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Cimetières abandonnés : La réorganisation bute sur des querelles politiques

jeudi 7 avril 2011.

 

Le sort des « dernières demeures » réservées aux Ouagalais est sombre. Au cimetière de Yaoghin, à la sortie Ouest de Ouagadougou, des chiens errants jouaient avec des chèvres entre les tombes et la décharge voisine, à notre passage, le 1er avril 2011.

Pas de plaque indicative, pas de clôture, encore moins des arbres ou fleurs plantés. Le cimetière de Yaoghin ressemble à un champ mal débroussaillé et ses tombes ni plus ni moins à des buttes. Des arbres sauvages retiennent du bout de leurs épines, divers sachets noirs qui, de loin, ont l’air de vautours perchés. Des chiens errants en ont fait leur lieu de jeu en compagnie de chèvres. La limite entre la tombe, lieu de repos pour les défunts et la décharge, lieu d’abandon des déchets est une mince piste pas très utilisée.

Dans la capitale, on recense 21 cimetières dont la grande majorité ressemble fort à des décharges humaines. On n’y va que pour enterrer. Certains n’hésitent pas à dire qu’on y va jeter les morts. « Ce n’est pas parce que les gens sont morts qu’il faut pratiquement aller les jeter », s’indigne Dramane Compaoré, 2e adjoint au maire.

Les cimetières sont jusque-là, gérés par les populations. Des gens se concertent pour désigner les sites, puis ils les laissent à l’usage libre de tous. Ce laisser-aller désempare la mairie, incapable de compter le nombre de gens enterrés, chaque année, à Ouagadougou. Il entretient surtout une anarchie totale. A la tête de la commission ad hoc chargée de la réorganisation de la chaîne funéraire, M. Compaoré indique que dans ces cimetières abandonnés, « il y a du tout », allant des malades mentaux, aux violeurs de femmes en passant par les drogués.

« Ç’a été révélé par nos forces de sécurité, ils sont devenus des lieux de pratiques occultes. C’est aussi des nids de drogués. Il y a des gens qui volent à l’intérieur des cimetières », a-t-il dit. Il ajoute également l’extension inconrôlée des surfaces réservées aux tombes, les enterrements noctures. A cette allure, dit-il, Ouagadougou n’aura plus de place pour enterrer ces cadavres dans un avenir proche. C’est ce qui explique la mise en place de la commission ad hoc. Celle-ci a fait des propositions pour parcelliser, clôturer, électrifier, doter d’eau et entretenir les cimetières.

Ce qui suppose des frais que tente de justifier Dramane Compaoré : « Les bornes (pour délimiter la parcelle) coûtent déjà 750 francs, l’unité. 3000 francs pour les bornes. 25 mille, c’est pour la parcelle ». Actuellement, les gens se mobilisent pour creuser gratuitement ces tombes. Mais à l’avenir, ça peut être autrement, d’où le souhait de laisser la porte ouverte à toutes les possibilités. Si les pompes funèbres proposent aujourd’hui 80 mille pour s’occuper d’un enterrement, la Commission ad hoc propose que pour creuser et mettre à disposition 5 dalles, il ne faut pas 40 mille francs.

Le maire et les conseillers de l’UNIR/PS d’accord pour le paiement

Malgré leurs divergences bruyantes, le maire Simon Compaoré et les élus de l’Union pour la renaissance/ Parti sankariste (UNIR/PS) sont d’accord sur le principe que les enterrements doivent être payants à l’avenir. La conseillère Awa Ouattara/Dabré et ses camarades de l’UNIR/PS acceptent en effet, que les prestations funèbres puissent « se faire à titre onéreux ». Le maire est aussi de cet avis. La commission ad hoc qu’il a mise en place avait justement pour charge de se pencher entre autres, sur la répartition des charges inhérentes à la nouvelle manière de gérer les enterrements.

Autres points d’accord, les élus de l’opposition soulignent la nécessité de parcelliser les cimetières pour disent-ils, « une exploitation judicieuse de l’espace ». Ils souhaitent aussi qu’ils soient clôturés et dotés d’eau et d’électricité et qu’ils bénéficient d’un entretien adéquat. Le maire est le premier à être d’accord sur ces points.

