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Chefferie coutumière de Diapaga : Les politiciens empêchent l’élection du chef

mardi 14 juin 2011.

 

Deuxième tentative, deuxième échec. Le trône des princes de Diapaga est toujours vacant. L’ancien chef décédé, il y a plus de deux ans, n’a toujours pas son successeur. Ce n’est pas faute de prétendants. Les oppositions entre candidats sont très fortes. Si fortes qu’elles débordent la sphère du coutumier pour envahir la sphère politique. Dans cette province située à près de 500km de Ouagadougou, l’UPC (parti d’opposition) et le CDP (parti au pouvoir) se livrent une guerre sans merci. Qui de ces deux partis va-t-il l’emporter ??

Les Diapagalais ne se le cachent pas. Leur futur chef sera ou du CDP ou de l’UPC. La succession au trône qui se joue dans cette ville a vite tourné à des empoignades politiques. Cela ne semble gêner personne, même quand la rivalité commence à menacer la cohésion sociale. Pour ce deuxième essai, tout semblait prêt pour que le successeur de Sa Majesté Hamtouaro soit connu. Hamtouaro, le dernier chef de Diapaga, est décédé en 2009 et depuis, l’intérim est assuré par le patriarche, Coulidiati Yempabou Edouard. Trois candidats sont en lice pour le trône. Il s’agit de Tchandandi Coulidiati, de profession boucher et de deux fonctionnaires retraités, Alphonse et Anicet Coulidiati.

Le vendredi 29 avril, voici venu le jour attendu et redouté. Tôt à 7H, la place publique située devant l’hôtel de ville commence à recevoir du monde. Ce sont les électeurs venus des villages et hameaux de culture qui annoncent les couleurs de la journée. Venus très tôt, ils sont perchés sur leurs engins en attendant l’ouverture du vote. Le mode de scrutin est original ou disons traditionnel. Il consiste pour chaque électeur à s’aligner derrière le candidat de son choix. Le candidat qui aura le plus long rang donc le plus grand nombre de personnes derrière lui au moment du décompte sera déclaré élu chef de Diapaga. Un Collège électoral indépendant (CEI) composé de 20 membres a été installé le lundi 25 avril en présence des trois prétendants. Le CEI chargé du déroulement de l’élection a pour missions de choisir l’emplacement des candidats, de donner les heures de début et de clôture des votes, de procéder au décompte des électeurs de chaque candidat à l’aide d’une feuille de dépouillement et de proclamer enfin sur place le chef élu. La remise du bonnet et l’intronisation qui interviendront plus tard relèvent du patriarche et du chef de Partiaga, mandaté par Sa Majesté Koupiendienli du Gourma. Le Collège électoral est composé de représentants de chaque candidat et des différentes communautés ethniques (Gourmantché, Mossi, Peulh, Haoussa et Djerma) et religieuses. Il est présidé par Sougilimpo Tankoano, représentant le chef de Partiaga.

Une coalition anti-Alphonse

Illégal ou illégitime, la candidature de Alphonse Coulidiati est au centre d’une contestation qui envenime les esprits. Les deux autres candidats et leurs partisans jugent que la candidature de Alphonse Coulidiati est anticonformiste. La veille de l’élection, une source s’est exprimée en ces termes ? : "demain, nous devons nous battre contre la honte. Nous devons tout faire pour que Alphonse ne passe pas sinon ce sera la honte.". Celui qui parle ainsi est un affidé du candidat Tchandandi. Il est reproché à Alphonse et à sa famille de vouloir transgresser un interdit. On raconte que l’arrière arrière grand père de Alphonse fut un chef de Diapaga, il y a de cela plusieurs générations. Sous le règne de ce dernier, un de ses enfants aurait tué la jeune femme du chef.

