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PLAINE AMENAGEE DE DOUNA : Les producteurs mécontents menacent de troubler l’ordre public

vendredi 6 mai 2011.

 

La rencontre prévue le samedi 30 avril 2011 par le haut-commissaire de la province de la Léraba, Anatole Yabré, pour tenter de ramener la paix sociale sur la plaine aménagée de Douna, a été reportée au samedi 7 mai 2011. Les paysans se sont tout de même réunis le 30 avril et ont déploré le report qui, de leur avis, vise à donner plus de temps au comité d’irrigants incriminé pour produire les pièces pour justifier leurs supposées malversations. Visiblement remontés contre cette décision du haut-commissaire, ils disent se réserver le droit de mener toutes sortes d’actions si la rencontre ne se tient pas à la nouvelle date qu’il a indiquée.

Le samedi 30 avril 2011, les producteurs de la plaine aménagée de Douna, hommes comme femmes, se sont mobilisés tôt dans la matinée, à leur lieu habituel de rencontres, pour attendre le haut-commissaire de la Léraba, Anatole Yabré. Ce dernier devait, en principe, y présider une rencontre entre les producteurs et le comité d’irrigants de la plaine dans le but d’élucider un certain nombre de problèmes qu’ils rencontrent. Mais, nombre d’entre eux n’étaient pas informés du report de ladite rencontre et se demandaient pourquoi à l’heure indiquée, le haut-commissaire n’était toujours pas présent. C’est alors qu’ils ont été informés par leurs collègues qui ont rencontré le haut-commissaire la veille qu’il n’allait pas venir.

En effet, au cours d’une rencontre qu’il a eue avec une délégation des producteurs le vendredi 29 avril 2011, le haut-commissaire a souhaité que la rencontre du 30 avril soit reportée au 7 mai 2011. Mais avant de se disperser vers 10 h et demie, les producteurs se sont concertés et ont dégagé une conduite à tenir. Nous avons, peu de temps après, rencontré les principaux responsables du mouvement. Ils avaient, à leurs côtés, plus d’une quarantaine de femmes qui disent avoir été expropriées de leur parcelle de riz.

En effet, suite à la marche organisée en direction du haut-commissariat de la Léraba le 6 avril 2011 par les producteurs de la plaine aménagée de Douna qui exigeaient de leur comité d’irrigants un bilan des 4 dernières années de campagne et le départ sans condition de l’équipe d’encadreurs agricoles de la plaine, le haut-commissaire de la Léraba, Anatole Yabré, a établi un programme de rencontres de concertation devant conduire à une sortie de crise. Selon ce programme, il devait rencontrer les productrices de la plaine le samedi 23 avril et les hommes une semaine après soit le samedi 30 avril 2011.

L’accès à Douna fermé si la rencontre est reportée

Si la rencontre des femmes a pu se tenir comme prévu par l’autorité provinciale, celle qui devait permettre aux hommes d’exposer leurs préoccupations et d’obtenir le bilan qu’ils souhaitent sur les 4 années d’exercice de l’actuel comité d’irrigants n’a pas eu lieu. Ce qui a irrité Siaka Son et les autres producteurs qui sont en train de se convaincre que le haut-commissaire a pris fait et cause pour le comité décrié. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’Assemblée générale (AG) de bilan et de renouvellement du comité d’irrigants est tellement attendue par les producteurs qu’ils ne veulent plus la voir reporter à une date ultérieure.

Aussi, ont-ils, de concert, décidé au cours de la brève concertation qu’ils ont eue le 30 avril 2011, de poser des actions de nature à troubler l’ordre public sur la route régionale qui relie Banfora à Sindou le samedi 7 mai, date de report de la rencontre. Et cela, si ce nouveau rendez-vous venait à être manqué. « Cette AG ne connaîtra pas 2 reports. Si le haut-commissaire ne vient pas à Douna le 7 mai, nous mettrons les producteurs et les productrices sur la route. Ainsi, personne ne passera par Douna pour se rendre à Sindou ou à Banfora », a dit le vieux Sidiki dont les propos ont été acquiescés par les autres.

Certains, comme Siaka Son, disent ignorer pour le moment les actes que les producteurs pourraient poser ce jour, si la rencontre est de nouveau reportée. Selon le premier cité, Sidiki Hié, une délégation des producteurs a été convoquée à Sindou par le haut-commissaire le vendredi 29 avril 2011 pour s’entendre dire que ladite rencontre ne pourra pas se tenir, en raison de la marche de l’opposition qui devait avoir lieu à Ouagadougou le même jour. Elle a, de ce fait, été reportée au samedi 7 mai 2011. « Il était déjà midi passé et nous lui avons fait remarquer qu’il était déjà trop tard pour démobiliser les producteurs qui resident dans différents villages », nous a dit le vieux Sidiki Hié. « 

Alors nous avons dit au haut-commissaire que la rencontre ne peut être reportée et que dans tous les cas, nous nous rendrons au lieu indiqué, à savoir devant les locaux qui servent de siège au comité d’irrigants, pour l’attendre », a poursuivi notre interlocuteur. Et comme si le report seul ne suffisait pas, reprend Siaka Son, le haut-commissaire ajoute que la rencontre n’aura plus lieu à Douna comme initialement prévue mais selon toute vraisemblance à Sindou, la cité des pics. Ce qui ne semble pas rencontrer l’avis de Siaka Son, de Sidiki Hié et des autres membres de la plaine.

