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CONFLIT FONCIER A BOGODOGO : La parcelle, les ayants droit, le père et le fils

mardi 8 novembre 2011.

 

Une guerre sans merci oppose depuis des années deux parties au sujet d’une parcelle, dans l’arrondissement de Bogodogo. D’un côté, les ayants droit d’une dame décédée, pour qui la parcelle est la propriété de leur défunte mère et de l’autre, un père et son fils, se prévalant d’une prétendue attribution par un ancien maire dudit arrondissement. L’affaire a échu sur le bureau du juge depuis belle lurette, mais tarde à connaître un dénouement définitif. Visiblement, corruption, trafic d’influence, faux et usage de faux, duplicité, laxisme et autres abus de pouvoir ont émaillé le traitement du dossier…

La genèse de l’affaire remonte à la fin des années 80. La zone où se trouve la parcelle querellée n’était encore lotie. Feue Alizèta Koanda avait une maisonnette sur la parcelle identifiée à l’époque par le N° 6498, dont elle s’est régulièrement acquittée des frais, selon ses ayants droit. Du reste, plusieurs documents en leur possession l’attestent. Au moment du lotissement de la zone, en 1987, la maisonnette n’a pas été démolie. Ses limites étaient au milieu des bornes formant la parcelle 03 lot 14 Section KB.

A la faveur des évènements du 15 octobre 1987, la commission d’attribution a été suspendue et la défunte n’a pas eu le temps de régulariser la situation de sa parcelle, au niveau de la mairie. Elle est tombée malade puis est décédée en 1995. Au début des années 2000, au grand étonnement de ces ayants droit, pendant qu’ils s’affairaient à régulariser la situation de la parcelle à leur profit, Zibouré Claude Maré, alors conseiller municipal à Bogodogo, fait irruption sur la parcelle où il entreprend des travaux de mise en valeur. C’est le point de départ d’un long feuilleton juridico-administratif aux rebondissements imprévisibles. Que d’invectives ! Que de scènes de défiance mutuelles entre les deux parties ! Que d’attaques et de contre-attaques réciproques !

Plusieurs décisions de justice ont été rendues. Mais l’affaire est loin d’être close. La plupart des juges se sont déclarés incompétents pour connaître de l’affaire. Et, contre vents et marrées, Zibouré Claude Maré continue d’occuper les lieux, au grand dam des ayants droit de dame Koanda. Manifestement, pour y arriver, il n’a pas hésité à recourir à toutes sortes de moyens, même les plus sordides. Un clin d’œil dans le dossier laisse voir une panoplie d’irrégularités, allant de la manipulation au faux et usage de faux. Morceaux choisis : en 2006, face à l’entêtement du sieur Maré à occuper la parcelle malgré leur opposition, les ayants droit interpellent la mairie de Bogodogo. Le maire de l’époque, Zénabou Drabo, convoque les deux parties pour envisager une solution au problème. Le 14 mars 2006, se tient à cet effet, à la mairie, une réunion dont compte rendu a été dressé.

Régularisation irrégulière

Après confrontation, indique ledit compte rendu, il est ressorti que la parcelle appartenait bel et bien à la défunte. En effet, des voisins ayant participé à la rencontre ont témoigné en faveur des ayants droit et ont soutenu, sans ambages, que la parcelle appartenait à feue Alizéta Koanda. Mieux, l’actuel maire de Bogodogo, Henri Kaboré, qui était membre de la commission d’attribution au moment du lotissement, a reconnu et affirmé que la parcelle appartenait à la défunte. Selon lui, « elle s’est désintéressée de tous les frais de cotisation et n’eût été la suspension de la commission, elle aurait été attributaire de la parcelle ». Sur ce, Zibouré Claude Maré est prié de libérer les lieux au profit des ayants droit de la défunte. Il ressort par ailleurs que M. Maré et sa famille ont été attributaires de quatre parcelles dans ledit arrondissement. Mais c’était méconnaître le sieur Maré et sa détermination à s’approprier la parcelle. Il ne s’exécutera pas, suite à l’injonction faite par la mairie.