Cet enfant est l’arrière grand père de Alphonse. En guise de blâme, le meurtrier a été exclu de la succession au trône. Cette sentence ne fait pas l’objet de contestations. Là où les avis divergent, c’est sur la question de savoir si le blâme frappe la descendance du meurtrier. Pour les détracteurs de Alphonse, le blâme est "héréditaire". Mais pour le patriarche intérimaire, le blâme s’arrête à l’auteur du meurtre ? : "Alphonse est un prince comme tous les autres et en tant que tel, il peut prétendre à la chefferie de Diapaga", fait-il savoir. Ce n’est pas d’ailleurs la première fois qu’un descendant de cette famille se présente à la course au trône, ajoute-t-il. Mais depuis la tragédie, un membre de la famille n’avait plus occupé le trône. Par ailleurs, le patriarche a dénombré cinq familles Coulidiati à Diapaga qui ne règnent pas. Parmi elles, figure celle du patriarche lui-même. Les membres de cette famille ont un droit d’aînesse sur les autres familles Coulidiati, mais n’exercent pas le pouvoir politique sauf en cas de vacance du pouvoir comme c’est actuellement le cas.

L’ouverture du vote a commencé après 11H au lieu de 10H comme prévu. Les candidats, eux, sont arrivés plus ou moins à l’heure. Le premier à fouler la place publique fut Anicet à 9H56mn précises. Il est suivit par Tchandandi arrivé à 10H piles et de Alphonse 15mn plus tard. De part et d’autre, des éclaireurs sont envoyés pour peser et soupeser le poids de leurs adversaires. Chaque candidat est royalement installé à l’ombre d’un arbre à une distance respectable de ses protagonistes. Les électeurs forment de grands cercles autour de leurs candidats. Il est 10h passé et toutes les attentions sont tournées vers le CEI et son président qui s’était momentanément éclipsé. A 11H07mn, les candidats sont invités devant le collège électoral pour choisir chacun son lieu d’emplacement. Trois lignes sont définies, et les trois candidats tirent au sort. C’est Alphonse qui tire le premier, suivant l’ordre du plus âgé. Il tire la lige N°1.

Simple coïncidence ou effet de divination, le deuxième à son tour s’empare de la deuxième place et la troisième ligne échoit à Tchandandi, le plus jeune des trois. Chaque candidat va aussitôt se positionner sur sa ligne. Le vote peut donc commencer.

Une alliance mal ficelée

La consigne était claire dans les camps des candidats Anicet et Tchandandi, "Tout sauf Alphonse". Pour y arriver, un pacte a été signé plusieurs mois avant les élections entre les deux candidats. "En cas de majorité d’Alphonse sur Anicet et Tchandandi, les deux candidats doivent s’allier pour faire barrage à Alphonse". En clair, si Alphonse venait en tête, celui de Tchandandi ou de Anicet qui arriverait en troisième position doit se désister pour se constituer en faiseur de roi pour son allié. A 12h00, le président du CEI annonce le début des décomptes pour 12H30mn précises. Les candidats galvanisent leurs électeurs, ceux qui étaient assis dans les rangs se mettent debout, on distribue des sachets d’eau pour atténuer la chaleur de plomb d’un mois d’avril. C’est le dernier round pour peaufiner les alliances. A l’observation, une queue à perte de vue s’étend derrière Alphonse, faisant une différence de loin d’avec ses adversaires. Il faut vite mettre en pratique les accords. Selon la consigne du CEI, "les alliances sont possibles à condition qu’elles se fassent avant le début des décomptes".

Alphonse a pris une longueur d’avance sur ses adversaires alors que l’alliance tarde à se concrétiser. Visiblement, certains électeurs n’y croient plus. "Si vous ne vous unissez pas, vous êtes tous deux battus", lance un émissaire de Tchandandi qui vient d’effectuer un tour du côté de Alphonse.? Pressé par le chrono, on se décide à faire le pas. Un notable envoyé par Tchandandi alla porter un message à Anicet. "C’est une invite à Anicet à s’aligner derrière Tchandandi", nous fait-on savoir. Celui-ci, après avoir écouté attentivement le messager, lui rétorque que selon ses informateurs, ses votants seraient plus nombreux que ceux de son allié. Par conséquent, il se maintient et renvoie l’émissaire pour dire à Tchandanli de se joindre à lui. Dès lors, les choses se présentaient mal pour la coalition. Mais il y a encore une carte à jouer.

