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SN-SOSUCO : Deux villas incendiées pour un chômage technique

lundi 13 juin 2011.

 

Pour la deuxième fois en 72 heures, les travailleurs de la SN-SOSUCO ont bloqué les usagers de la route nationale n°7 (RN7) le 9 juin 2011. Alors qu’ils s’attendaient à des mesures concrètes à l’annonce de l’arrivée du président de la commission de médiation, Mamady Napon du patronat burkinabè le 8 juin 2011, la déception a été grande après le compte rendu de la rencontre effectué par leurs émissaires. Un millier de voyageurs ont été obligés de faire une halte, attendant que les manifestants, très remontés, daignent libérer la voie. De son côté, la direction est passée à la vitesse supérieure en décrétant deux mois de congés et de chômage technique pour l’ensemble de ses travailleurs. Conséquence, deux cadres ont vu leur villa incendiée.

« Nous n’avons pas de responsables ici. Nous sommes là jusqu’à la signature de la suspension de la sous-traitance ici même » ; « Pour finir, nous allons faire la force pour libérer le passage ». Ces propos témoignaient de la détermination des manifestants qui commençait à irriter leurs victimes aux environs de 12 heures ce 9 juin 2011 au niveau du complexe sucrier de Bérégadougou. Depuis 6 heures du matin, des barricades étaient érigées, empêchant toute circulation pour exiger des mesures concrètes, concernant leur plateforme revendicative.

Après plus de 5 heures d’attente la tension commençait à monter du côté de certains voyageurs qui se trouvaient embarqués dans une revendication à laquelle ils étaient étrangers. Ces derniers n’avaient qu’un seul souhait : pouvoir poursuivre leur voyage. Mais dans l’impossibilité de le faire, ils étaient assis ou couchés sur des pagnes ou autres couchettes sous des arbres au milieu des herbes. D’autres, par contre, restés dans leur véhicule, les portières ouvertes attendaient, impatients.

Il était midi passé quand nous arrivâmes au complexe sucrier. Les grévistes avaient barré la route à l’aide de pneus et d’un tracteur de l’entreprise. Une voie qui, avec le dénouement de la crise ivoirienne, enregistre un trafic accru. Dans les compagnies de transport, c’était le découragement, car même les premiers cars du matin n’ont pas pu arriver à destination.

Et au complexe sucrier, le spectacle ressemblait à un embouteillage des grandes agglomérations. Des semi- remorques, des cars, des mini-cars et autres véhicules, soit plusieurs dizaines de véhicules, attendaient. Face à l’irritation qui gagnait certains usagers aux premières heures du mouvement, un transporteur à même fait les frais de son imprudence. Alors qu’il voulait forcer la barrière après avoir crié son ras-le-bol, il a reçu un coup à la tête. Gisant sur le bitume, il sera finalement transporté aux urgences du CHR de Banfora, par les sapeurs-pompiers où des rumeurs le donneront mort.

L’avertissement était donc donné aux imprudents qui tenteraient de forcer le passage. Des grévistes munis de coupe- coupe et des gourdins en interdisaient d’ailleurs l’accès. La détermination était perceptible dans les rangs des manifestants et plus les heures passaient, plus le rang des voyageurs grossissait. Ils étaient même devenus plus nombreux que les manifestants, ce qui faisait craindre à certains un affrontement entre voyageurs et manifestants. « Depuis 7h nous sommes là parce que la route est barrée. Nous sommes fatigués, nous n’avons pas d’eau à boire, il n’y a pas à manger alors qu’il y a des enfants avec nous.

On ne sait pas comment faire, on ne sait pas jusqu’à quelle heure on va rester. On attend, s’il n’y a pas de solution, on va retourner à Bobo », s’est plainte Yao A. Gisèle, qui se rendait à Abobo en Côte d’Ivoire. Alassane Dembélé, en partance pour Abidjan, était lui aussi remonté. « Vraiment, depuis le matin nous sommes là. On nous dit qu’il y a grève. Il y a des choses qu’ils peuvent faire et laisser la route, qui ne leur appartient pas. C’est pour tout le monde et eux, ils viennent nous garer comme ça. En tout cas, c’est pas bien » fulmine-t-il.

Aux environs de 13h, les premiers responsables locaux de la gendarmerie et de la police arrivent sur les lieux. Pas de traces des leaders syndicaux, ils échangent avec un noyau des grévistes auxquels ils tentent d’expliquer que leur mouvement est illégal, car ils ne doivent pas bloquer ainsi une route internationale. « C’est notre moyen de nous faire entendre, nous n’avons pas d’armes », réplique ce noyau qui soutient que les travailleurs réclament des choses légitimes.

Pour eux, la médiation n’a rien apporté et depuis plus d’une année ils sont dans la souffrance et d’un côté, il y a quelqu’un qui ne respecte pas l’Etat mais qu’on laisse faire. « Nous demandons simplement la suspension de la sous-traitance seulement », se justifient les manifestants. Les échanges sont directs et perdurent et les forces de sécurité de répliquer qu’on ne peut pas réclamer ses droits en bloquant ceux des autres. Car parmi les voyageurs, certains ont des urgences diverses.

Le noyau se retire afin de convaincre les travailleurs qui opposent un refus catégorique à la levée de la barrière. La nouvelle est rapportée aux forces de l’ordre qui insistent sur la levée du blocus et laissent entendre, selon une information reçue, que l’agressé de la matinée aurait rendu l’âme. « Il y a eu un mort, on va pardonner cette journée », décidèrent les membres du noyau, qui commencèrent à dégager eux-mêmes la barrière. « On ne bouge pas », clame la foule. Pour certains, il faut voir le cadavre pour se convaincre. Mais la barrière sera levée pour laisser passer une ambulance qui évacuait un malade sur Bobo.

