Communalisation intégrale : Bakata, cinq ans après
Son existence avait été révélée au grand public à l’occasion d’un de nos grands reportages parus en octobre 2006. pas d’eau courante,
A tout cela s’ajoutent l’enclavement du patelin et le sous-emploi des jeunes en saison sèche. Hasard de calendrier Lorsque nous foulions pour la première fois cette petite bourgade au nom euphonique, en 2006, c’était à une période du jeûne du Ramadan. Cinq ans plus tard, presque jour pour jour, le retour à Bakata coïncide de nouveau avec le neuvième mois de l’Hégire. Un moment de privation volontaire de nourriture et de boisson entre le lever et le coucher du soleil chez les musulmans. C’est connu, ce mois de pénitence affecte le pouls de l’activité économique. Alors, dans une localité rurale, qui plus est à majorité musulmane, cette période équivaut à un moment d’hibernation. C’est que Bakata fait figure d’une vaste aire de privation comme nous l’avons constaté lors de notre premier séjour : « Pas d’électricité, même solaire, pas de téléphone, même en ces temps de couverture satellitaire, pas d’eau courante, pas de centre de loisirs, même pour jeunes. Seuls signes de la présence de l’Etat : quelques écoles primaires dont certaines en matériaux rudimentaires (secco) et la préfecture, fruit de la générosité d’un fils du village ». C’est dans cet état d’extrême dénuement que cet ancien département de la province du Ziro, à l’instar de bien d’autres patelins paumés du fond du Burkina Faso, a été, en 2006, transformé par décret en « collectivité territoriale ». Processus de décentralisation oblige, l’Etat se désengage désormais de la vie des communautés de base pour mieux se consacrer à ses fonctions régaliennes. C’est qu’ici, il y a longtemps qu’on a appris à survivre sans compter sur les maigreurs du gouvernement. En effet, en proie à l’enclavement, au manque de ressources autres que celles procurées par l’agriculture pluviale, à l’inexistence de la matière imposable et au sous-emploi des jeunes, qui n’en peuvent plus de cette oisiveté démoralisante, Bakata entamait ainsi la voie de la décentralisation avec des béquilles. Et pourtant, plus d’un voulait croire à la capacité de la communauté de se faire elle-même. Et chacun est prêt à participer à l’effort de contruction. Une détermination à déplacer des montagnes « Nous consentons à payer de nouvelles patentes, nous sommes prêts à travailler avec Mme le maire. Mais il ne faut pas oublier que les cannetons marchent au rythme de la canne », déclarait, pour sa part, le chef du village, Bapion Diasso. Ancien sergent de l’armée française, vétéran des guerres d’Indochine puis d’Algérie, le tio pio a été de toutes les campagnes de sensibilisation au civisme fiscal. Pas étonnant donc que la commune ait remporté, en 2010, le premier Prix COPEGOL (compétition pour l’excellence dans la gouvernance locale) ; une récompense décernée à la commune ayant réalisé, entre autres, les meilleures performances en matière de recouvrement de recettes fiscales. C’était il y a cinq ans. Aujourd’hui, qu’en est-il de cette ardeur populaire ? L’union sacrée entre la population et les élus locaux est-elle toujours la chose la mieux partagée ou alors le charme est-il rompu ? Les fruits de cette première expérience de communalisation ont-elles été à la hauteur des espérances ? Après environ une heure de trajet sur l’axe Ouagadoudougou-Sapouy, la fourgonnette oblique sur une route en terre. Soudain, des souvenirs se mettent à défiler dans notre esprit. A l’image des champs de mil filant en sens inverse de la course du véhicule de reportages. D’abord vagues, les réminiscences deviennent plus précises à mesure que nous traversons les premiers villages de la commune. L’un d’entre eux retient particulièrement notre attention : Bouyoa. C’est là qu’habite Affisatou Ziba. Comment ne pas se rappeler cette conseillère municipale qui se rendait chaque jour à vélo à Bakata-Centre, chef-lieu de la commune, distant de son patelin d’une dizaine de kilomètres ? Deuxième adjointe au maire, Dame Affisatou reste, par-dessus tout, une femme comme les autres. En tout cas c’est le constat fait