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Invite de la rédaction : Alimata Ouattara-DAH, présidente de la CIL

lundi 19 décembre 2011.

 

Les technologies de l’information et de la communication (TIC) ont cette magie de faire bénéficier, en un temps record, d’innombrables connaissances à des millions de personnes. C’est à juste raison qu’il n’est pas exagéré de dire qu’elles ont cette puissance de réduire l’espace et le temps, configurant le monde dans un simple « village planétaire ». Mais entre les mains de sujets malhonnêtes, malintentionnés elles peuvent être sources de malheurs. Pour parer à toute éventualité, le Burkina Faso s’est doté d’un instrument : la Commission de l’informatique et des libertés (CIL). Reçue en Invité de la rédaction, la présidente de cette prestigieuse institution, Alimata Ouattara/Dah a parlé à cœur ouvert et sans faux-fuyant, du combat que son institution mène pour protéger l’intimité des Burkinabè face à l’utilisation perverse des TIC.

La présidente de la CIL s’est également prononcée sur des questions d’actualité, au plan national et international. Pendant plus de deux heures d’horloge, c’est une présidente d’institution sure d’elle-même qui s’est laissée découvrir sans complaisance.

Sidwaya (S) : Dans quel contexte la Commission de l’informatique et des libertés (CIL) a été créée ?

Alimata Ouattara-Dah : (A.O.D) : En 2004, le parc informatique au Burkina Faso était déjà estimé à environ 20 000 unités et présageait un taux de croissance très rapide. Et le gouvernement, malgré les avantages certains de l’outil informatique, le gouvernement a tenu compte des risques qui pourraient émousser ces avantages et a donc entrepris la création d’un cadre juridique de la société de l’information à travers la protection des droits fondamentaux des personnes.
A cette période il était également prévu l’élaboration de grands fichiers tels que la chaîne pénale, l’état civil, les passeports, la carte nationale d’identité, le fichier électoral ; la constitution de cette base de données était une raison supplémentaire pour mettre en place des dispositifs juridiques et institutionnels en vue d’encadrer leurs utilisations.

S : Quelles sont les missions assignées à la CIL ?

A.O.D : La protection des données personnelles ne doit pas être perçue comme un thème abstrait, car les règles de protection de données protègent des personnes. Il s’agit de protéger un droit à ne pas être fiché, surveillé, contrôlé de manière intempestive et abusive. Il s’agit de protéger la dignité humaine, de permettre aux personnes d’exercer leurs droits et que leurs intérêts légitimes soient préservés.
Les missions essentielles de la CIL découlent de ces fondamentaux. Pour ce faire, la CIL informe les personnes et les détenteurs de fichiers de leurs droits et obligations et exerce à ce titre un contrôle à priori à travers la déclaration des traitements à effectuer par les structures du privé et les demandes d’avis par les structures du public et également un contrôle à postériori à travers les vérifications sur place à l’égard de tout traitement. Ce processus décrit le fonctionnement majeur de la CIL.

S : Quel est le contenu de la loi 010 ?

La loi portant protection des données à caractère personnel énonce de grands principes qui se traduisent en ces termes :

- des obligations sont imposées aux responsables de fichiers de données ;

- des droits sont accordés aux personnes fichées. Ces deux pans de la protection des données sont intimement liés car les droits ne peuvent être véritablement exercés par les personnes que si les responsables de fichiers remplissent convenablement leurs obligations. Les principaux droits concernent :
le droit à l’information : au titre de ce droit, le responsable de fichiers doit fournir à la personne dont les données font l’objet d’un traitement, certaines informations tels l’identité, la finalité du traitement, les destinataires auxquels les données sont susceptibles d’être communiquées, etc.

Le droit d’accès : Il veut que toute personne physique dont les données font l’objet d’un traitement puisse demander au responsable de ce traitement, la confirmation que ses données sont ou ne sont pas enregistrées dans un fichier.

Le droit d’opposition : Il confère à toute personne physique a le droit de s’opposer, pour des motifs légitimes, à ce que des données la concernant fassent l’objet d’un traitement.

