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Libération de Bobo-Dioulasso : Caricature d’une libération qui était très attendue

lundi 6 juin 2011.

 

Déjà jeudi matin, pendant que les fidèles chrétiens s’apprêtaient à fêter l’Assomption, la rumeur courait que des éléments militaires avaient quitté Ouagadougou pour Bobo. Dans quelle intention ? Libérer Bobo ou s’associer aux mutins ? Mais, dans la soirée, les choses se précisaient un peu plus. Des réquisitions spéciales étaient en train d’être signées à Ouagadougou. On comprend donc, il s’agissait de venir libérer la ville prise dans les mains d’éléments militaires.

La nuit de ce même jeudi, le couvre-feu annoncé n’a rien changé. Les coups de feu ont retenti jusqu’au matin. Dans les secteurs comme dans les quartiers. Des pillages ont eu lieu un peu partout. Le mouvement de pillage s’est élargi à des personnes privées ciblées. Les Bobolais n’ont pas dormi, ou du moins ont dormi d’un œil.
Au réveil ce vendredi matin, les tirs continuaient de fuser du camp Ouezzin Coulibaly et dans certains secteurs. Les mutins n’ont pas encore désarmé. Ce matin vendredi matin donc, je reçois un message libellé ainsi qu’il suit : « Ne sortez pas de chez vous sous aucun prétexte. Consigne stricte ».

Je me suis dit que les choses allaient s’accélérer. J’ai fait le rappel de tous les membres de ma famille qui étaient déjà sortis. En même temps, je transfère le même message à des amis et à des proches. Dans la ville, chacun a retenu son souffle. Depuis deux jours, il n’y a pas de carburant, les banques et caisses sont fermées depuis mercredi matin. Ceux qui n’avaient pas de provisions, ne savaient plus que faire. Les femmes hésitent d’aller vendre des condiments au marché, quand bien même certaines bravent la peur.

Selon des témoignages, les éléments du RSP, de l’escadron mobile et du RPC sont arrivés un peu tôt dans la matinée à Bobo. C’est à partir de la compagnie de gendarmerie à Kuinima que le plan a été adopté. Ainsi, ils auraient dans un premier temps encerclé le camp Ouezzin avant de donner le coup d’envoi par un tir de sommation terrible à partir de la place de la Nation. Auparavant, la sirène de la mairie à sonné. Un ami m’appelle et me demande pourquoi la sirène sonne ? J’ai juste eu le temps de le conseiller de rentrer chez lui quand un tir assourdissant se fait entendre.

Il était environ 12 heures. Peu avant, toutes les communications téléphoniques sont coupées dans la ville.
Après le tir de sommation qui a fait trembler tous les bâtiments autour de la place de la Nation, les éléments bien armés et superbement équipés bloquent toutes les entrées du camp Ouezzin Coulibaly. Ils y entrent et attaquent. Il fallait éviter l’affrontement. Une source indique que les mutins, dans leur orgueil ne voulaient pas désarmer. Il semble que même des négociations ont eu lieu. Que s’est-il passé par la suite ? Ce qu’il faut retenir, c’est que entre treize heures et quatorze heures, on pouvait voir un peu plus clairement au camp. Certains habitants curieux ont dit avoir vu des tirs nourris puisqu’ils étaient massés autour du camp, malgré le cordon de sécurité de la gendarmerie qui sécurisait les lieux.

Vers 16 heures, je décide de mettre le nez dehors. Depuis le siège de la SOFITEX, j’aperçois un attroupement au fond après la morgue de l’hôpital. Là-bas, ce sont des habitants très heureux d’avoir été libérés qui applaudissent les éléments venus les sauver. Les pick-up transportent le « butin » et le déposent au camp de gendarmerie. Les rues étaient quasiment désertes, et seuls des curieux s’y aventuraient. Des arrestations sont signalées en ville comme dans le camp. D’autres mutins ont été arrêtés pendant qu’ils fuyaient dans des compagnies de transport en commun.

La nuit retombe sur Bobo-Dioulasso avec le couvre-feu qui prend effet à partir de 18 heures. Dans la nuit, les tirs n’ont pas cessé, même dans les secteurs. Des éléments fugitifs continuaient d’y semer la panique. Le couvre-feu est respecté.
Samedi, Bobo est plus gaie. La ville a repris ses activités. Partout dans la ville, on ne parle que de cette situation.

Que s’est-il passé ?

Tout a débuté mardi aux environs de 21 heures. Des tirs se font entendre depuis le camp militaire Ouezzin Coulibaly. Les populations se précipitent de rentrer chez elles. Les nouvelles ne sont pas bonnes. Les tirs sont entendus jusqu’au matin. C’est dans la douleur que la ville se réveille. Les commerces sont pillés, du matériel emporté. Les services qui ont tenté d’ouvrir ont refermé tout de suite leurs portes. Chacun ayant choisi de rester chez lui. Bobo est devenu une ville morte. Des commerçants décident de marcher sur le camp pour protester contre la destruction et le pillage de leurs biens. Ils sont repoussés par des éléments qui tiraient partout. C’est dans cette atmosphère délétère que les Bobolais ont vécu pendant toute la journée dans l’espoir que les choses rentreraient dans l’ordre le lendemain. La nuit, les éléments ressortent et font pire que la veille.