C’est sur cette note que les forces de sécurité se sont retirées. Mais quelques instants après, la raison avait prévalu et la barrière sera levée aux environs de 14h dans un ouf de soulagement des usagers. En procédant à la levée du blocus, les grévistes se voulaient stratégiques en ne tirant pas trop sur la corde tout en mettant les autorités face à leurs responsabilités. Toutefois, la grève s’est poursuivie dans l’enceinte de l’usine à travers un sit-in, et un meeting a été organisé ce 10 juin 2011. Notons que de sources syndicales, l’agressé serait en vie.

Du reste, une descente aux enfers à la nationale du sucre est entamée avec cette fronde sociale, et la SOSUCO aurait déjà enregistré une des plus mauvaises campagnes sucrières. En dépit des pourparlers en cours avec la commission du patronat burkinabè, la direction est passée à la vitesse supérieure ce 10 juin 2011, en décidant de congés et d’un chômage technique pour l’ensemble des travailleurs suite aux récents événements.

Cela, pour une durée minimum de deux mois (à compter du 10 juin 2011) en vue de permettre une reprise sereine des activités de l’entreprise, s’est-elle justifiée. Avant cette décision, les cars n’étaient plus mis à la disposition des travailleurs pour qu’ils se rendent à l’usine après le 6 juin 2011, énième vague de contestation d’une réforme qui divise depuis un an.

De l’avis des syndicalistes, la décision de mettre les travailleurs en congé technique, reste une décision qui jette de l’huile sur le feu. En réaction, à Bérégadougou deux cadres de l’entreprise ont vu leur villa brûlée au niveau de la cité des cadres par les travailleurs dans la soirée du 10 juin 2011. Face à l’escalade, les forces de l’ordre ont été déployées à certains points stratégiques de l’entreprise.

Luc Ouattara


Des réactions

Traoré Zoumana (gréviste) : « La sous-traitance n’arrange vraiment pas les populations. Les gens perdent en gain, il n’y a pas d’embauche et ce sont les sous-traitants qui gagnent sur le dos des travailleurs. Aujourd’hui, tout va mal parce que les saisonniers, au lieu de progresser, sont limités. Les temporaires, qui pouvaient avoir une occasion d’avancer, d’être embauchés, sont pénalisés. Et encore, ça envoie des licenciements, car si la zone est sous-traitée, l’intéressé ne va pas prendre des gens et les payer cher, il va les payer à bas prix. Donc, c’est déjà quelque chose qui n’avantage pas les travailleurs ».

Diao Lassina (Délégué syndical) : « Les délégués n’ont pas pu contenir la foule. C’est un mouvement spontané qui a surpris les délégués, qui étaient toujours en pourparlers. Il y avait une crise de confiance entre les travailleurs et les délégués. La population s’est jointe encore aux travailleurs de la SOSUCO pour venir contester.

Hier (8 juin ndlr), madame le gouverneur nous a assurés que la commission de médiation arrive à 15h30mn . Nous y sommes allés et nous avons essayé de discuter mais on n’a pas trouvé d’accord. Ce n’est que le problème des sursalaires qu’on a pu relever. On revient à l’ancienne grille salariale. On nous a demandé de venir transmettre cela aux travailleurs.

La question des sous-traitances demeure et les gens ne sont pas prêts. Au mois de janvier 2011, un camion de la SOSUCO a fait un accident et a fait des morts (6 morts et une vingtaine de blessés ndlr). Des travailleurs qui étaient dans la sous-traitance et qui ont été victimes dudit accident n’ont pas eu de prise en charge à cause de cette sous-traitance.

Avant, si c’était la SOSUCO qui s’en occupait, les victimes allaient au moins bénéficier de soins et de beaucoup de mesures d’accompagnement. Mais cela n’a pas été fait. Au cours de la manutention d’un sous-traitant, un travailleur a perdu un doigt. On a pris le doigt qu’on a mis dans un paquet de cigarettes pour le lui remettre. Ce n’est pas normal.

Est-ce qu’on peut continuer comme ça dans cette sous-traitance ? C’est ce qu’on dénonce. Hier, on a dit à cette commission (le patronat burkinabè ndlr) de suspendre au moins la question et qu’on continue les débats. Ils ont refusé de le déclarer.

Si au moins il avait accepté de suspendre cette sous-traitance, ce serait bien. Chacun n’a qu’à mettre de l’eau dans son vin. Donc nous sommes revenus auprès des travailleurs et ils ne sont pas contents, c’est pourquoi ils manifestent. Nous, les délégués, avions même failli être lynchés.

Vous voyez, aujourd’hui les délégués ne sont pas là. Présentement la médiation est en jeu, les gens ne veulent même plus de cette médiation. Que le Premier ministre s’exprime sur cette situation, et urgemment. Le problème de la sous-traitance est le plus urgent, que l’Etat donne son verdict là-dessus. »

L. O

L’Observateur Paalga



Vos commentaires

  • Le 13 juin 2011 à 12:17 En réponse à : SN-SOSUCO : Deux villas incendiées pour un chômage technique

    ALERTE !!!

    TELMOB COUPE ABUSIVEMENT LES UNITÉS DE SES ABONNES

    DEPUIS UN CERTAINS TEMPS ET SURTOUT AU COURS DE CE WEEK END NOUS AVONS REMARQUE QU’APRÈS DES APPELS QUI N’ONT MÊME PAS ABOUTI, TELMOB AMPUTE PRES DE 400F SUR LE CRÉDIT DES ABONNES ; LARGE DIFFUSION POUR EVITER DE TELLES PRATIQUES

    VIGILANCE DONC !