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Revue des projets et programmes de développement : Une foire de dupes contre le progrès national

jeudi 4 août 2011.

 

Tout comme l’arsenal juridique garantissant sur le papier l’expression de l’Etat de droit dont on peut s’enorgueillir au Burkina Faso, ce ne sont pas les cadres de promotion de la bonne gouvernance qui manquent. Le pays des « Hommes intègres » jouit d’une embellie démocratique textuelle certaine. Revue des projets et programmes par-ci, Assemblée générale des sociétés d’Etat et des établissements publics de l’Etat par-là, tout brille et laisse croire que des garde-fous sont à priori mis en aval et en amont pour s’assurer du bon accomplissement des missions assignées aux Directions Générales et aux Conseils d’administration. Si au niveau de l’AGSE, ce rituel instauré depuis plus d’une décennie permet autant que faire se peut de déceler des brebis galeuses, du moins les plus faibles quelques fois, là où le bât blesse, c’est le simulacre de la revue des projets et des programmes qui a eu lieu le 25 juillet 2011.

Bien que cet exercice soit louable dans la forme, il cache dans le fond un creuset de fausses informations.
L’obligation de résultats tant clamée à chacune de ces assises semble un vain mot. Elle s’apparente même à une farce suffisamment jouée par les coordonnateurs. A défaut d’une équipe commise pour confronter, à temps, les données fournies avec la réalité du terrain, le mensonge a encore prévalu et de nombreux fossoyeurs de la politique gouvernementale ont pu tirer leur épingle du jeu en se jouant des décideurs, au premier rang desquels se trouve le Chef du gouvernement, Beyon Luc Adolphe Tiao.

La formule « Vert-Orange-Rouge » adoptée pour jauger la santé des projets et programmes s’est avéré un véritable fiasco. Il se susurre que pour peu que l’on procède à des vérifications plus sérieuses, des coordonnateurs et non des moindres, seront appréhendés pour les fausses informations qu’ils ont délibérément transmises pour amuser la galerie sur la bonne exécution de leurs tâches. Plus ahurissant, certains projets et programmes ont récolté la note maximale de « 50 sur 50 » alors qu’ils n’ont pas encore réalisé ne serait-ce que 25% de leurs activités bien qu’ils prennent fin dans deux ans.

Du coup, les dénonciations et les accusations fusent de toute part. Les uns qui se sont vus blâmés, pour s’être naïvement laissés guider par un désir d’honnêteté, en transmettant les vraies informations croyant qu’une saine explication des entraves permettrait de recadrer le tir en veulent aux autres qui ont été félicités pour avoir osé mentir sur leur situation. Pour peu que le Chef du gouvernement ordonne d’investiguer sur la véracité des données recueillies sur les projets et programmes à fort potentiel d’exécution, le sourire affiché par ces derniers au sortir de la revue va apparaître comme un crime savamment orchestré pour s’amuser des membres du gouvernement. Attention donc au maquillage des chiffres qui pourrait sonner le glas de mise en œuvre de la stratégie de croissance accélérée et de développement durable (SCADD).

Que le gouvernement de Luc Adolphe Tiao ne se complaise pas dans cette parodie qui a mené du bout du nez ses prédécesseurs qui, sans être laxistes, ont péché par la confiance aveugle vouée à certains de leurs bras- droits. Cette stratégie ignoble qui consiste à maquiller la réalité est d’autant plus flagrante qu’elle a été utilisée par un des projets et programmes placé sous la tutelle du Premier ministère. A quelques mois de l’échéance de 2013, le retard accusé dans la construction des infrastructures est si criard pour qu’un tel sacrilège soit toléré. Et pourtant, cette « caisse à gros sous sans résultat » s’en est tirée à bon compte en produisant de fausses informations. Bien d’autres auraient commis cette même forfaiture. Ainsi, va le Burkina Faso du mensonge à soi-même même au prix du bien-être national. Si la revue des projets et programmes veut être une tribune respectable pour rectifier la bonne marche du développement, elle a intérêt à s’entourer d’une morale à même de consolider sa crédibilité.

Plus les années passent, de nombreuses contrées du pays enregistrent du-sur-place dans leur élan du progrès que le budget de l’Etat et la contribution des partenaires financiers sont censés insuffler. Le gaspillage des ressources est inimaginable. Outre les frais de fonctionnement qui engloutissent une bonne partie du financement, le reste rentre dans des futilités à telle enseigne qu’aucune retombée tangible ne peut être retenue comme le signe évident d’une volonté d’amélioration des conditions de vie des populations. Au rythme d’une manivelle, c’est un perpétuel recommencement sans le moindre impact. Ce sont les acteurs des projets et programmes qui tirent le plus grand profit des ressources au détriment des véritables bénéficiaires à la base. A l’image du secrétariat permanent propre à l’AGSE et de l’outil technique d’observation, la Direction des affaires monétaires et financières (DAMOF), qui s’assurent de la sincérité des chiffres et documents émis par les sociétés et établissements concernés, il sied de mettre sur pied maintenant un instrument performant de mesure de l’action des projets et programmes.

Le pari du Premier ministre d’apporter sa touche particulière à la dynamique du développement du pays doit s’accompagner d’une réelle volonté de confrontation permanente des données théoriques avec la situation pratique.

Il appartient maintenant aux missions d’inspection et de contrôles du ministère de l’Economie et des Finances de jouer pleinement leur rôle tout en évitant que les coordonnateurs et leurs gestionnaires continuent d’user des subterfuges pour fermer leurs bouches avec les bons de carburant dont certains agents de cette instance de vigilance n’hésitent pas à aller négocier dans les projets et programmes de développement contre leur silence. En tant que journaliste de formation et de profession, habitué à recouper les informations, Luc Adolphe Tiao dispose de réels atouts pour ne pas tomber dans l’erreur de ses prédécesseurs qui ont été abusés par leurs principaux collaborateurs postés sur le front des grands chantiers.

« La confiance n’exclut pas le contrôle », dit-on. Les fréquentes et régulières descentes sur le terrain du chef du gouvernement gagneraient à s’entourer d’un ardent désir de concilier les gros discours des uns et des autres, fortement applaudis dans les salles climatisées avec la réalité torride au flanc de l’ouvrage. Si un tel souci avait prévalu depuis longtemps, le Sahel burkinabé ne sera pas là avec son fameux PSB.

Dorcas Céleste KOIDIMA (dorcas.Koidima@yahoo.fr)

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