Les détenteurs de fichiers ont l’obligation de transparence. Ceux-ci doivent déclarer leurs traitements à l’Autorité de contrôle avant toute mise en œuvre.
Ces principales obligations sont :
Les obligations de confidentialité : le traitement de données à caractère personnel est confidentiel. Il est effectué exclusivement par des personnes qui agissent sous l’autorité du responsable du traitement et seulement sur ses instructions.
Les obligations de sécurité : le responsable du traitement est tenu de prendre toute précaution utile pour empêcher que les données soient déformées, endommagées, ou que des tiers non autorisés y aient accès.

En outre la loi interdit la collecte de données sensibles, c’est-à-dire celles qui révèlent l’origine raciale, les opinions politiques ou religieuses, les mœurs, la santé etc.… sauf dérogation ou si la personne donne son consentement ou si elle les révèle délibérément.
S : Les Burkinabè connaissent-ils cette loi ?
A.O.D : selon un postulat bien connu selon lequel nul n’est censé ignoré la loi, la loi portant protection des données à caractère personnel devrait être connue de tous. En effet, dès lors que la loi est promulguée et publiée dans le Journal officiel, elle est censée être connue de tous. Mais dans la réalité, combien de personnes connaissent effectivement l’ensemble des lois et textes rendus publics ? Nous avons pris conscience de cet état de fait et avons entrepris des actions dans le but de faire connaître la loi partout au Burkina. A l’heure actuelle, nous avons couvert 12 régions et allons boucler la 13e région du Burkina Faso dès demain (25 octobre 2011).
Dans le but d’une plus grande information, nous avons développé des contenus multimédias audio et télévisuels. Ainsi, la loi a été traduite en langues nationales mooré, dioula, fulfulde et illustrée par des images afin de la rendre plus compréhensible à toutes les couches sociales.

S : Que faut-il entendre par données à caractère personnel ?

A.O.D : Pour schématiser, je dirai que les noms et prénoms, les adresses postales ou électroniques, les numéros d’immatriculation, les empreintes digitales… que l’on donne à des structures publiques ou privées pour obtenir soit un abonnement, l’ouverture d’un compte bancaire ou l’obtention d’une CNIB etc., sont des données à caractère personnel. Entrent également dans cette catégorie, la voix, l’image, la signature, l’ADN etc. Au terme de la loi, il s’agit essentiellement de toute information qui concerne une personne identifiée ou identifiable directement ou indirectement par référence à un numéro, à un ou à plusieurs éléments spécifiques propres à cette personne.

S : Comment la CIL arrive- t- elle à faire respecter la loi lorsqu’il

s’avère que des détenteurs de fichiers ne l’ont pas respectée ?
A.O.D : La loi a conféré un pouvoir de coercition à la CIL qui s’exerce à travers les différents contrôles qui donnent lieu soit à des retraits de données collectées non pertinentes ou exclusives au regard de leur finalité, soit en la destruction des supports d’information ou en la suspension des autorisations de création de fichiers. La CIL adresse aux contrevenants à la loi, des avertissements et dénonce au parquet les infractions dont elle a connaissance.
Il faut savoir que réprimer un cybercriminel, faire retirer de la toile un message qui porte atteinte à l’intimité de la vie privée sont possibles mais cela nécessite parfois une coopération entre autorités compétentes de divers pays.

S : Des citoyens ont-ils déjà saisi la CIL pour un mauvais traitement de leurs données à caractère personnel ?

A.O.D : La CIL a été saisie à plusieurs reprises par des plaintes de cette nature. Il s’agit entre autres :

- des cas d’intrusion dans le compte mail de travailleurs par leurs employeurs,

- des internautes ayant fait l’objet de chantages dont le but était de divulguer leurs photos usurpées sur leurs comptes mail,

- des cas de vol de données bancaires de citoyen,

- le verrouillage de l’interface d’administration d’un site web d’une entreprise par un de ses proches,

- la diffamation d’un citoyen sur un site web hébergé à l’étranger.

