les autorités pour comprendre, et ces dernières leur firent savoir qu’il s’agissait d’un lotissement pour les besoins administratifs et que c’est pourquoi elles n’ont pas voulu faire de tapage autour. Les autorités se décident alors à attribuer à chaque propriétaire de champ 3 parcelles par ha.

Ce qu’ils ont refusé, estimant qu’il fallait prendre en compte les arbres. Ces propriétaires terriens ont fait intervenir les services des eaux et forêts, qui ont procédé à une évaluation, et le devis a été transmis aux autorités municipales, qui n’y ont jamais réagi. Tous ces propriétaires terriens sont aujourd’hui là dans la frustration et s’estiment lésés. Tout cela ne fait que contribuer à exacerber la crise des lotissements à Bobo.

Il y a eu des affrontements ces derniers jours au secteur 15. Qu’en était-il exactement ?

• Le secteur 15 fait partie de notre coordination, mais je précise que chaque zone a aussi sa particularité. A Ouezzin ville, ils exigent la démission du maire de l’arrondissement de Dafra alors que cela ne figure pas dans notre plate- forme commune. Nous essayons de discuter avec eux pour les amener à surseoir à cette décision parce que pour nous, c’est plutôt un système qu’il faut combattre et non des individus. Le maire peut bien partir et les mêmes pratiques que nous condamnons tous perdurer. Nous sommes tous unanimes qu’il y a de l’opacité dans la gestion des lotissements à Bobo.

Faut-il réellement craindre cette affaire des lotissements à Bobo ? et quelles sont les solutions que vous préconisez pour résoudre la question ?

• Il faut bien la craindre parce que il y a eu trop de frustrations dans ces histoires de lotissement et les autorités municipales continuent de bafouer les textes en la matière. Les populations sont dans l’expectative et il serait très risqué de publier des listes sur lesquelles des noms n’apparaîtront pas.

Ce que nous demandons aux maires, c’est de réunir l’ensemble des acteurs, c’est-à-dire les propriétaires terriens, les services techniques, les personnes recensées et les demandeurs extérieurs, pour qu’ensemble on puisse trouver des solutions.
Nous savons bien que tout le monde ne peut pas être attributaire, nous voulons seulement qu‘il y est la transparence dans ces lotissements. Cela va contribuer à apaiser la tension n

Entretien réalisé par Jonas Appolinaire Kaboré

L’Observateur Paalga



Vos commentaires

  • Le 23 décembre 2011 à 10:52, par mackiavel En réponse à : Lotissements à Bobo : « L’opacité dans la gestion des parcelles a créé trop de frustrations » (Salia Sanou)

    Franchement,
    Je fais partie des demandeurs de parcelle à Bobo-Dioulasso mais je crois que les gens doivent être réalistes et ce, depuis 1998. Je n’en ai jamais eu et je n’ai cessé de faire des demandes en me disant qu’un jour quelqu’un va dire, il faut lire des demandes au moins ! Cependant, je crois qu’il est utile de commenter l’intervention de ce Salia Sanou sur trois points : Premièrement, aucune commune n’est en mesure de satisfaire toutes les demandes d’attribution. Ensuite, les résidents des zones non lotis sont dans l’illégalité totale et les rendre prioritaire, c’est remettre le butin au voleur « puisqu’il a déjà mordu la dedans ». Enfin, les « propriétaires terriens » n’existent ni dans le code foncier urbain, ni rural. Il faut donc que l’on mette balle à terre et que nous trouvions les voies les mieux indiquées pour « ces problèmes de terre ». La seule voie d’accès doit être une demande motivée et les spéculateurs fonciers et autres intermédiaires de commune doivent être écartés. « Le Burkina Faso, c’est pour nous tous » comme le dirait un slogan d’un pays voisin à une autre occasion.

  • Le 23 décembre 2011 à 16:09 En réponse à : Lotissements à Bobo : « L’opacité dans la gestion des parcelles a créé trop de frustrations » (Salia Sanou)

    j’interpelle le gouvernement d’intervenir avant qu’il y ait mort d’homme ; c’est un problème très serieux et la population reste très determiner contre les maires. Il ya effectivement des "deals" de nature à revolter même la population.