La difficile équation des "étrangers"

La veille et même depuis longtemps, l’idée avait couru que Alphonse ferait venir des étrangers pour voter. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’élection n’avait pas pu se tenir en juin 2010. Dans les rangs de ses protagonistes, on a commencé à parler à intelligible voix, "le rang de Alphonse est truffé d’étrangers". Selon le règlement, sont électeurs seulement les habitants ou ressortissants de Diapaga, c’est-à-dire de la commune (ou le département) de Diapaga avec ses six secteurs et ses dix neuf villages. Toute personne de ce domaine est électeur sans considération de son ethnie, à condition d’avoir au moins 18 ans. Les deux alliés pendant plus de trente minutes balancent entre s’appuyer sur leur alliance ou exiger le retrait des étrangers dans le rang de Alphonse. On opte finalement pour la deuxième solution.

Le règlement à propos des étrangers stipule que les représentants des candidats au sein du CEI (qui sont les scrutateurs) sont habilités à distinguer les étrangers et à ne pas les prendre en compte dans les décomptes. Ceux-ci affirment effectivement qu’ ?"il n’y a que des étrangers dans le rang de Alphonse", mais en même temps, ils disent ne pas pouvoir les désigner. On reproche à Alphonse d’avoir convoyé dans la nuit des étrangers venus de Kantchari, de Partiaga et même de Ouaga. Son fils Julien, correspondant provincial de l’UPC, dément formellement en soutenant qu’ ?"il y a effectivement des personnes venues d’ailleurs mais elles sont des membres de la famille et cela est autorisé pour tous les candidats".

Le jeu d’alliance n’a pas fonctionné, le retrait des étrangers non plus. Il est 12H30, le décompte doit commencer, mais pour les partisans des deux candidats, "il faut annuler le vote". Le CEI ne l’entend pas de cette oreille. La tension monte, les uns deviennent visiblement menaçants. Le président du CEI tente de tenir tête aux boycotteurs en leur faisant savoir que si Anicet et Tchandandi se retiraient en ce moment précis, leurs candidatures seront maintenues même avec zéro électeurs. Il n’en fallait pas plus pour faire monter la tension ? : "on va ivoiriser Diapaga tout de suite.", entend-on dans la foule. Sans défense, les menaces s’accentuaient et l’étau se resserrait autour du président et des quelques personnes restées fidèles au Collège électoral. Les forces de l’ordre commis à la sécurité avaient décampé de la zone depuis les premiers moments de tension. Selon le Commandant de la gendarmerie, son effectif ne lui permet pas de prendre des risques avec la foule du jour.

Les forces de l’ordre constituées de la gendarmerie, de la police municipale ainsi que de la garde de sécurité pénitentiaire ne faisaient pas en tout vingt hommes, face à des milliers de gens. Dans la foulée, les deux personnes venues de Fada au nom de Sa Majesté Koupiendieli n’ont pas attendu le dénouement de la situation. Selon une source proche de ces envoyés, ils avaient reçu un appel téléphonique de Fada qui les enjoignait de se retirer s’ils pressentaient des troubles. C’est ce que firent les deux émissaires, sans même dire un au revoir au patriarche. Le Collège électoral indépendant laissé à lui-même et empêché de faire son travail, s’est vu obligé de se démettre sans autre forme de procès. A 12H50, tous les candidats avaient quitté la place avec leurs électeurs. On a évité le pire mais la bataille du CDP et de l’UPC se poursuit de plus belle en attendant un énième rendez-vous.
Une chefferie coutumière politisée

L’élection du chef divise les Diapagalais à plusieurs niveaux mais tout le monde est unanime à dire que les considérations politiciennes ont pris le pas sur tout. Alphonse pour l’Union pour le Progrès et le Changement (UPC) se bat contre Anicet et Tchandandi, deux candidats du Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP). On se demande si enfin le chef coutumier sera un jour désigné. Julien Coulidiati, le coordonnateur provincial de l’UPC et fils de Alphonse Coulidiati est désigné par certains comme "l’homme par qui l’opposition est entrée à Diapaga".

