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Secteur informel à Bobo-Dioulasso : Bolomakoté, terreau d’artistes-musiciens qui végètent

mardi 13 septembre 2011.

 

Village créé en 1925 par l’adjudant-chef Kofra Traoré, Bolomakoté, aujourd’hui l’un des quartiers du secteur n°6 de Bobo-Dioulasso est devenu un creuset d’artistes. Le balafon, le ngoni, le djembè, la flûte, la danse, le kolondjo, y ont pris possession des cœurs des jeunes, à l’image de leurs ainés du même quartier, Mahama Konaté et Paco Yé (aujourd’hui disparus) dont la renommée a dépassé nos frontières. Mais la réalité est qu’ils sont en végétation et émergent difficilement.

Le groupe "Farafina" (Afrique en langue dioula) est né à Bolomakoté en 1978. Porté au zénith par sa virtuosité, ce groupe d’artistes-musiciens traditionnels de huit membres a été fondé par le célèbre balafoniste Mahama Konaté. Le bara, le doudoumba, la kora, le balafon, le djembé, le tama, un mélange de sonorités à la rythmique typiquement africaine ont forgé sa renommée. "Farafina" a jusque-là réalisé trois albums : « Bolomakoté » en 1992, « Faso denou » en 1993 et « Kanou » en 2000. Au début, c’était "Farafina lili" (les racines de Farafina). Après va naître "Farafina Yélemba" (qui n’existe plus). "Farafina" a fait des tournées internationales et donné plus de 3000 concerts dans le monde que ce soit en Suisse, aux Etats-Unis, au Canada, à Wembley à Londres en 1988 à l’occasion du concert en hommage à Nelson Mandela qui a réuni plus de 72 000 spectateurs. In 1993 they toured the United States and Canada, and have performed since then in Europe, Canada, and the United States.Farafina was one of the groups which played in 1999 in celebration of the 10th anniversary of the House of World Cultures in Berlin.

C’est l’un des groupes ayant joué en 1999 à la célébration du 10e anniversaire de la Maison des cultures du monde à Berlin. That same year, the group also played at the Womad Festival in Singapore.Le groupe a magnifié la culture burkinabè dans les grandes salles de spectacles avec son émérite danseur Paco Yé. « J’étais éblouie par son talent, extrêmement particulier. Nous avons décidé de faire un film ensemble, mais il est décédé quelques jours avant le tournage », raconte Krysia Dowmont, une élève de Paco qui a réalisé le film « Sur les traces du caméléon » pour lui rendre hommage après son décès des suites d’un accident de la circulation survenu en 2002. Le groupe a enregistré des albums avec des stars telles que « Continental Drift » avec les Rolling Stones, « Flash of Spirit » avec Jon Hassell en 1987, et « Beauty » avec Ryuichi Sakamoto, musicien, auteur compositeur et producteur, en 1989. Aujourd’hui, au nombre de 13 musiciens, le groupe appelé affectueusement « Mani » est dirigé par Souleymane Sanou qui vit en Suisse. Mais les affaires courantes à Bolomaloté sont gérées par Seydou Dembélé, également balafoniste.

Le groupe vit actuellement dans une léthargie sans précédent. L’une des raisons est que Farafina ne dispose pas de lieu de répétition ni à Bolomakoté, ni nulle part ailleurs à Bobo-Dioulasso. Les répétitions se font au domicile de Souleymane Sanou.

Farafina aujourd’hui

« Aujourd’hui vraiment, ça ne va pas », affirme Seydou. Marie Konaté, fille ainée de Mahama, pense que la salle de répétition devait naitre au moment où vivaient les fondateurs du groupe. Et c’est le manque d’entente qui explique la présente situation, selon elle. Autre raison, le manque de contrat. En effet, les tournées sont organisées par les managers résidant en Suisse. Ces derniers recherchent, signent les contrats et invitent le groupe à se produire. « Nous avons quatre managers : Michel, Denise, Yannick et Agnès. Ce sont eux qui prennent attache avec nous quand il y a un festival. Nous avions une base en Suisse. Mais depuis 2004, nous n’y sommes plus allés. La vie est chère là-bas, raison pour laquelle nous avons décidé de nous installer à Bolomakoté à Bobo », confie tristement Dembélé.

