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Journée internationale de la femme : Quand les femmes du monde entier se mobilisent pour dénoncer « l’utilisation » des Congolaises comme arme de guerre (1/2)

lundi 7 mars 2011.

 

Du 13 au 17 octobre 2010, la ville de Bukavu, dans la province du Sud-Kivu (à l’Est de la République démocratique du Congo), a accueilli des milliers de femmes. Venues de tous les continents (Afrique, Asie, Amériques du Sud et du Nord, Europe) et de toutes les provinces de la RDC, elles ont dénoncé « l’utilisation » systématique des femmes comme arme de guerre et ont plaidé pour une démilitarisation et une exploitation transparente des incalculables ressources minières du pays. C’est que cette richesse minière du Congo est la cause principale des guerres qui ravagent le pays et qui ont provoqué des millions de victimes, faisant de cette région des Grands-Lacs la plus instable du continent africain.

Une région qui concerne neuf pays : Burundi, Kenya, Malawi, Mozambique, Ouganda, RDC, Rwanda, Tanzanie, Zambie. Comme son nom l’indique elle est parsemée de lacs, pas moins de huit ; dont Victoria, le troisième plus grand lac du monde (68.100 km² de superficie, soit exactement le quart de la superficie de mon pays : le Burkina Faso). C’est le lac Kivu (2.650 km²) qui forme la frontière entre l’ex-Zaire (aujourd’hui RDC) et le Rwanda ; sur sa rive Sud-Ouest est implantée Bukavu, ville de plus de 250.000 habitants. Cette région, à la confluence des ambitions coloniales européennes (Allemagne, Angleterre, Belgique, France, Portugal), a toujours été instable ; plus encore depuis la décennie 1990 avec la multiplication des conflits ethniques (Rwanda, Burundi) et la déstabilisation de l’ex-Zaïre de Mobutu Sese Seko. Mais ces conflits recouvrent une autre réalité : la conquêtes des ressources naturelles dont regorge la région, notamment les « terres rares », ces produits stratégiques essentiels aux nouvelles technologies. C’est aussi une réserve naturelle avec une formidable hydrographie, une grande diversité de faune et de végétation (c’est une des plus vastes forêts primaires dans le monde).

Le sous-sol de la RDC regorge de ressources minérales considérables ; on évoque souvent, à son sujet, un « scandale géologique ». C’est un immense territoire (2,35 millions de km², près de dix fois la superficie du Burkina Faso mais sa population n’est que quatre fois la nôtre ; notons surtout que la RDC est près de cent fois plus grande que le Rwanda voisin dont la population n‘est que six fois plus faible) où l’or, les diamants, le cuivre, le cobalt, l’uranium (qui a permis la fabrication de la première bombe nucléaire US), l’argent, l’étain, le tungstène, le coltan, le manganèse, le zinc, le plomb, le pétrole et le gaz naturel (le méthane est extrait du lac Kivu)…sont autant de richesses que se disputent les multinationales américaines, européennes et, désormais, chinoises et dont ne profitent pas les populations. Pour l’essentiel, ces ressources se trouvent essentiellement dans les provinces de l’Est de la RDC : le Kivu et le Shaba (ex-Katanga). C’est pourquoi, au lendemain de l’indépendance du Congo belge, le Katanga avait fait sécession avec le concours des puissances occidentales et de mercenaires européens, sécession contre laquelle le leader congolais Patrice Lumumba a mené un combat qui l’a conduit à la mort.