Ce crime là, beaucoup ne le lui pardonnent pas. La province de la Tapoa était une chasse gardée du parti au pouvoir. Sur les huit communes que compte la province (Botou, Kantchari, Logobou, Partiaga, Tambaga, Tansarga, Namounou, et la commune urbaine de Diapaga), seule Namounou est détenue par l’opposition en l’occurrence le Parti pour la Démocratie et le Socialisme (PDS) de Arba Diallo. Dans les autres communes, pas un seul parti d’opposition n’a le moindre conseiller municipal. Les cinquante conseillers de la commune urbaine de Diapaga sont tous membres du CDP. Les grands noms politiques de la province sont entre autres l’ancien Premier ministre Paramanga Ernest Yonli, l’ancien DG de la CNSS, Innocent Coulidiati, Kanfidini Coulidiati, le maire de Diapaga. Selon diverses sources, ces personnalités attachent un prix au choix du futur chef traditionnel de Diapaga.

C’est la lutte pour le contrôle de cette localité qui se joue à travers la désignation du chef coutumier. Des observateurs affirment à Diapaga que l’environnement est hostile à l’opposition. Kafando Thomas, un militant UPC, argue que les personnes qui sympathisent avec l’opposition sont sanctionnées par des affectations. En mars dernier, les élèves manifestants contre la mort de l’élève Justin Zongo à Koudougou ont incendié le commissariat de police de Diapaga. Cet évènement qu’on attribue à l’opposition a marqué l’élite et la population de Diapaga qui pense qu’ ?"un changement est entrain de s’opérer dans cette province".

Par Boukari Ouoba

L’Evénement



Vos commentaires

  • Le 14 juin 2011 à 08:37, par momba En réponse à : Chefferie coutumière de Diapaga : Les politiciens empêchent l’élection du chef

    Quel est le poids des andidats dits Anicet et Tchandandi dans le CDP ? Non, je pense que le probleme doit etre ailleurs et il faut préserver la paix dans cette contrée par des informations bien fouilléés et juste.Véifier si le vrai candidat du CDP a osé se présenter ?
    De plus, la cheferie de Diapag n’a rien a voir et ne releve pas de Fada. il faut eviter de devier de la tradition et faire rentrer les gens dans une situation coutumierement illégale. Le chef de Partiaga doit prendre ses car coutumiérement responsabilités car c’est lui qui donne la cheferie de Diapaga.

  • Le 14 juin 2011 à 10:54 En réponse à : Chefferie coutumière de Diapaga : Les politiciens empêchent l’élection du chef

    Ou se trouve le pacificateur ?
    N’a-t-il pas instruit un de ses paires à l’art qu’il manie très bien de faire la paix. Ou bien cela ne marche qu’à l’étranger. Mr le Président une des recommandations du collège des sages étaient la séparation entre le politique et le coutumier, il est grand temps d’intervenir non au nom de la sacro sainteté du parti au pouvoir mais au nom de la mise à mort des pratiques du touk guilli qui n’arrange rien.
    Rappeler vous que la première bavure militaire est partie de Fada et qu’actuellement un débat passionnant comme l’élection du chef peut conduire encore à une crise beaucoup plus grave.
    Il faut arrêter ça maintenant car cela pourrait atteindre un jour le royaume mossi et je pense que ça risque d’être ingérable. N’encourageons pas les pratiques malsaines pour des intérêts personnels.
    Donc soyons prévoyant, rappeler vos troupes SVP (CDP et UPC) et laisser les Diagalais élire leur chef en toute quiétude.
    Du reste si ça ne marche pas vous pouvez juste annuler la candidature des trois protagonistes

  • Le 14 juin 2011 à 13:41, par Lankoandé En réponse à : Chefferie coutumière de Diapaga : Les politiciens empêchent l’élection du chef

    ni n’été la politique, Diapaga avait déja un chef. Mais hélas les politiciens l’empêchent. Cela est vraiment dommage pour notre coutume. Je suis très déçu que la politique vienne changer les regles de notre coutume. Pourquoi les politiciens de notre region ne sont pas honnete. Pourquoi chez les mossi ccela n’existe pas ? Vous politiciens laisser le coutumiers faire son coutume et rester à l’écart.

  • Le 14 juin 2011 à 16:34, par Goomzanga En réponse à : Chefferie coutumière de Diapaga : Les politiciens empêchent l’élection du chef

    Voilà des gens que Naaba Kiba doit aller corriger afin qu’ils comprennent qu’on ne joue pas avec le naam comme ça. Il faut qu’il envoie rapidement des enfants pour aller y rétablir l’ordre. Ah ! encore ces gourmantché.
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