Il va sans dire que les membres du groupe vivent dans la galère, puisqu’ici, les contrats sont rares. Ils n’attendent que les tournées pour se faire de l’argent. « Pour encourager les musiciens, je vends les balafons que je fabrique et je leur donne un peu d’argent. Sinon nous répétons dans la galère », déclare mélancoliquement Seydou Dembélé. Il affirme que la musique traditionnelle n’est pas considérée au Burkina Faso. En effet, c’est quelque chose de très commun ici et par conséquent les artistes traditionnels passent pratiquement inaperçus. « Il y a un certain mépris qu’on voue aux artistes traditionnels. Lors des manifestations, on préfère les artistes modernes. Quand nous croisions des artistes de renommée dans les festivals en Europe, nous n’avons jamais eu peur. Nous sommes tous traités au même niveau. Pourtant chez nous ici, même dans les cabarets, on voit de moins en moins des joueurs de balafon », dit amèrement Seydou Dembélé.

« Nous sommes actuellement en studio pour l’enregistrement d’un album. Les managers en demandent afin de pouvoir sceller des contrats. C’est dans notre intérêt puisque ça va permettre de nous faire connaître, même à Bobo », explique –t-il, avec le secret espoir que les managers leur trouveront rapidement des contrats.

Bolomakotè « frayère » des artistes de Sya

Bolomakotè est limité à l’Est par le camp de la gendarmerie de Kuinima et à l’Ouest par le camp militaire Ouézzin-Coulibaly. Avant qu’il ne devienne un quartier, c’était un village, fondé par un adjudant-chef de retour de l’armée française. Il s’agit de Kofra Traoré, un Gouin de Banfora. Bolomakoté en dioula veut dire, « je n’ai pas le choix ». Ce quartier sera rapidement peuplé par d’autres personnes venues d’un peu partout et même de pays voisins comme le Benin, le Mali, le Togo et le Sénégal. Ce village était devenu mythique et craint par les habitants des autres quartiers de Sya. Mais un autre aspect va donner de la visibilité à ce village, aujourd’hui quartier du secteur n°6 de Bobo-Dioulasso. C’est l’éclosion d’une jeunesse intéressée par la culture, surtout la musique et la danse. Très vite, Bolomakotè devient le centre culturel et touristique de la cité de Sya et c’est ainsi que vont naître des groupes d’artistes- musiciens.

Que ce soit dans les cabarets, ou pendant les funérailles, les moments de réjouissance comme les mariages et les baptêmes, le balafon, le tama, le doum doum, occupent une place prépondérante. Le balafon de Madou Traoré, dit « Laclé Madou », un autre Gouin venu de Banfora, a, en effet, conquis le cœur des jeunes et partant, de l’ensemble des habitants du quartier. Avant lui, il y avait Tchèdjan, raconte le vieux Hema Bakary, installé depuis 1947 à Bolomakoté : « Je peux dire que les premiers joueurs de balafon qui sont partis en France, sont de Bolomakotè. Tous les joueurs de balafons étaient des Gouin. Le premier s’appelait Tchèdjan. Ensuite, il y a eu Nko, venu de Bounouna, puis Nyasson, un Sénoufo de Orodara, et Baky Ouattara. C’est après eux qu’est venu ‘‘Laclé Madou’’, le champion de tous les joueurs de balafon ».

L’illustre Mahama Konaté du groupe Farafina a été un des élèves de « Laclé Madou ». Beaucoup de jeunes ont intégré l’école auprès de lui. Sont de ceux-là, Souleymane Sanou, Latamou Dembélé et Paco Yé avec lesquels Mahama a fondé le groupe Farafina. Abdoulaye, aîné de Seydou Dembélé, se rappelle de celui qu’il appelle le « baobab de la musique ». M. Dembélé confie : « Nous avons tous appris la musique auprès de Mahama Konaté en 1986. Quand on le voyait jouer dans les cabarets, les enfants étaient intéressés, même les élèves ». Aujourd’hui, ce dernier, membre de Farafina, est fabricant de balafon et vit de ce métier. Mahama Konaté, lui, est décédé le 5 octobre 2010. Les troupes d’artistes-musiciens dans le quartier Bolomakotè sont nombreuses : Farafina, Kanouya, Kenéya, Sababougnouma, Kandja, Mayana, Saramaya. Tout comme Farafina, la plupart des groupes de Bolomakotè vivent en léthargie. Ils attendent dans l’ombre, espérant qu’une main miraculeuse volera à leur secours.

« Taper le djembé pour aller en Europe »

Chaque société se distingue des autres par sa culture. Cet ensemble des us et coutumes constitué de musique, de danse et la manière de penser propres à une ethnie, à un groupe, ou à un peuple. Vu ainsi, la culture est l’une des vitrines à travers laquelle, une société extérieure accède à une autre. Et de ce fait, les artistes-musiciens traditionnels participent à la visibilité d’un pays. Et au Burkina Faso, ces artistes ont joué et continuent de jouer un rôle prépondérant dans le développement culturel et artistique.