S : Qu’en est-il de l’utilisation des données à caractère personnel par les services de sécurité ?

A.O.D. : Je voudrais rappeler que le champ d’application de la loi portant protection des données personnelles concerne tous les traitements de données à caractère personnel contenues ou appelées à figurer dans les fichiers dont le responsable est établi au Burkina Faso, ou sans y être établi recourt à des moyens de traitement retrouvant sur le territoire du Burkina Faso.
La loi précise par ailleurs que des décrets peuvent disposer que les actes réglementaires relatifs aux données intéressant la sureté de l’Etat, la défense et la sécurité publique ne soient pas publiées.
Cependant, les personnes peuvent exercer leur droit de rectification concernant ces fichiers par l’intermédiaire de la CIL qui désigne un de ses membres relevant de la magistrature pour mener les investigations utiles et faire procéder aux modifications nécessaires. Le résultat est alors notifié au requérant.

S : Malgré les efforts, les cybercriminels développent plusieurs stratégies et appâtent des internautes. Que fait concrètement la CIL contre ces réseaux de cyber délinquants au Burkina Faso ?

A.O.D. : Le confort de l’utilisation des applications des TIC, fait que les usagers oublient où ne connaissent pas les dangers que peuvent représenter ces outils. Résultat : nous avons la cybercriminalité qui se développe de façon exponentielle. Alors, la CIL se rapproche de toutes les catégories d’internautes pour leur apporter des appuis-conseils, ce qui permet de prévenir les risques de cyber attaques ou tout au moins de les minimiser. La CIL met à la disposition des structures des procédés et mécanismes pour qu’elles se prémunissent des cybers attaques.
Cependant, la lutte contre la cybercriminalité requiert des actions concertées au plan national, régional et international ; à cet effet, le Burkina Faso travaille à mettre en place un centre de veille contre la cybercriminalité.

S : Existe-t-il des liens de collaboration entre la CIL et l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) ?

A.O.D. : Oui. Des relations de travail sont établies entre la CIL et l’ARCEP ; Elle a un regard sur la sécurité des infrastructures de base. Ensemble les deux structures travailleront à protéger et sécuriser au mieux les données qui circulent dans l’espace national et international.

S : Quelle est la règlementation concernant la vidéo surveillance au Burkina ?

A.O.D. : Les structures qui installent les caméras de surveillance devraient dans un premier temps, déclarer ces traitements au niveau de la CIL. Ensuite, ils sont tenus d’installer par la suite des étiquettes à l’entrée de leurs services qui indiquent la présence d’équipements de vidéo surveillance. Toute personne qui installe des équipements de cette nature sans respecter cette procédure se met dans une situation d’irrégularité au regard de la loi 010 portant protection des données personnelles et s’expose ainsi à des sanctions.

S : Que pensez vous de la e-administration prônée actuellement par le gouvernement ?

A.O.D. : Il est vrai que l’e-administration facilite l’accès au service pour les usagers en termes de gain de temps et de la qualité de service rendu. Mais les inconvénients de l’administration électronique peuvent résulter de la diversité des accès aux grandes bases de données communes constituées à cet effet. Une e-administration de qualité nécessite la mise en place d’authentification forte. Exemple : des procédés de cryptage des données, des mots de passe à usage unique, etc.

S : Le Premier ministre dans son discours de politique générale a annoncé la possibilité d’installer des vidéosurveillances sur les voies publiques à Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso. Est-ce que la CIL a été impliquée dans ce sens ?

A.O.D. : Les vidéosurveillances sur la voie publique sont en principe réglementées par les communes. Par contre les vidéosurveillances installées dans les administrations publiques et privées sont soumises à une déclaration à la CIL avant toute mise en œuvre.

S : A l’instar du CSC, avez-vous la possibilité d’interpeller un média sur un manquement de la protection des données à caractère personnel ?