Mais tout cela a un coût et c’est sur le montant que les deux camps se divisent. Les élus UNIR/PS souhaitent qu’il soit « symbolique » , contrairement à la commission ad hoc qui suggère que la mise en œuvre des mesures retenues ne soient pas de nature à constituer un « gouffre financier » pour la commune, mais plutôt qu’elle génère des recettes susceptibles de supporter au moins une partie des dépenses à engager. Ainsi a-t-elle proposé qu’une parcelle d’un cimetière revienne à 25 mille francs CFA et que son creusement (si la famille n’a personne pour le faire) soit réalisé au plus à 40 mille francs, avec cinq dalles fournies. Le président de cette commission, Dramane Compaoré, rappelle que quatre briques pour délimiter une parcelle coûtent déjà 3 mille francs et qu’en tous les cas, « la tarification a été donnée à titre indicatif » pour servir de base aux débats.

Par ailleurs, les élus de l’opposition proposent que la gestion des pompes funèbres revienne à la municipalité, contrairement au maire qui la repousserait volontiers au privé.

Le reste n’est que méfiance et courroux dont l’intensité a été décuplée par la tension ambiante qui règne au pays. Car le maire souhaite effectivement, qu’à l’avenir le citoyen puisse participer à l’amélioration du transport des cadavres et de la gestion des cimetières. « Absent » à notre passage pour raison de voyage, c’est son second adjoint qui a répondu que « tout à un coût dans cette vie », même pour gérer ceux qui ne vivent plus.

Les enterrements restent gratuits

Le maire central ne niera pas non plus avoir recours aux maires d’arrondissement pour receuillir leur avis uniquement sur les aspects financiers du sujet. « Au nombre des propositions (de la commission ad hoc), il y a la tarification que j’ai l’honneur de vous faire parvenir. Je soumets cette tarification à votre réflexion », écrit-il dans une correspondance aux maires d’arrondissements, datée du 9 février.

A-t-il aussi délibérément caché aux conseils d’arrondissements la réalité du Mali où « tous les cimetières sont clôturés et dotés de conduite d’eau courante » , sans que la commune en principe, n’intervienne dans le traitement et l’inhumation des morts ?

Il reste que Simon Compaoré n’a pas décidé de faire payer les gens avant d’enterrer les morts, tout au moins pour le moment. Les enterrements restent donc gratuits à Ouagadougou et le seront encore pour un temps indéterminé. « Il n’y a rien d’adopté pour être appliqué et on ne peut rien appliqué sans délibération. Aucune délibération n’est en cours à ce jour » , explique Dramane Compaoré. Non plus, le maire n’a pas été « battu » au niveau des deux commissions permanentes, ni ne tente un passage en force pour imposer des tarifs comme l’ont dit les conseillers de l’UNIR/PS.

Les propositions tarifaires de la commission ad hoc n’auraient pas été rejetées. « Je pense que c’est exagéré. Il faut dire les choses comme ça s’est passé » a rectifié la présidente de la Commission des affaires économiques et financières (CAEF) , Adèle Tiemtoré. Selon elle, les membres de la commission ont « reporté » leurs décisions, mais pas rejeté le rapport. « On s’est dit qu’il faut qu’on le regarde de près et qu’on sensibilise d’abord la population avant de décider » , a-t-elle dit. Ce qui explique selon elle, l’envoi de la question au niveau des conseils d’arrondissement. Cette commission a même souhaité qu’un bureau d’étude examine les aspects sociologiques, économiques et financiers de la question des enterrements dans la capitale pour lui permettre de mieux apprécier le rapport.

Quant à la commission des affaires générales, elle n’aurait pas non plus rejeté la partie tarification, mais l’aurait laissée à la compétence de la Commission des affaires économiques et financières.

En clair, la question du paiement des enterrements est sur la table, toutefois, rien n’est en vu. Les populations ont leurs questions. Vont-elles payer avant d’enterrer un parent ? Si oui, c’est à combien et c’est à partir de quand ? Les réponses ne devraient pas intervenir avant les prochaines élections municipales.

Aimé Mouor KAMBIRE

Sidwaya



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