Aussi, contribuent –ils à vendre de façon positive l’image du "pays des Hommes intègres". Mais ces artistes doivent être soutenus afin qu’ils puissent transmettre leur savoir aux générations à venir. C’est dans cette perspective qu’est née la Semaine nationale de la culture (SNC) dont l’objectif est de mettre en exergue les talents d’artistes traditionnels. Mais à Bobo-Dioulasso, le quartier Bolomakoté, centre artistique du Burkina Faso, semble être délaissé. Les artistes qui ont eu la chance de prendre part à des manifestations culturelles en veulent aux responsables de la culture.

Selon eux, ces responsables n’accordent pas un grand intérêt aux artistes traditionnels. Merço, artiste-musicien pense qu’il a manqué une valorisation véritable de la culture. Il se justifie par le fait que les artistes au Burkina Faso n’ont pas de statut, ni de carte leur permettant de bénéficier de certains avantages à savoir : demi-tarif pour les tickets de voyage ou d’entrée dans les salles de spectacles, propose-t-il. Pour le secrétaire permanent de la Semaine nationale de la culture (SNC), Dansa Bitchibali, les artistes de Bolomakoté n’ont pas de visée d’enracinement au pays. « Ils tapent le djembé pour aller en Europe. Le groupe Farafina n’est même pas connu du public de Bobo. Sinon Bolomakoté est une bonne école de production artistique. Malheureusement, les artistes ont emprunté des mauvais sentiers », explique M. Bitchibali. D’abord, laisse-t-il entendre, "il y a un manque d’organisation à leur niveau et qu’ils ne s’intéressent qu’à l’Europe. A peine ils ont commencé à briller à la faveur de la SNC, l’année suivante, ils sont partis en Europe. Conséquence, Bolomakoté qui aurait dû être le centre névralgique de la production artistique du Burkina Faso est devenu un espace de misère.

Aucun n’arrive à investir dans le pays », regrette le secrétaire permanent de la SNC. Confirmation faite par Olivier Somé, directeur technique et de l’encadrement de l’Ensemble Siraba, du Centre de formation artistique et artisanale Désiré Somé. Il reconnaît que ce quartier est un patrimoine culturel qui se meurt de jour en jour. « Aujourd’hui, si tu vas à Bolomakoté, ce n’est plus comme avant. Ceux qui ont eu la chance d’aller en Europe sont restés là-bas, et ceux qui sont ici se débrouillent », dit il.

Ce qui veut dire que la relève n’est pas assurée. Merço, lui, pense le contraire : « J’’aime très bien mon pays. Si je peux avoir ce que je gagne en Europe au Burkina, il n’y a pas de raison que je ne reste pas ici. Les promoteurs de la culture doivent aller vers les artistes au lieu de rester dans leurs bureaux ». Toujours à propos de Farafina, M. Bitchibali explique comment les artistes de Bolomakoté manquent d’initiatives : « Souleymane Sanou, responsable du groupe ne vit pas à Bobo-Dioulasso. Mais il est à l’affût des jeunes artistes émergents. Lorsque je les ai invités à la SNC, c’était à coût d’or. Ils n’ont jamais conçu un projet dans l’esprit d’enracinement », dit-il. Il avoue tout de même avoir fait participer Farafina Yelemba à un festival en Guadeloupe et à Hanovre en 2000.

La part de responsabilité de leurs ainés est aussi mise en cause par les jeunes artistes. Ils dénoncent leur manque d’initiatives dans le sens de l’encadrement, tendant même à devenir une barrière pour leur promotion. Pour Pascal Kaboré, danseur contemporain, les aînés font tout pour être au- devant de la scène au détriment des autres. Par-dessus tout, Olivier Somé pense que le manque de suivi est un handicap à l’émergence des artistes de Bolomakoté, conséquence du manque d’instruction. Au dire de Seydou Dembélé de Farafina, ils ont pensé créer une association. En outre, ils avaient pu créer le Festival de Bolomakoté, dont l’objectif était de faire la promotion des artistes, mais ce festival n’a pas tardé à mourir.

Rabalyan Paul OUEDRAOGO (ouedraogorabalyan@yahoo.fr)


Tel père, telles filles

Marie et Joséphine Konaté ont suivi les pas de leur père, Mahama Konaté, fondateur de Farafina. La première est danseuse et la seconde s’essaie dans la musique. Elles ont leur cordon ombilical lié à l’art, puisqu’elles y sont nées, disent-elles. L’ainée, Marie Konaté, « afro danseuse » se dit fière de son papa.