Des véhicules de services ou de particuliers ont été retirés de force pour transporter le butin. Des taximen imprudents ont été réquisitionnés toute la nuit pour transporter le matériel. Jeudi matin, les commerçants, n’en pouvant plus décident une fois de plus de se faire entendre. Une mission du gouvernement dépêchée pour les rencontrer n’a pas eu lieu. Ils ont lapidé le gouvernorat. Ils se sont ensuite pris à la mairie dont le bâtiment et des bureaux ont été saccagés. Des véhicules et des engins ont été incendiés. Aux environs de 13 heures, les mutins entrent en ville. Ils sont visibles qui en tenue militaire, qui en jogging, certains en sandales sur des engins, à vélo ou a pieds. La situation est insoutenable. Le gouverneur décide du couvre-feu. Ils le mettront encore à profit pour piller. Alors qu’ils ne savaient pas qu’ailleurs on se préparait à les attaquer en vue de leur désarmement. Par la force.


Intervention des RSP et RPC de Dédougou : Quelques Bobolais donnent leur avis

Suite aux mutineries militaires survenues dans la capitale économique du Burkina durant environ trois jours et qui ont causé de nombreux dégât matériels et des pertes en vie humaine, les autorités ont dépêché d’autres militaires afin de sauver les populations. Quelques Bobolais ont donné leur appréciation par rapport à cette intervention.

- Milligo Françoise : « Tous les infirmiers avaient fui »

« Je garde un malade à l’hôpital Sanou Souro. Le jour des faits, la cuisine de l’hôpital n’a pas préparé. Pourtant à l’extérieur, toutes les vendeuses de nourriture étaient rentrées chez elles. La nuit venue, c’était la catastrophe Tous les infirmiers sont rentrés à la maison. Les tirs ont traumatisé les malades. Nous sommes internés dans le service 1, 2, 3. Tous les résultats qui devaient être donnés depuis le vendredi sont toujours en attente. Il n’y avait pas d’aide. Les malades ont gémi pendant toute la nuit par manque de soins ».

- Awa Traoré : « Nous n’avons pas mangé »

« Nous avons trop souffert pendant ces jours de mutinerie. Le commerce s’est arrêté. Or, il fallait vendre pour espérer avoir à manger. En tout cas la venue des troupes du Régiment de sécurité présidentielle et Régiment para commando est à louer. Nous en avions marre ».

- Kambou Honoré : « C’est le gouvernement qui allait ramasser les pots cassé »

On ne peut que remercier les responsables qui ont l’idée de faire venir ces militaires pour nous sauver. C’était du jamais vu. L’armée, la police, bref tout ceux qui portent la tenue doivent savoir qu’ils travaillent pour la population. On ne les a pas pris parce qu’on a envie d’avoir une armée. Ils sont censés protéger le peuple. Si le gouvernement ne prenait pas cette décision, c’est lui-même qui allait ramasser les pots cassés. En plus de cela, c’est l’image du pays qui va en patir. Alors nous ne pouvons que saluer cette initiative. D’ailleurs, il ne faudra pas qu’ils partent au bout d’une semaine. Ils doivent rester pendant longtemps pour sécuriser la population ».

- Tiendrébeogo Gilbert : « C’est un grand soulagement »

Nous remercions beaucoup les autorités pour avoir sauvé la population des mains des mutins. Nous en avions vraiment besoin. Ce fut un terrible drame. Je pensais que les militaires sont censés nous protéger. Maintenant, s’ils se retournent contre nous, où allons nous rentrer. En toute sincérité, je trouve que nous ne sommes plus en sécurité. Ce qui est déplorable ».

- Yaro Compaoré : « Je les ai applaudis »

Il fallait une telle intervention, sinon ce serait l’effet domino un peu partout dans le pays. Néanmoins, le plus important était de sauver la population. Le reste, ils vont le gérer entre eux. Ils y trouveront certainement une solution.

- Camara Yacouba : « Ils sont les bienvenus »

« Depuis qu’ils sont arrivés, les tirs et les pillages ont cessé. Nous les remercions beaucoup pour cela. Pour une fois, le gouvernement a été prompt. Dorénavant, s’ils ont des revendications, ils n’ont qu’a les gérer à l’interne et laisser les civils en dehors de ça ».

Sano Laye : « C’est venu tard, cette intervention »

« J’ai très bien apprécié l’intervention, mais je trouve qu’ils l’ont décidée un peu tard. Ils auraient pu venir tôt pour éviter ce que nous avons vécu. Il faudra que les autorités soient promptes face à ce genre de situation ».

Propos recueillis par Bassératou KINDO

L’Express du Faso