lors de notre précédente visite. Même élue locale, elle était toujours par monts et vaux, perchée sur sa « monture de fer ». Epouse, elle soutenait son mari dans les travaux champêtres. Mère de famille, elle veillait sur une progéniture qu’on imagine abondante au regard de la prégnance des idées natalistes en milieu rural. Pas de géant d’un nain dans l’ère du numérique Mille fardeaux que la jeune femme officier d’état civil supporte sur ses frêles épaules, sans renâcler à ce qui passe pour un apostolat. Bien au contraire : « C’est très difficile. Mais si les femmes ne mettent pas leur bouche dans la gestion de la commune, alors qui va défendre leurs intérêts ? », demandait-elle ? Bien sûr, cette prouesse dans le secteur de la télécommunication par satellite n’est pas l’œuvre de l’Exécutif local. Mais les effets induits de ce bond technologique se ressentent jusque dans le budget communal ; par exemple, la vente de cartes de recharge et autres accessoires de « cellulaires » favorise un commerce, même petit, qui n’a pas manqué d’attirer le regard insensible des collecteurs de taxes. A notre arrivée, une grande animation règne sur les lieux. Ce n’est pourtant pas jour de marché. Des rangées de boutiques sont bourrées à craquer de marchandises diverses. Des tables brinquebalantes croulent sous le poids de produits multiples. Ici, s’élève le fumet de la bonne viande grillée, là, l’exhalaison de galettes succulentes. Comme beaucoup de jeunes de sa génération, il s’est lancé dans le négoce depuis l’érection de ce nouveau marché. Solide gaillard, c’est un véritable bouffe-tout qui ne rechigne pas à la tâche : de la vente de céréales à la collecte d’oléagineux en passant par le juteux commerce d’essence en bouteilles, il mord dans tout ce qui sent le pognon : « Désormais, il y a tout ici. Plus besoin de se rendre à Kinkirsgogo [NDLR : un des 14 villages de la commune, considéré comme le poumon économique de toute la localité] pour s’acheter quoi que ce soit », confie-t-il. La preuve, la veille dans la nuit, notre photographe a pu se procurer sur place de la pâte dentifrice, un peigne, une lampe électrique et d’un « moustiquo » ; impossible il y a quelques années de cela. Par le truchement d’une antenne parabolique, une « vidéo club » fait le bonheur des amoureux du ballon rond. Grâce à la magie du direct, le marché lucratif des transferts, les meilleurs buteurs et le résultat de la crème des championnats du football européen alimentent chaque matin le débat des enragés du sport roi devant le seul kiosque à café du coin. La bière désormais à portée de main De puissantes plaques solaires alimentent 24h/24 les lieux en énergie électrique. « Vous voyez que les choses ont un peu évolué non ? », dit mi-affirmatif mi-interrogateur Edouard Bouda. Conseiller municipal et époux du maire, il a tenu à effectuer le déplacement à Bakata juste le temps de nous trouver un logeur dans ce bled où il n’y a ni maison d’accueil ni auberge, encore moins un hôtel. Une des actions qui figurera aussi en bonne place dans le bilan du conseil municipal, c’est sans nul doute l’opération de lotissement d’une partie de Bakata-Centre. Certes rien de significatif n’a encore poussé sur le site, mais cette initiative s’inscrit dans une démarche prospective : « Avec le dynamisme économique de ces dernières années, c’est une façon d’encourager tous ceux qui ont les moyens de construire des maisons en dur et, pourquoi pas, des immeubles », explique, le visage illuminé de joie, le premier adjoint au maire, Zakaria Kouanda. Connu et surtout respecté de tous, ce jeune officier d’état civil de moins de 40 ans est d’une serviabilité à toute épreuve. A peine rentré d’une mission de formation, c’est, toute affaire cessante, qu’il court à la salle des fêtes de la mairie, où nous venons de prendre nos quartiers. Pour ne plus nous quitter d’une semelle. L’union sacrée n’est plus ce qu’elle était Toutes les 13 autres entités villageoise ont bénéficié, peu ou prou, des réalisations de la mairie, dont le budget propre est passé de « moins de 5 millions FCFA » en 2006 à plus de 18 cette année ; sans compter l’aide financière