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Ecrivain public : Une activité qui nourrit toujours son homme à Ouagadougou

mercredi 12 octobre 2011.

 

D’origine égyptienne, le métier d’écrivain public a encore de beaux jours à Ouagadougou. A la Société nationale des postes (SONAPOST) comme au Palais de justice, nombreux sont ceux qui ont recours aux écrivains publics pour la rédaction de leurs documents administratifs et lettres personnelles moyennant quelques sous. Voyage au cœur d’une activité qui résiste au temps malgré son caractère informel.

« J’exerce ce métier depuis 12 ans et je vis de ça », confie Julien Rouamba, la cinquantaine bien sonnée, écrivain public à la Société nationale des postes (SONAPOST) à Ouagadougou. Assis dans l’enceinte de la nationale des postes, en face des guichets, Julien Rouamba attend paisiblement ses clients. Il est 15h10 mn un vendredi du mois de septembre 2011, lorsqu’un client l’approche et lui demande : « pouvez-vous me remplir ce chèque ? » Julien, avec toute l’habileté d’un scribe des temps anciens, remplit le chèque. En contrepartie du service rendu, le client lui tend une pièce de 200 FCFA.

Entre deux clients, le scribe des temps modernes nous parle de son travail. Selon lui, les écrivains publics sont des personnes instruites habilitées à écrire des lettres et à remplir des documents administratifs pour le compte d’autrui. « Nous sommes des agents qui ont choisi d’aider les gens dans la rédaction, dans la recherche de leurs documents et nous intervenons même auprès du tribunal », explique-t-il. Le coût de ses prestations varie entre 200 FCFA et 2500 FCFA. « Nous remplissons les fiches de mandat ou les chèques à 200 FCFA l’unité. Mais concernant les actes administratifs, on s’entend au préalable avec le client sur le prix.

La rédaction d’une lettre de motivation par exemple coûte 2500 FCFA », raconte- t-il. Julien Rouamba dit gagner en moyenne 10 000 FCFA par jour.
Un gain journalier qui n’est pas sans susciter des vocations. Julien Rouamba est en effet assisté, depuis six mois, d’un jeune âgé de 27 ans, Abdoul Nakoulma. Lui aussi dit trouver son compte dans ce métier. « Le travail se passe bien. Je peux avoir par jour 4 000 à 5 000F CFA », confie-t-il fièrement. Comme pour montrer que son activité est aussi respectable comme tout autre, Julien Rouamba laisse entendre que le métier d’écrivain public est régi par des textes au Burkina Faso « C’est l’arrêté n° 1853 A.P. du 30 mars 1950 qui régit notre fonction ».

Le cours en droit du travail ne s’arrête pas là. En effet, Julien Rouamba nous apprend également que l’article premier de cet arrêté stipule que : « sont réputés agents d’affaires ceux qui, en dehors des officiers ministériels, des avocats et des agréés auprès des tribunaux, ont pour profession habituelle de gérer les affaires d’autrui, litigieuses ou non, de conseiller et d’enseigner le public ou d’intervenir en son nom, le tout moyennant rétribution. Sont notamment considérés comme tels, les écrivains publics et les agents de renseignements ».

Des écrivains d’un autre genre

On rencontre également des écrivains publics au Palais de justice de Ouagadougou. A la différence de Julien Rouamba, ceux-ci n’exercent pas à temps plein. Ces écrivains d’un autre genre, en majorité étudiants, mènent cette activité de façon temporaire, sans aucune autorisation. Ce qui explique pourquoi la plupart d’entre eux exercent leur activité en toute discrétion. Il est 11h 15 mn ce jour, quand un usager se dirige vers l’un d’entre eux, avec une demande en main. L’homme dit avoir vu sa demande rejetée pour mauvaise rédaction. En l’espace de 5 minutes, une nouvelle demande est disponible. Ce service coûtera 100 FCFA au porte-monnaie du client. « Nous sommes ici pour aider les gens à écrire correctement leurs différentes demandes.

Concernant le prix, il n’y a pas de tarif en la matière. Dans la plupart des cas, nous leur demandons juste une contribution. Ils nous donnent 100 ou 200 F CFA par demande », nous fait remarquer un des étudiants-écrivains. On innove également pour augmenter ses revenus. Des demandes toutes faites et timbrées sont en effet proposées aux clients. Il s’agit des demandes de casier judiciaire, de certificat de nationalité, de certificat d’individualité etc. Ces documents coûtent 400 FCFA l’unité. Une somme jugée excessive par la plupart des clients rencontrés sur les lieux.