Il se prévaut d’un prétendu titre de propriété que lui aurait attribué le précédent maire de l’arrondissement, Harouna Compaoré. Mais à y voir de près, de titre de propriété, il n’en est rien. Un document douteux, portant la mention « régularisation », indiquant que suite à sa demande N°2522 du 04/11/99, Stéphane Eric Maré, fils de Zibouré Claude Maré, a été confirmé sur la parcelle par la commission d’attribution en sa séance du 15/12/99. « A quelle situation préalable renvoie ce document ? Que régularise-t-il ? », se demandent les ayants droit, puisqu’avant cette date, l’intéressé n’avait aucune référence sur la parcelle ? Bien au contraire, la seule référence de la parcelle existant est le N° 6498 et celui-ci était détenu par la défunte. Rencontré à son domicile, sur la parcelle en question, Stéphane Eric Maré n’a pu présenter les documents ayant prévalu à cette « régularisation » de la parcelle à son nom.

A la mairie de Bogodogo, dans le registre d’attribution des parcelles, contrairement aux autres parcelles de la Section KB, le nom de M. Maré est écrit au stylo rouge et aucun numéro ne lui est affecté. Par quelle acrobatie l’ancien bourgmestre a-t-il bien pu réaliser cette « prouesse » ? Mystère. L’actuel maire, Henri Kaboré, est catégorique : « C’est irrégulier », affirme-t-il au sujet de cette « régularisation ». Et il ne s’arrête pas là :« C’est la force que M. Maré et son fils font aux autres », ajoute-t-il, quelque peu dépité. Mais arguant du fait que « sa parcelle » lui a été attribuée avant que le maire actuel ne soit à ce poste, Stéphane Maré estime que ce dernier n’est pas compétent pour juger de la qualité de ses documents.

« Faux grossier » !

Mais il n’y a pas que ça. Dans sa course effrénée pour attester de sa propriété sur la parcelle, M. Maré a brandi, dans un premier temps, une attestation d’attribution référencée N°06/258 du 07/03/2006 portant la signature de Mahamady Compaoré, receveur des domaines et de la publicité foncière Kadiogo III. Sur le document, au lieu de la parcelle 03 lot 14 Section KB, il est plutôt question de parcelle 14 lot 03 Section KB. Comment peut-il se prévaloir d’une propriété sur la parcelle 03 lot 14 section KB avec ce document ? « C’est une erreur de frappe », rétorque-t-il. Et le voilà qui brandit un autre document. Celui-ci porte les bonnes références de la parcelle. Mais il y a toujours un hic. Ce deuxième document est signé par un certain Hassane Ouédraogo, receveur des domaines et de la publicité foncière de Bogodogo. Il ne s’agit pas d’un duplicata mais, curieusement, il porte la même date que le précédent : 07/03/2006.

Pourtant, renseignements pris, à cette date-là, Hassane Ouédraogo n’était pas encore à ce poste. Comment lui qui a pris service audit poste en 2007 a-t-il pu signer un document datant de 2006 ? Le faux est manifeste. Au niveau du service des domaines de Bogodogo, on ne se fait pas d’illusion : « Ce document est un faux grossier », affirme-t-on. D’ailleurs, cela n’étonne guère. Hassane Ouédraogo est, dit-on, un « nom tristement célèbre de ce côté-là ». Corruption et autres détournements de biens publics auraient émaillé, confie-t-on, son passage dans le service. Il a même fait la prison.

Le tribunal de grande instance de Ouagadougou a pourtant invoqué ce faux, versé au dossier par le sieur Maré, dans la décision N°1325/CAB/PRES du 016/02/2007, rendue en défaveur des ayant-droits. Autre fait troublant dans cette affaire, le Permis urbain d’habiter (PUH) N°0213943/206 du 07/12/2009, attribué à M. Maré. Il porte la signature de l’actuel maire de Bogodogo. Pourtant, ce dernier affirme que la parcelle n’appartient pas à M. Maré. Il reconnaît aussi que le document délivré par l’ancien maire, Harouna Compaoré, et l’attestation signée par l’ex-receveur Hassane Ouédraogo posent problème. Mais il a accepté de signer le PUH, sur la base de tous ces faux. Pourquoi tant de duplicité et de fourberie dans cette affaire ? Les ayants droit de la défunte ne se font plus d’illusions. Pour eux, il y a une entente entre gens nantis pour les spolier. Ils en appellent à l’intervention des plus hautes autorités de ce pays, afin de les rétablir dans leurs droits. Seront-ils entendus ? Affaire à suivre.

Par Y. Ladji BAMA

Le Reporter



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