A.O.D. : la Commission de l’Informatique et des Libertés veille à ce que les traitements automatisés ou non, publics ou privés d’informations nominatives soient effectués conformément aux dispositions de la loi. Elle peut prendre toutes mesures utiles à cet effet. A ce titre, elle peut interpeller toute personne qui violerait les dispositions de la loi.

S : Au cours du mois de juillet dernier, vous avez diffusé sur les antennes de la RTB, une série sur la cybercriminalité. Quel bilan faites-vous de cette diffusion ?

A.O.D. : Au regard de la configuration de notre population, nous avons utilisé des films de sensibilisation pour toucher un grand public. Les échos qui nous sont parvenus après la diffusion de ces films sont qu’ils ont conscientisé beaucoup de téléspectateurs. Nous avons eu également des échos favorables de la part du secteur privé parce qu’ayant reçu plusieurs demandes d’informations pour savoir si le traitement qu’il réserve à leurs fichiers était conforme à la loi.

S : Quel rôle la presse doit-elle jouer sur la protection des données à caractère personnel ?

A.O.D. : les acteurs de la presse sont en même temps responsables de fichiers et personnes concernées, autant ils peuvent être auteurs de violation de la vie privée des individus autant ils peuvent eux-mêmes en être victimes.
La presse doit continuer à être un vecteur de sensibilisation sur le droit à la protection des données personnelles.

S : Sidwaya a été distingué par votre institution lors de la 14è nuit du communicateur. Quel a été le mérite de notre journal par rapport aux autres médias ?

A.O.D : Nous remercions les Editions Sidwaya pour tout l’accompagnement qu’elle a toujours apporté à la CIL depuis sa création à nos jours.
Nous avons constaté que les Editions Sidwaya traitent l’information avec beaucoup de délicatesse et de respect de la vie privée des personnes. C’est ce qui a retenu notre attention et qui a motivé l’octroie du prix aux Editions Sidwaya.

S : Les travaux du Conseil consultatif sur les réformes politiques (CCRP) entament leur dernière phase avec les consultations régionales et les assises nationales. Quelle issue prédisez-vous à ces travaux ?

A.O.D. : Je trouve que le CCRP est la manifestation d’un processus démocratique. C’est un cadre destiné à recueillir le point de vue de toutes les tendances politiques du Burkina Faso. Dès lors que des points de vue différents, voire divergents s’expriment librement dans une assemblée, c’est un exercice démocratique qu’il faut saluer. Et nous voyons que les premiers résultats ne constituent pas les décisions d’un parti central, mais de tous les acteurs présents. Je suis certaine que le résultat final qui en sortira va refléter l’ensemble des points de vue de plusieurs partis.

S : Que pensez-vous du fait que certains partis de l’opposition et certaines Organisations de la société civile refusent de participer à ces débats ?

A.O.D. : La liberté d’expression étant un droit fondamental, l’opposition est libre de prendre part ou de ne pas prendre part à ces rencontres, à ce titre il n’y a pas d’incrimination à leur faire.

S : Le monde de la presse a été bouleversé ces derniers temps par les révélations de Weakileeks sur des secrets d’Etat. Quel est votre commentaire là-dessus ?

A.O.D. : Je trouve que Weakileaks donne des informations sensationnelles. Mais étant donné qu’il n’y a pas la possibilité de faire une enquête pour confirmer ou infirmer ces informations, je prends ces révélations avec beaucoup de réserves.

S : En septembre dernier, l’avocat franco-libanais Robert Bourgi a fait des révélations sur les éventuels financements de la campagne de l’ex-Président français, Jacques Chirac par des présidents africains dont le Président du Faso Blaise Compaoré. Quel est votre avis à ce sujet ?

A.O.D. : Personnellement, je n’ai pas de commentaires à faire. Dans la mesure où l’intéressé s’est contredit lui-même à plusieurs reprises, je pense que ces révélations doivent être prises avec des pincettes. Quand on soutient une chose et son contraire, il est difficile d’apporter du crédit à ce genre de révélations.

S : Pensez-vous donc que la Françafrique est une chimère ?