« C’est ici sur la plaine que nous vivons les problèmes et pour nous, c’est sur la plaine qu’ils doivent être résolus. Nous n’irons pas à Sindou pour cette AG », ont-ils dit presque tous ensemble. En attendant le 7 mai 2011, les plaignants estiment tous que le haut-commissaire, pour montrer sa neutralité dans la gestion de cette crise, doit déjà récupérer le bilan produit par le comité d’irrigants. « Ces documents doivent, en principe, être prêts puisque la rencontre devait se tenir le 30 avril et portait sur le bilan », a laissé entendre l’un d’eux. « Il doit aussi récupérer les clefs des bureaux pour mettre fin aux malversations du comité d’irrigants".

En plus du bilan et du départ des techniciens de la plaine, les producteurs plaignants exigent le remboursement des retenues opérées par le comité d’irrigants dont celle de 40% qui a été effectuée sur leurs ventes de la campagne 2010 parce qu’une partie de la production qui était stockée dans le magasin a, entre temps, été détruite par l’inondation du 28 septembre 2010. Et comme ladite inondation est intervenue, selon eux, 3 mois et 4 jours après les pesées et la délivrance de reçus de pesée, ils estiment que leur responsabilité n’est pas engagée dans la destruction des 40% de la production.

Selon eux, cette perte pouvait ou devrait être comblée par les fruits de la vente des intrants pourtant mis gracieusement à leur disposition par la FAO et qu’ils évaluent à près de 300 tonnes sur l’ensemble des 4 campagnes. C’est pourquoi ils réclament d’ailleurs un état clair de la vente de ces intrants. A les écouter, les intrants ont été vendus au prix du marché ordinaire et doivent avoir générer plus de 70 millions de F CFA. La situation nationale actuelle exploitée par les plaignants

Joint au téléphone alors qu’il se trouvait hors de la Léraba, le haut-commissaire, Anatole Yabré, a été formel quant aux différents changements qu’il a souhaité apporter à la tenue de cette rencontre de producteurs. « Si seulement les plaignants étaient les gros producteurs de la plaine ! », s’est-il exclamé d’entrée de jeu. "Dans tous les cas, a-t-il tenu à préciser, je me suis entretenu avec ces plaignants le vendredi 29 avril 2011 de midi à 16 h dans mon bureau à Sindou". "Au cours de cette réunion, a poursuivi le haut-commissaire, je leur ai fait comprendre qu’en fixant la date de la rencontre au 30 avril 2011, j’ignorais que les partis politiques de l’opposition allaient organiser le même jour une manifestation".

« Je n’allais tout de même pas ouvrir un créneau de rassemblement qui pourrait être infiltré par des individus de mauvaise intention », a ajouté M. yabré. Pour ce qui est du changement de lieu de l’AG, le haut-commissaire a avancé plusieurs raisons pour le justifier. Selon lui, les locaux du comité d’irrigants à Douna, qui abritera la rencontre, n’offrent pas le confort nécessaire et ne peuvent pas contenir beaucoup de gens contrairement à la Maison des jeunes et de la Culture (MJC) de Sindou. De plus, a-t-il ajouté, l’enjeu de cette rencontre avec les producteurs est plus grande que celle avec les productrices au cours de laquelle j’ai simplement recueilli les déclarations des femmes. "L’AG de l’ensemble des producteurs est plus contentieuse ; elle devra faire le bilan de la gestion du comité d’irrigants et nous ne pouvons prévoir la réaction des uns et des autres", a fait savoir le haut-commissaire. Pour des raisons sécuritaires, reprend Anatole Yabré, il y a nécessité d’un certain encadrement afin de permettre à chaque participant de s’exprimer librement.

"Dans tous les cas, précise-t-il, tous ceux qui le désirent pourront participer à cette AG mais, ils doivent savoir que seuls les membres statutaires, comme c’est le cas dans toutes les AG, auront droit à la parole". Anatole Yabré regrette que les plaignants de la plaine qui veulent coûte que coûte faire partir le comité d’irrigants utilisent des moyens non conventionnels. « Je crois que les plaignants profitent de la situation nationale actuelle pour prendre la place du comité d’irrigants par un putsch. Dans tous les cas, je l’ai déjà dit, je ne pourrais pas travailler en dehors des textes réglementaires », a-t-il conclu.


Faits et gestes de la rencontre des femmes le 23 avril

*Les femmes insatisfaites du déroulement de la rencontre

Plus de quarante productrices de la plaine étaient présentes au campement Djodoualé lorsque nous y avons rencontré les principaux responsables du mouvement de plainte des producteurs. Elles ont tenu à relever qu’elles n’ont pas trouvé leur compte dans la rencontre que le haut-commissaire de la Léraba a eue avec elles le samedi 23 avril 2011. Pour elles, cette rencontre devait déboucher sur la prise d’une décision à savoir qu’elles reprennent leur parcelle de riz. Mais, le haut-commissaire a simplement écouté leurs déclarations sur la manière dont elles ont été délogées de cette zone dite zone des hippopotames.

*Tentative de bâillonnement d’un producteur

Au cours de la rencontre des femmes, un producteur, à qui on a retiré des parcelles pour les donner à certaines femmes préalablement fixées dans la zone des hippopotames, a voulu prendre la parole pour s’expliquer et surtout pour dire comment il a traité au moment des faits. Mais certaines personnes de la délégation du haut-commissaire lui auraient interdit l’accès au parloir. Il a fallu que l’autorité intervienne pour qu’on le laisse enfin s’exprimer.

Mamoudou TRAORE

Le Pays