Aider à ouvrir les portes de grandes institutions

La majorité de la clientèle des écrivains publics est analphabète. Nombreux parmi eux ont régulièrement recours à ces scribes pour différents types de services. « Ils nous aident beaucoup », confie Tasséré Tapsoba qui n’a jamais mis les pieds dans une classe d’école. Tout comme lui, Salfo Ilboudo estime qu’un tel travail est très louable pour bon nombre de gens qui sont analphabètes comme lui. Ce n’est pas Rachid Sawadogo qui dira le contraire, lui qui a vu sa demande rejetée par l’un des services du Palais de justice. « Je ne sais pas rédiger une demande, c’est pourquoi je sollicite le concours de ces jeunes », relève-t-il. Il est à noter que des lettrés ont aussi parfois recours à ces écrivains publics pour des besoins bien précis.

« Des étudiants viennent à nous pour la rédaction des demandes d’intégration, d’emploi ou de stage », affirme Julien Rouamba. Selon lui, la présence des scribes en ces lieux constitue un soulagement pour les personnes illettrées et même lettrées. « Nous avons rédigé des lettres de motivation pour des gens qui sont aujourd’hui embauchés dans des banques comme la BOAD, la BICIA-B, … », se rappelle Julien Rouamba, sourire au coin. Jean Charles Bazié, un fidèle client des scribes, dit faire recours aux services de ces derniers pour éviter de gaspiller son chéquier. Hoho Kambiré, une autre cliente, estime que les écrivains publics, en plus de l’énorme service qu’ils rendent, sont aussi accueillants et très serviables.

« C’est la deuxième fois que je viens ici pour prendre un mandat. Je n’ai jamais eu de problème avec eux », avoue-t-elle. Les écrivains publics sont cependant et très souvent confrontés à des clients difficiles « Des fois, nous nous disputons avec certaines personnes qui nous font reprendre plusieurs fois une même demande à 100 FCFA. Cela dépend du tempérament de chaque personne », témoigne un d’entre eux au Palais de justice. Qu’à cela ne tienne, ces écrivains disent gagner leur pain à travers ce métier. Ils (surtout ceux qui sont dans l’informel) émettent cependant des inquiétudes quant à leur avenir. « Nous avons peur qu’on nous chasse d’ici parce que pour l’instant, nous n’avons pas d’autres occupations si ce n’est ce job », s’inquiètent-ils de manière unanime.

Kowoma Marc DOH


De l’origine des scribes

Un scribe est, au sens historique, une personne qui pratique l’écriture. Son activité consiste à écrire à la main des textes administratifs, religieux et juridiques ou des documents privés, et à en faire des copies. Il peut alors être assimilé à un copiste ou à un écrivain public. Dans l’Egypte antique, le scribe était un fonctionnaire lettré, éduqué dans l’art de l’écriture et de l’arithmétique. Omniprésent comme administrateur, comptable, littérateur ou écrivain public, il faisait fonctionner l’Etat de Pharaon au sein de sa bureaucratie, de son armée ou de ses temples. Le scribe royal domine l’administration centrale.

Associée initialement à la déesse Seshat (celle qui écrit ; lit. celle qui est un scribe), la profession de scribe passa sous la protection du dieu Thot, au cours des dernières dynasties. Selon la légende, celui capable de déchiffrer les formules magiques du livre de Thot peut espérer surpasser les dieux. Presque tout ce que nous connaissons de l’Egypte ancienne a été légué par les scribes, tant sur la vie et les réalisations de Pharaon, la construction des grands monuments, la vie des classes populaires ou les évènements politiques et militaires. Ainsi, la fuite d’Egypte des Juifs est attestée par les scribes et Moïse lui-même est considéré avoir été scribe, après son adoption par la fille de Pharaon.

Les scribes du monde juif ancien et moderne (sofe) sont des docteurs de la foi enseignant la loi de Moïse et l’interprétant pour le peuple. L’importance du verbe dans la foi juive, et par extension dans le christianisme et l’histoire occidentale, à travers la révélation de la parole divine et le livre sacré, la Bible, qui la contient, pourrait trouver son origine dans la figure du scribe égyptien et du dieu Thot. Le terme de scribe s’applique, dans l’Europe médiévale, aux officiers des villes, chargés de travaux de rédaction et soumis à l’autorité du chancelier.

K.M.D
Source internet

Le Pays



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