A.O.D. : l’Afrique est constituée d’Etats qui exercent leur souveraineté en toute connaissance de cause. Evidemment, il y a des relations d’intérêts qui se tissent entre Etats du Sud et du Nord que l’on ne peut nier.

S : Kadhafi a été tué, son corps traîné dans la rue et présenté sur toutes les chaines du monde. En tant que premier responsable d’une institution chargée de la protection des données personnelles, quel est votre commentaire ?

A.O.D. : Chaque être humain a besoin qu’on protège sa dignité, son image.
Le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort. Le corps d’une personne morte doit être traité avec dignité, respect et décence.

S : Le CNT, nouvelle force politique en Libye est-il crédible ?

A.O.D. : il faut respecter le choix de chaque peuple qui est forcément guidé par des raisons qui leurs sont propres.

S : Au moment où l’UA était divisée, le Burkina Faso a pris position pour le CNT. Quelle est votre analyse de cette position ?

A.O.D. : Le Burkina Faso a agi selon ses intérêts. Les décisions des pays sont souvent guidées par leurs intérêts diplomatiques et/ou économiques.

S : La gestion de la crise libyenne a divisé les chefs d’Etat africains. Pensez-vous que l’Union Africaine parviendra à recoller les morceaux ?

L’Union Africaine a déjà résolu des crises. Elle a des mérites qu’il ne faut pas noyer dans ce qui s’est passé dans la crise libyenne. L’UA a fait de son mieux pour faire prévaloir le droit des pays africains.

S : Que pensez-vous de la crise syrienne où Bachar Al Assad massacre la population sous le regard passif de la communauté internationale ?

A.O.D. : Je mettrai tout cela sur le compte de la géopolitique où une cartographie du monde est dessinée en fonction des intérêts que présentent tel ou tel pays. Quelle utilisation peut - on faire de tels pays, à quel moment et pendant combien de temps ?

S : Le président Alassane Dramane Ouattara pourra t-il réussir l’œuvre de reconstruction et de réconciliation de la Côte d’Ivoire ?

A.O.D. : Je pense que le président ADO s’attèle à renouer le fil du dialogue entre frères ivoiriens. A l’issue des élections, on pourrait voir une Côte d’Ivoire réconciliée avec des populations unies pour la reconstruction du pays. Avec la réalisation des grands chantiers en cours, on peut s’attendre à vivre des jours meilleurs en Côte d’Ivoire.

S : Mahmoud Abbas peut-il réaliser son projet de création d’un Etat palestinien autonome ?

A.O.D. : la création de l’Etat palestinien est une condition pour que la paix revienne dans ces deux pays que sont la Palestine et Israël. Je crois que le processus de création de l’Etat amorcé depuis doit se poursuivre autour d’une table de négociation dans le but de parler avec sincérité des problèmes sérieux tels que la délimitation du territoire, la recherche des ressources financières et bien d’autres sujets aussi importants les uns que les autres.

S : Certains assimilent le conflit israélo-palestinien à une crise sans fin ?

A.O.D. : C’est vrai que le conflit dure depuis plusieurs décennies, bien avant la création de l’Etat d’Israël en 1948 et connaît néanmoins des périodes d’accalmie. En effet, c’est depuis 1920 que les revendications pour la création d’un Etat palestinien ont commencé. Depuis lors, plusieurs étapes se sont succédé :

- Des accords d’OSLO qui reconnaissent l’Autorité Palestinienne comme entité représentant les Palestiniens,

- des signatures d’accords ont eu lieu puis des ruptures de dialogue entre les deux parties, ce qui peut amener à penser que cette crise est sans fin. Cependant, l’espoir semble renaître.

S : Israël lui reproche d’avoir agi unilatéralement et que les acteurs des deux pays auraient dû se concerter pour trouver une solution.
Pensez-vous que l’idée d’un Etat palestinien va aboutir un jour ?

A.O.D. : Je trouve que c’est une action très courageuse de la part de S.E.M Mahmoud Abbas et que sa détermination va payer à terme. La reconnaissance de la Palestine comme Etat membre de l’UNESCO en octobre dernier en est un signe.