apportée par les partenaires : Créditée d’un tel bon palmarès, serait-elle tentée par un deuxième mandat ? « C’est trop tôt. On n’a pas encore terminé le mandat sur nos deux pieds ». Lorsqu’on insiste sur la question, la réponse, elle, ne reste pas moins sibylline : « Si la population me sollicite encore, je vais voir si j’ai toujours les ressources nécessaires pour la servir ». Avec autant d’acquis à faire pâlir de jalousie bien de ses homologues, en principe la reconquête de la mairie ne devrait être qu’un simple jeu d’enfant. Seulement, à quelques mois des locales, l’union sacrée entre le maire et la population n’est plus ce qu’elle était naguère. Si bien que certains préféreraient voir la présidente du conseil ceinte d’une couronne d’épines en lieu et place de celle de lauriers qu’ils lui ont tressée au début du mandat. En tout cas, c’est le constat qui se dégage à Bakata-Centre ; c’est que l’affaire du futur marché moderne est passée par là. (1) Expression populaire pour indiquer un signe d’évolution Le marché de la discorde On le sait, le choix de l’emplacement des infrastructures est souvent source de discordes entre villages ou communautés bénéficiaires. Bakata n’échappe pas, hélas, à cette querelle de site. Sans que pourtant cela mette en mal la cohésion pacifique entre les deux communautés, assure-t-on. C’est dans cette ambiance que le maire, après qu’une première session du conseil municipal a décidé de construire le marché moderne dans la zone nouvellement lotie, a convoqué une deuxième rencontre des élus locaux pour changer le site de la future infrastructure marchande. Opération réussie puisque, soutient-on, l’ouvrage devrait désormais être bâti à Bakata-Est, zone non lotie de surcroît. Courroux des Mossis, qui se sont rendus à la mairie pour exprimer leur désapprobation de ce qu’ils considèrent comme une volte-face inacceptable : « Vous pouvez poser une ruche sur un arbre. Mais jamais vous ne pourrez obliger les abeilles à y entrer », auraient-ils lancé à Mme le maire. Pour d’aucuns, celle-ci serait sous l’influence du secrétaire général du CDP Pierre Diasso, neveux du chef. Interrogée sur la question, la première responsable de la commune a préféré ne rien dire, nous proposant un autre voyage à Bakata pour une confrontation avec ses accusateurs, démarche que nous refusée, et pour cause. A.S.R. Le barrage de Bakata : L’aboutissement de « 50 ans » de doléance Il est considéré comme la mère de toutes les doléances de la population. La revendication matricielle de toute une communauté. Rêve nourri depuis plusieurs décennies, le très attendu barrage de Bakata sera bientôt une réalité. Les travaux avancent au grand bonheur de ses futurs bénéficiaires. L’ouvrage n’est certainement pas l’œuvre du conseil municipal. Son coût de réalisation, environ un milliard de francs CFA (financé par le budget de l’Etat), l’atteste d’ailleurs Toutefois, le budget local a en charge les frais inhérent aux études de faisabilité. D’où cette fierté légitime des responsables locaux d’avoir participé à la réalisation de la plus grande et de la plus importante infrastructure de la commune. Commencés en novembre 2010, les travaux, prévus pour une durée de huit mois, ont cependant rencontré quelques difficultés : outre celles liées à l’approvisionnement en matériaux argileux, dès le début du chantier, ayant déterminé définitivement l’option digue en terre homogène ou digue à zones, les déblais importants pour le curage de la tranchée d’ancrage ont été exécutés dans des conditions difficiles (venues d’eau et sols instables). Un retard dans l’exécution des travaux a donc été engendré. Attribué à une entreprise burkinabé, ECR-BTP-Ingéniérie, au terme d’un appel d’offres international, le marché du barrage, une fois achevé, servira, dans un premier temps, à l’alimentation en eau de périmètres aménagés et, plus tard, à la pisciculture. En attendant, pour mieux appréhender l’importance socio-économique de l’ouvrage, écoutons Mme le maire, Marie-Hélène Bouda : « Depuis plus de 50 ans, les habitants de Bakata voulaient un barrage. C’est leur première préoccupation. Une fois réalisée, l’infrastructure