Retour au format normal
lefaso.net

Juliette Bonkoungou, ambassadeure du Burkina au Canada : « Il y a une certaine pauvreté du débat sur le développement en Afrique »

lundi 14 mars 2011.

 

Ex-ministre de la fonction publique, ex-présidente du conseil économique et social du Burkina, Juliette Bonkoungou est, depuis 2003, l’ambassadeure de notre pays auprès du Canada. Elle séjourne actuellement au Burkina. Nous nous sommes entretenus avec elle ce samedi lors d’une rencontre avec le club africain pour la prospective et le développement (CAP-DEV). Les raisons de son soutien à ce regroupement, son séjour canadien, sa lecture des manifestations suite à l’affaire Justin Zongo étaient au menu de l’entretien.

Dans quel cadre s’inscrit votre rencontre avec le club africain pour la prospective et le développement (CAP-DEV) ?

Juliette Bonkoungou : J’ai été invité par CAP-DEV ce matin pour faire une communication sur la coopération entre le Burkina et le Canada vue par l’ambassadeur du Burkina au Canada. Je suis donc venue partager cette expérience avec ces jeunes.

Quelle appréciation faites-vous d’une telle association ?

Juliette Bonkoungou : Je trouve qu’en Afrique en général et au niveau de mon pays en particulier, il y a une certaine pauvreté du débat sur le développement. Avec le printemps des démocraties, les gens se sont rués sur les réflexions et débats intellectuels sur la question politicienne et d’une certaine façon sur la question institutionnelle. Mais, la problématique du développement, les stratégies à mettre en place, les secteurs qui peuvent être plus porteurs, comment obtenir l’engagement des populations ; je crois que ces questions n’ont pas été assez creusées et CAP-DEV occupe ce créneau. Je pense que c’est un bon positionnement. CAP-DEV peut réellement faire œuvre utile dans ce domaine.

Quel peut être votre apport pour un tel regroupement ?

Juliette Bonkoungou : Au Canada, il y a un certain nombre de structures de réflexions sur le développement en général et sur le développement de l’Afrique aussi. Il y a quelques fois des fora où se discutent ces questions de prospectives et de développement. Je ferai tout pour mettre la structure CAP-DEV en contact avec ces structures au niveau du Canada. Je m’arrangerai pour les faire inviter et je pense qu’à titre personnel, si d’une manière ou d’une autre, je peux leur apporter quelque chose, au regard d’une certaine expérience par rapport à mon parcours, je n’hésiterai pas à les appuyer.

Les associations, ça ne manque pas au Burkina et la plupart ne sont pas toujours crédibles, qu’est-ce qui vous a poussé à avoir confiance à CAP-DEV et à le soutenir ?

Juliette Bonkoungou : C’est l’organisation. Je vois que tout est orienté vers le travail. Immédiatement, la structuration, c’est des commissions, des responsables de commission qui doivent produire des documents. Tout tourne autour du travail. C’est pour cette raison que je crois qu’ils ont plus de chance de réussir. Mais, il ne suffit pas d’avoir de la chance, mais de travailler fort et de persévérer, de savoir que les débuts pourraient être difficiles. Mais, il faut y croire et y aller.

Vous êtes ambassadeur du Burkina au Canada depuis quelques années, comment se passe votre séjour canadien ?

Juliette Bonkoungou : Ça va. Tout se passe bien. Le peuple canadien est très accueillant. Un peuple simple, avec qui vous pouvez débattre. Ils m’ont accueillie chaleureusement et j’ai les meilleurs contacts possibles aussi bien au niveau institutionnel qu’au niveau de la population.

Donc, la coopération Burkina-Canada est au beau fixe ?

Juliette Bonkoungou : Bien entendu toute œuvre humaine est perfectible, j’y travaille et quand je ne serai pas là, une autre personne viendra continuer l’œuvre. Mais je pense qu’on peut dire que la coopération Burkina-Canada se porte bien. Aujourd’hui, le Canada est le premier investisseur privé direct étranger au Burkina. Ce n’est pas rien.

Qu’est-ce qui fait votre plus grande satisfaction, depuis que vous représentez votre pays au Canada ?

Juliette Bonkoungou : C’est la promotion des relations du secteur privé avec le Canada. C’est vraiment ma plus grande satisfaction à nos jours.

Comment vivez-vous les manifestations qui se passent actuellement dans notre pays, suite à ce qu’il convient d’appeler l’affaire Justin Zongo ?

Juliette Bonkoungou : C’est une tristesse parce que le sujet qui a suscité les manifestations, en lui-même, est un sujet très triste. Je ne suis pas seulement femme, je suis aussi mère de famille. Donc je comprends l’écœurement de la population. Mais, malgré les douleurs que je comprends, il faut nous puissions tout faire pour éviter ces genres de dérapages que nous vivons.

J’ai eu mon BAC à 19 ans, je suis parti faire mes études à Bordeaux en France, j’y suis restée quasiment une dizaine d’années. De part ma formation, de part mes convictions, de part cette présence en occident, je pense que le droit de manifestation est un élément qui fait partie de la démocratie. Je comprends la volonté de protester contre des choses qui, il faut l’avouer, ne sont pas normales et doivent être changées. Par contre, je pense que ce droit de manifester comporte aussi des obligations. Ce ne serait pas correcte, ce ne serait pas courageux pour moi d’occulter que être citoyen ne comporte pas seulement des droits, mais aussi des obligations. Il faut que nous fassions tout pour éviter les actes de vandalisme qui ont émaillé ces manifestations.

Moi, je me plais à penser que ce ne sont pas des actes de vandalisme qui sont nécessairement le fait des étudiants. Ça peut être le fait d’infiltration pour discréditer les étudiants. Je n’en sais rien du tout. Mais, il faut qu’au niveau des organisateurs d’une marche, qu’on attire leur attention sur cet élément et sur leur responsabilité. Il faut qu’ils travaillent à éviter les infiltrations et à renforcer leur crédit en maintenant des manifestations pacifiques qui ne sont pas émaillées de certaines choses que nous avons vu lors des dernières manifestations.

Entretien réalisé par Moussa Diallo

Lefaso.net



Vos commentaires