S : Selon certaines opinions, la plupart des crises sont liées à la longévité au pouvoir. Êtes-vous de cette opinion ?

A.O.D. : La paix et la stabilité sont deux facteurs indispensables dans tous processus démocratique et tout Etat qui prône une souveraineté doit travailler à consolider ces deux facteurs. Mon avis sur cette question est qu’on ne décrète pas une démocratie pour un pays. Elle se construit selon un contexte donné.

S : La démocratie a-t-elle des valeurs universelles ou serait-elle liée au peuple ?

A.O.D : La démocratie est une aspiration universelle ; elle ne peut être importée de l’étranger. L’enracinement d’une démocratie dépend des luttes populaires de chaque pays.

S : Une question facile mais souvent difficile à répondre. Qui est madame Alimata Ouattara-Dah, la présidente de la CIL ?

A.O.D. : (rires…) C’est difficile de parler de soi mais je vais essayer. Je suis juriste de formation et inspecteur du travail de profession. J’ai débuté ma carrière à l’inspection du Travail de Ouagadougou puis de Bobo-Dioulasso où j’ai passé douze (12) ans de terrain. Par la suite, j’ai été nommée directrice de la sécurité sociale et des mutualités au ministère du Travail et de la Sécurité sociale en 1997 où j’étais chargée de lancer le processus de la mutualité au Burkina Faso. Je suis restée cinq ans dans cette direction. Puis, nommée directrice générale du Travail et de la Sécurité sociale. Les services passés au sein des deux directions m’ont permis avec mes collaborateurs de contribuer à la réalisation de grands chantiers et de les mener à terme ; il s’agit entre autres de :

- la relecture du code du travail,

- la relecture du code de la sécurité sociale

- l’ élaboration de la politique nationale de la protection sociale au Burkina Faso

- l’élaboration du code unique de la sécurité sociale des 14 pays membres de la zone franc et de la Conférence interafricaine de la prévoyance sociale (CIPRES ).
Par la suite, j’ai évolué dans le privé comme directrice des ressources humaines dans un groupe pétrolier. C’est de-là que j’ai été rappelée pour être nommée Secrétaire générale du ministère du Travail et de la Sécurité sociale avant d’être nommée conseillère technique du ministre des Postes et des TIC. Et aujourd’hui présidente de la CIL.

S : Que détestez-vous le plus ?

A.O.D. : L’hypocrisie et l’injustice.

S : Qu’aimez-vous le plus ?

A.O.D. : L’objectivité et la solidarité.

S : Quel est votre sport favori ?

A.O.D. : Dans le temps, quand j’étais plus jeune, je dirais jeune (rires), je jouais au hand-ball au ``collège notre Dame de Kolog-Naaba et ensuite à l’Université Lomé. Mais de nos jours, c’est difficile. Toutefois, quand j’ai l’occasion, je fais de la marche.

S : Quel est votre musique préférée ?

A.O.D. : J’aime beaucoup la musique. Je suis restée attachée à la musique de mon époque, la Salsa.

S : Vous arrive t-il de danser ?

A.O.D. : Oui

S : On vient de fêter l’anniversaire du décès de Djata Ilebou ? Que retenez-vous de cette artiste ?

A.O.D. : Je l’aimais beaucoup. Elle a une voix hors du commun. Sa disparition est une grande perte pour notre pays et pour la musique en particulier. Que le seigneur accueille son âme. A propos de Djata, j’ai une anecdote. J’étais un jour à une cérémonie où Djata animait. Un magnétisme s’est instantanément établi, toujours est-il qu’elle s’est arrêtée devant moi pendant un bon moment lors de sa prestation. Un collègue qui savait que je l’appréciais beaucoup m’a dit après qu’il a eu peur que je ne me lève pour danser avec elle.

S : On reproche aux femmes modernes de ne pas faire de la cuisine. Vous-y consacrez-vous si souvent et quel est votre plat préféré ?

