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JOURNEE MONDIALE DE L’EAU : Faire de l’eau une denrée à portée de tous

mardi 22 mars 2011.

 

Ceci est un message de l’ONG Eau Vive à l’occasion de la journée mondiale de l’eau, célébrée chaque année le 22 mars.
Un an pour s’entendre, et décider d’agir. En mars 2012, la communauté internationale de l’eau se réunira à Marseille, pour un 6e Forum de l’Eau qui se veut celui des solutions. Des milliers de techniciens, chercheurs, bailleurs de fonds, élus, opérateurs, viendront échanger leurs expériences et mutualiser leur expertise sur les nombreux défis liés à l’eau, en particulier l’accès à l’eau potable et à l’assainissement pour tous.

Comme de nombreuses autres ONG dans le monde, Eau Vive est invitée à partager ces échanges. Nous sommes prêts, sans réserve, à contribuer, avec tous ces experts, à identifier les meilleures pratiques et solutions. Nous reconnaissons aussi que depuis quinze ans, la desserte en eau a progressé. Mais hélas pas en proportion des besoins. Et nous sommes inquiets devant la lenteur de la mobilisation internationale. Nous ne voulons plus du discours de compassion qui déplore le non-accès à un simple point d’eau potable et à des latrines pour 2,5 milliards d’hommes et de femmes.

Sans cesse citée comme « marqueur » du problème, la fillette du Sahel astreinte à la corvée d’eau chaque matin, qui ne va pas à l’école, qui peut mourir d’une simple diarrhée, à l’avenir très incertain donc, n’a que faire de cette compassion : celle-ci ne lui est d’aucun secours. Il est à parier qu’elle préfèrerait des engagements, des plans d’action, des investissements, pour que son village soit enfin équipé d’un point d’eau et son école de toilettes. Et ajoutons ce détail : depuis sa reconnaissance en juillet 2010 par les Nations-Unies, cette fillette a droit aujourd’hui à l’accès à l’eau.

Faudra-t-il, pour qu’elle ait gain de cause, exiger le respect de ce droit devant les tribunaux ? Nous ne voulons plus entendre qu’il y a d’autres priorités. Lesquelles ? L’eau sale est de loin la plus grande cause de mortalité dans le monde. L’absence d’eau est, partout dans le monde, synonyme de pauvreté, d’inégalité sociale et de négation de la dignité humaine. Chacun sait l’eau essentielle à toute activité humaine, au cœur du développement durable. L’eau, enjeu de démocratie locale, enjeu de croissance nationale, enjeu de paix internationale.

L’eau, bien commun planétaire, célébré par toutes les philosophies, les religions, les cultures, les civilisations, puissant levier de compréhension et de partage entre les Hommes. Que faut-il de plus pour convaincre ? La faiblesse des engagements est depuis longtemps une erreur. Elle devient une faute. « C’est la crise, il n’y a plus de moyens financiers ». Mensonge ou petit arrangement avec des vérités reconnues. Il est prouvé aujourd’hui que le coût du non-accès à l’eau est nettement supérieur aux investissements nécessaires. Il est démontré aussi que la mise en place d’un service d’eau et d’assainissement dans une communauté humaine, même minimal, a un impact immédiat et durable sur sa santé, sa productivité, son progrès social, sa mobilisation pour le développement.

Et puis l’argent, cela se trouve. Croissance du secteur de l’eau et de l’assainissement dans les budgets nationaux des pays en développement, taxation sur les transactions financières, fléchage plus pertinent de l’aide publique au développement des pays du Nord, mobilisation accrue des bailleurs de fonds internationaux, prélèvement indolore de quelques centimes sur la facture d’eau de l’usager dans les pays riches, budgets de coopération décentralisée de ville à ville, argent privé dans les paradis fiscaux, etc, les moyens ne manquent pas.

C’est le courage et l’intelligence du partage qui manquent. Ne plus jamais entendre ceci : « le service de l’eau a un coût et les pauvres ne peuvent pas le payer ». Rien de plus pervers : inutile d’agir et d’assurer l’accès à l’eau pour tous puisque les gens ne pourront pas gérer leur service durablement. Rien de plus faux aussi : les exemples abondent de communautés humaines, rurales ou urbaines, excellentes gestionnaires de leur service. Si c’est bien la question du tarif qui est en jeu, alors commençons par réguler, contrôler, partager équitablement.

Rendons la corruption inacceptable dans la passation des marchés et dans la gestion du service. Empêchons la dérive spéculative : les bénéfices d’un service local de l’eau doivent être réinvestis en priorité dans le développement local et non pas enrichir des acteurs extérieurs, ce n’est pas négociable. Encourageons et renforçons la gestion publique de l’eau en la dotant des outils de performance et des mécanismes de solidarité garants d’un service de qualité et accessible à tous. Soutenons les opérateurs publics nationaux dans la mutualisation de leurs savoir-faire et dans la défense de leur modèle. Alors, le tarif de l’eau diminuera.

Et l’eau ne courra plus le risque d’être réservée à ceux qui peuvent se la payer. Si nous refusons de consacrer les moyens nécessaires pour gagner cette bataille là, alors il y a beaucoup à redouter de notre aveuglement : nous serons vite en guerre, chanceux et exclus de l’eau. Et la Terre n’y sera pour rien, qui a prévu toute l’eau nécessaire…à des sociétés responsables. Nous aurons fait notre malheur tout seuls. Nous espérons tous un monde plus juste, plus économe, plus solidaire, sans savoir par où prendre le problème : commençons donc par l’eau, bien vital et commun, défi à notre portée. Ce que nous serons capables, ensemble, de faire avec elle, parions que nous pourrons le répliquer sur d’autres enjeux.

Eau Vive Burkina Faso, France, Mali, Niger, Sénégal

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