« Je suis très fière de ce que mon papa faisait et ça me donne le courage. J’aime sa manière de jouer, ses feelings comme on le dit, sa manière de chanter et sa manière d’apprendre aux autres » confie-elle. Née en 1988, elle évolue dans le groupe Farafina en tant que danseuse. Marie est « afro danseuse » c’est-à-dire, qu’elle combine danse contemporaine et danse traditionnelle. Fière de ce qu’elle fait, la danseuse invite à accorder plus de respect à la culture burkinabè. Ainsi dit –elle, « La musique traditionnelle a une grande valeur, mais en fait, la valeur c’est en Europe. Les africains refusent d’aimer la musique traditionnelle, ils ne sont pas fiers d’être Africains. Nous refusons notre propre culture ». Et cela se manifeste lors des festivals ou événements qui réunissent les artistes modernes et ceux dits traditionnels. Les artistes traditionnels ne sont pas respectés et sont mal logés. Sa récente expérience, c’est en 2010 quand elle est partie prendre un Kundé en l’honneur de son papa. « C’est tout ça qui décourage ».

Rabalyan Paul OUEDRAOGO (ouedraogorabalyan@yahoo.fr)

Sidwaya



Vos commentaires

  • Le 13 septembre 2011 à 11:56, par Jamanatigui En réponse à : Secteur informel à Bobo-Dioulasso : Bolomakoté, terreau d’artistes-musiciens qui végètent

    Bolomakoté n’a qu’à mourir et Bobo ne se portera pas plus mal.
    Je ne suis pas contre le développement culturel ou peut être pour la préservation de la culture mais je ne trouve pas bon cette tendance à inciter une cohorte de jeunes à s’adonner à cette pratique. Tu rentre dans un quartier et on fait que taper sur du tambour. Des jeunes abandonnent les bancs, se nattent les cheveux et commencent à rêver de l’Europe.
    Evitons de cultiver l’esprit la facilité parmi nos jeunes frères.
    C’est bon de chanter, de danser, se distraire mais après le travail. J’ai l’impression que les Burkinabé ont une autre autre conception des artistes à savoir un métiers de ceux qui ont abandonné l’école.

    • Le 25 mars 2012 à 17:57, par Lmy En réponse à : Secteur informel à Bobo-Dioulasso : Bolomakoté, terreau d’artistes-musiciens qui végètent

      je vais te le dire de façon très soutenue..
      sache que ces jeunes ne font pas que taper sur des tambours,c’est aussi une école au cas ou tu l’oubli...c’est parce qu’il y a des gents comme toi que la musique traditionnelle(le Balafon)n’a pas de mérite...
      Mahama KONATE(fondateur de la troupe farafina),Paco Yé(qui à révolutionné le Djembé en Afrique de l’ouest),Oumar BAMBARA,Yaya OUATTARA,Salif KONE,parmi bien autres sont de très grands musiciens qui ont la scène avec des personnalité telle que Issouf N’Dour,Salif Keîta...
      Pour finir j’aurai bien voulu t’avoir en face pour te le dire...Et l’école n’est pas la seule porte de réussir,la preuve est qu’il y a beaucoup diplômés qui sont travaille...
      Je suis de Bolomakôté et suis un artiste musicien et fabrique les instruments tel que le Balafon,Djembe...

  • Le 5 mars 2015 à 15:39 En réponse à : Secteur informel à Bobo-Dioulasso : Bolomakoté, terreau d’artistes-musiciens qui végètent

    Cher mani je te cherche partout moi c,est Lucie de Luxemburg contacte moi s,il te plait que je peut avoir ton numeri de telephone

  • Le 29 octobre 2016 à 08:14, par Dramane Ouattara En réponse à : Secteur informel à Bobo-Dioulasso : Bolomakoté, terreau d’artistes-musiciens qui végètent

    Dans la vie quand on parle du destin, veut dire que chacun a un chemin a suivre et il y a de la place pour tous, la musique tradition Balafon de Bolomakoté a fait la fierté de toute la nation burkinabé, elle a fait connaitre le Burkina sur les plus grande scène du monde par des musiciens qui n’ont pas réussi a l’école. pour dire que la musique et la danse traditionnelles sont des métier comme tout autres. après tout c’est années de gloire la légende continue, avec une nouvelle génération qui ont été a l’école dont je fais parti. c’est pas un rêve pour nous d’aller en Europe juste pour aller, mais c’est le rêve en tant que Artiste pour avoir un renommé international, gagne sa vie pour participer au développement de notre cher pays aussi. pour vous montrer que c’est l’amour du métier qui est d’abord en avant dans le coeur de ces jeunes de Bolomakoté, je vous invite a suivre la belle énergie et la dynamisme de la nouvelle génération de par le festival Bolo’Arts prévu tout les derniers weekend du mois de décembre organisé par l’association des artistes de Bolomakote ( Association Boloârts).
    je suis artiste Danseur et président de l’association, nos anciens nous ont laissés du potentiel et nous allons continués dans la même lancer pour assurer la relève...