A.O.D. : C’est vrai, l’observation semble juste. Il arrive souvent, qu’on reste au bureau du matin au soir. Mais cela n’empêche pas qu’on apporte sa touche et qu’on prépare quelques mets. Mon plat préféré est le tô à la sauce ``da``.

S : Quels conseils avez-vous à donner aux jeunes générations ?

A.O.D. : Qu’elles aient un sens élevé du patriotisme.

S : Vous avez eu un parcours exceptionnel. Quel est votre secret ?

A.O.D. : Je ne sais pas si mon parcours est brillant ou exceptionnel. Cependant, je pense que le travail bien fait peut être payant. Le travail en équipe aussi, est porteur car en partageant les idées et les expériences, on évite souvent les erreurs et on parvient à un résultat objectif.

S : Madame la présidente, quel sens donnez vous à l’amitié ?

A.O.D. : L’amitié est parfois plus forte que les relations de fraternité. Car ce sont des relations qui peuvent durer toute une vie. Il n’est pas souhaitable d’avoir une multitude d’amis en ce sens qu’on ne peut pas avoir confiance en plusieurs personnes à la fois. Plus ils sont nombreux, plus vous avez la chance d’avoir des envieux et des méchants parmi eux. L’amitié doit être fondée sur la confiance et la sincérité.

S : Quel sens donnez-vous à l’argent ?

A.O.D. : Je ne suis pas complexée par rapport à l’argent. La valeur d’un homme ne s’apprécie pas en termes de biens matériels et financiers mais dans d’autres valeurs immatérielles. Cependant, de nos jours, tout repose sur l’argent. Il vaut mieux alors en avoir pour satisfaire ses besoins fondamentaux.

S : Que représente la famille pour vous ?

A.O.D. : La famille, c’est le lieu de mon retranchement, là où je suis sans réserve. Alors j’accorde beaucoup d’importance à la famille.

S : La famille n’a-t-elle pas pesé sur votre carrière ?

A.O.D. : Non, pas vraiment ; j’ai commencé ma carrière professionnelle avec des enfants en bas âge sans que cela ne constitue une gêne pour moi mais fort heureusement quand j’occupais les différents postes de responsabilité, mes enfants étaient relativement grands. J’ai également eu un mari compréhensif qui ne me posait pas de problèmes quand je travaillais sous pression. Le travail n’a pas été source de problèmes dans mon foyer.

S : Que représente le travail pour vous ?

A.O.D. : Le travail est la clé de la valorisation personnelle et force le respect et la considération à votre endroit.

S : Faites-vous la politique ?

A.O.D. : Oui je m’intéresse à la politique.

S : Rêvez-vous de voir une femme devenir chef d’Etat au Burkina Faso ?

A.O.D. : Ce n’est pas un simple rêve. Ça sera certainement une réalité un jour. Au plan juridique, la loi prévoit pour les femmes un égal accès aux emplois au même titre que les hommes.

S : Cela est-il possible au regard des pesanteurs socioculturelles ?

A.O.D. : Si on parle de pesanteur socio culturelles, ça ne veut pas dire que la culture est une chose statique ; elle s’adapte aux réalités de l’heure sans pour autant perdre certaines valeurs.

S : Madame la présidente, s’il y a une question qui n’a pas été posée, nous vous donnons l’occasion de dire ce qui vous tient à cœur ?

A.O.D. : Je voudrais simplement ajouter que le droit à la protection des données à caractère personnel n’est pas un droit abstrait. Ce n’est pas non plus un droit élitiste ; en réalité il concerne tout le monde. Qui d’un citoyen en ville ou au village n’ait jamais donné ses empreintes digitales pour une carte d’identité ? Qui ne s’est pas fait enregistrer dans les fichiers d’une caisse populaire ou une banque pour prendre un crédit ? Qui d’un citoyen en ville ou au village n’ait pas donné des informations dans un Centre de santé pour bénéficier de soins ?

Les données personnelles c’est simplement cela ; alors, ensemble mobilisons-nous pour faire de nos droits à la protection des données une réalité dans tous les domaines de la vie.

Sidwaya



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