L’instabilité que connaît aujourd’hui la région des Grands-Lacs remonte à 1993 avec le déclenchement de la guerre civile au Burundi (près de 300.000 morts) suivie, en 1994, par le génocide rwandais (1 million de morts). Ces guerres ont eu pour effet le déplacement de centaines de milliers de personnes vers le Zaïre voisin (aujourd’hui RDC) et le déploiement de nombreuses forces armées et de milices sur son territoire. On parlera de Première guerre du Congo puis de Deuxième guerre du Congo. La première, qui a eu lieu en 1996 et 1997, a opposé les forces armées régulières de Mobutu Sese Seko à la rébellion dirigée par Laurent Désiré Kabila, soutenu par l’Ouganda, le Rwanda et le Burundi. Au-delà de la composante ethnique de ces pays, ils avaient la volonté de contrôler les richesses du sous-sol congolais. Cette guerre s’est soldée par la victoire des troupes de Kabila en mai 1997 et l’exil et la mort au Maroc de Mobutu qui avait été alors lâché par les Etats-Unis. Il n’est un secret pour personne que c’est effectivement Washington qui lui avait permis de conquérir le pouvoir le 24 novembre 1965 afin d’endiguer la montée en puissance du communisme sur le continent africain.

Kabila, son successeur, après s’être installé au pouvoir en 1997, va progressivement afficher son indépendance face à ses alliés d’autrefois et même chercher à se débarrasser d’eux, expulsant les militaires rwandais qui l’avaient aidé dans sa conquête de la capitale, Kinshasa. Il s’en suivra une longue période de déstabilisation du pays, de 1998 à 2003, fin officielle de ce qui sera appelé la Deuxième guerre du Congo. Le Rwanda sera accusé d’avoir été l’instigateur de cette guerre en introduisant des troupes armées en RDC dans le but, dira-t-on, de piller les ressources minières de l’Est du territoire congolais. L’exploitation illégale de ces ressources minières sera par ailleurs une source de financement de la guerre (les fameux « diamants du sang »).

Il faut souligner, par ailleurs, que cette guerre a impliqué une quantité incroyable de milices armées soutenues par les pays de la région des Grands-Lacs. Entre autres, il y avait là l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (FDLR), les Banyamulengé, les Maï-Maï, le Mouvement de libération du Congo (MLC), le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), etc. Les pays engagés dans cette guerre seront la RDC, le Rwanda, l’Ouganda, le Burundi mais aussi le Zimbabwe, la Namibie et l’Angola. Cependant, ces pays n’engageaient pas ouvertement leurs armées nationales dans le conflit mais agissaient sous couvert de milices et autres groupes armés. D’où le caractère très complexe de ce conflit et une indiscipline des troupes sur le terrain. Ce sont les populations qui en feront les frais. Pendant de nombreuses années, elles vont souffrir des exactions commises par les forces armées. L’International Rescue Commitee (IRC) estime entre 3 et 4,4 millions le nombre de morts dans ce conflit et à plus de 2 millions le nombre de personnes déplacées. La guerre a pris fin officiellement en 2002 avec la signature des accords de paix. Sans Laurent Désiré Kabila, assassiné en janvier 2001 et remplacé au pouvoir, immédiatement, par son fils, Joseph Kabila. C’est la Mission de l’ONU au Congo (Monuc) qui sera chargée de veiller sur la sécurité des populations civiles grâce à un important déploiement d’hommes.

Dans tout conflit armé, ce sont les populations civiles qui payent le plus lourd tribut. Et tout particulièrement les femmes, du fait de leur vulnérabilité et parce qu’elles sont accoutumées à subir des violences basées sur « le genre » (et cela dans toutes les sociétés). Dans les conflits « informels », elles sont devenues les victimes de toutes sortes de violences dont la plus répandue est le viol. Il est désormais utilisé massivement pour affirmer la domination d’un groupe ethnique sur l’autre. Haïti, Yougoslavie, Rwanda, Liberia, etc. ont été autant de terrains conflictuels où la femme a été victime d’être… une femme. La guerre en RDC n’a pas fait exception : elles ont été « utilisées », systématiquement, comme une arme. Les organisations de défense des droits de l’homme ont dénombré des milliers de femmes violées. « Le Congo est la capitale mondiale du viol », a affirmé, en avril 2010, la suédoise Margot Wallström, représentante spéciale du secrétaire général de l’ONU pour la violence sexuelle dans les conflits armés.

Par Sheila Sandrine Sanouidi

La Dépêche Diplomatique



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