favorisera le développement de l’agriculture et de l’élevage. Elle porte l’espoir de l’ensemble de la localité. Tout un village va se constituer autour de ce point d’eau. En un mot, ce barrage va booster davantage le développement de Bakata ». « Pour moi, avec la construction du barrage, c’est mission accomplie pour le conseil municipal. Jamais je n’aurais cru voir cela à Bakata », déclare le vieux Inoussa Kouanda, qui ne s’en revient pas. Si Dieu lui prête longue vie, ce n’est pas seulement la retenue d’eau qu’il verra. Il goûtera aussi les retombées de l’aboutissement d’un demi-siècle de doléance. Le CSPS se meurt S’il y a bien à Bakata une situation alarmante, c’est certainement celle dans laquelle est plongé actuellement le centre de santé et de promotion sociale (CSPS). Tenez-vous bien, le plafond de la salle d’accouchements est en si mauvais état qu’il est infeste d’abeilles. Imaginez les désagréments que cela pourrait entraîner et sur le personnel soignant et sur les parturientes. Le comité de gestion (COGES) dispose d’un peu de moyens pour parer au plus pressé, et ses membres font des mains et des pieds pour cela. Seulement, sans l’accord des responsables du district sanitaire, basé à Sapouy, toute dépense est interdite. Alain Saint Robespierre L’Observateur Paalga |
Vos commentaires
1. Le 28 septembre 2011 à 10:33, par Incon En réponse à : Communalisation intégrale : Bakata, cinq ans après
Toutes mes félicitations au Conseil municipal pour ses efforts au bénéfice du développement de Bakata. A l’auteur du reportage je voudrais lui suggérer d’être impartial dans la reconnaissance des efforts qui sont faits par toutes les parties prenantes oeuvrant au développement de la commune. On a pu savoir que le CSPS dispose d’un éclairage par des palques solaires installés par la Mairie. Est-ce seulement la Mairie ? Les puissantes plaques fournissant l’énergie 24/24h etle réfrigérateur qui ont permis de dispose de la bière fraîche sont aà l’actif de qui ? Egalement les lampadaires solaires (éclairage public) et les autre plaques solaires installées à la Mairie, à la Préfecture, au CSPS et dans les 02 écoles primaires et au CEG sont aà mettre à l’actif de qui ?
N’est-il pas judicieux de mentionner les efforts consentis par celui-ci. A moins qu’il s’agissent d’un publi-reportage au goût d’une pré-campagne électorale.
Incon.
2. Le 28 septembre 2011 à 17:14, par VP En réponse à : Communalisation intégrale : Bakata, cinq ans après
Moi,je pense qu’il faudra rappeller ces Mossis là à l’ordre.Est ce que ce Bakata là est un village Mossi ?Je crois que c’est un village Gourounsi.Ces gens seraient partis à Bakata pour faire fortune et non pour instaurer leur volontés coutumières à ces Gourounsi.Chacun à un village d’origine,qu’ils y retournent faire leur malin on va voir.D’autres meme avaient été répudiés de leur village.Qu’ils laissent les autocthones de Bakata s’organiser dans la fraternité.Aucun village mossi dans ce Burkina ne permet à un étranger de faire ce qu’ils font chez les autres.Meme à Koupèla,les étrangers ont leur cimétière à part.
3. Le 28 septembre 2011 à 18:43 En réponse à : Communalisation intégrale : Bakata, cinq ans après
Son mari un magnat !!! La commune était-elle en vente ? De quel magnat s’agit-il à Bakata que nous ne connaissons pas. Nous nous sommes tus parce que à un certain moment les gens ne comprenaient pas beaucoup. Nous avons cotisé pour la construction de la préfecture. Nous avons taillé des pierres pour celle-ci et le reste à servi à la construction de la mosqué. On voulu tout mettre au crédit de ce monsieur. Un monsieur de la province à équipé la préfecture. Ce que vous devez savoir maintenant que tous les intellectuels de la commune ne se laisseront plus faire. Le nouveau conseil suivra attentivement les passation de marché pour le bien des populations. Les jeunes de la commune que vous avez refusé de voir, plus de 250 fonctionnaires élèves et étudiants que vous évitez comme la peste et les ressortissants de la commune que vous n’avez jamais reçu au motif que des gens veulent votre place sont là. Et si Le CDP joue encore à son jeu BASTA !