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Emeutes et casses contre la vie chère : Est-ce la bonne thérapeutique ?

lundi 25 février 2008.

 

La semaine écoulée aura été marquée par deux événements majeurs d’ordre national et international. Il s’agit d’une part, des manifestations contre la vie chère dans trois villes du Burkina Faso et d’autre part, de la tournée d’adieu du président américain George W. Bush en Afrique.

Au plan local, les marches contre la vie chère et les actes de vandalisme enregistrés dans les villes de Bobo-Dioulasso, de Banfora et de Ouahigouya les 20 et 21 février derniers, continuent de faire couler beaucoup d’encre et de salive. Ces faits insolites qui nous ramènent dix sept ans en arrière ne manquent pas d’intriguer, tant leur survenue et leur ampleur ont surpris plus d’un. Alors que le gouvernement lui-même a pris conscience de la flambée des prix des produits de grande consommation ces derniers temps et a envisagé des mesures énergiques, suite au conseil de cabinet présidé le 7 février 2008 par le Premier ministre lui-même, cette poussée de fièvre sociale confine à l’absurde et à l’irrationnel.

A qui profitent tant de haine, de violence, de dégâts et d’excès dans un contexte d’Etat de droit où la liberté d’expression et de manifestation dans les règles est reconnue ? Décidément, les réflexes de l’Etat d’exception n’ont pas encore quitté la mentalité de certains acteurs publics et privés. Si le moindre mécontentement doit amener à réduire à néant ce qui a été construit avec peine et sacrifice, autant ne pas se fatiguer à réaliser des investissements. Le mauvais usage des libertés, petit à petit, entraînera la société entière dans l’anarchie. “ Où chacun fait ce qu’il veut, nul ne fait ce qu’il veut ; où chacun est libre, nul n’est libre, où chacun est maître, tous sont esclaves ”, dit Hegel.

C’est dire l’importance à accorder au respect de la loi et de l’ordre par tous. Le jour où les pêcheurs en eau trouble qui agitent les bas instincts et exploitent l’ignorance du petit peuple auront réussi à amener la majorité de la population à préférer à la raison et à la responsabilité, le chemin de l’anarchie et du vandalisme, alors le Burkina Faso aura fait un pas de géant en direction de la géhenne où le feu ne s’éteint pas. Alors chacun se réveillera et vivra sa part d’enfer sur terre. Si la destruction forcenée des biens et des infrastructures publics (mairies, feux tricolores, véhicules avec plaques rouges, bâtiments de services étatiques et para-étatiques…), réalisés patiemment avec les impôts et les taxes prélevés sur nos revenus à tous, peut être la solution à la vie chère, si la casse et l’incinération des biens publics et privés peuvent enrayer le mal vivre et la pauvreté, et nous apporter un peu plus de bonheur, alors, dépêchons-nous de brûler tout et de tout saccager.

A force de détruire, nous finirons par aller habiter les grottes et les termitières comme au temps des troglodytes et de l’homme de Cromagnon, et on en aura fini avec la vie chère. Comme le dit l’adage, “la colère est mauvaise conseillère”. Quand est-ce que les politiciens et les groupes socioprofessionnels, toutes tendances confondues, de notre Nation, dans l’expression de leur courroux, légitime ou non, comprendront enfin que la destruction des biens publics et privés n’est pas le meilleur exutoire, la meilleure thérapeutique qui soit ? Si les véhicules de l’Etat, dont les conditions d’utilisation par les agents publics sont devenues des plus draconiennes de nos jours, doivent être cassés et brûlés à la moindre émeute, alors, on n’aura pas avancé d’un pouce.

L’Etat est notre patrimoine collectif, notre bien commun à tous. En s’en prenant aux biens, aux infrastructures et aux symboles de l’Etat, ne nous faisons-nous pas du mal à nous- mêmes ? Ne foulons-nous pas au pied notre conscience citoyenne ? A moins d’être un inconscient, un attardé ou un criminel, on ne peut pas détruire sa propre case, sa propre cité, et s’en aller dormir, la conscience tranquille. Tous les jeunes gens, les hommes et les femmes, conscients et sensés, qui se sont laissés entraîner dans ces actes de barbarie d’un autre âge, sans doute le regretteront toute leur vie.

En tout état de cause, au regard de l’ampleur des dégâts causés, ils n’auront pas rendu service à la belle cité bobolaise et sa région, que des nostalgiques et des gens de mauvaise foi brocardent à longueur de journée, alors qu’elle possède de grands atouts et sont l’objet d’attention des autorités ces dernières années. Le plan de relance économique de la région de Bobo, la gare routière et le port sec, la route Yéguéresso-Hamélé, Bobo 2010 en construction ou en projet, l’interconnexion électrique Ferké-Bobo réalisée et mise en service depuis avril 2001, le lancement en janvier dernier seulement des travaux de l’ordre de 260 milliards de francs CFA du barrage et du programme intégré de la vallée de Samandéni…, sont autant d’investissements qui devraient apporter un peu plus d’espoir.

A entendre les spécialistes en effet, les travaux du programme intégré de la vallée de Samandéni devraient créer 150 000 emplois et engendrer des retombées économiques d’une valeur ajoutée de 20 milliards de francs CFA par an. La zone franche agro-industrielle de ladite vallée, avec une soixantaine d’unités de production diverses (lait, viande, poissons, denrées agricoles…), comprendra également un pôle industriel textile ; autant d’investissements prévus qui, à terme, devraient améliorer les conditions de vie dans cette partie du Burkina. L’espoir est donc permis, même si le présent est difficile à vivre. La violence est, faut-il le rappeler, une contre-publicité qui chasse les investisseurs et les touristes, et augmente l’aigreur et le mal vivre de ses auteurs.

En tout cas, la relance économique de la région aura fait un grand pas en arrière depuis ce mercredi noir qui restera un jour sombre pour la capitale économique et culturelle du Burkina, un mois seulement avant la tenue de la Semaine nationale de la culture. Les manifestations pacifiques de la colère, surtout si aucune oreille, notamment celle des autorités, n’est attentive, sont légitimes et compréhensibles si seulement elles se déroulent selon les règlements en vigueur. Elles déshonorent cependant leurs auteurs et les réduisent au rang de délinquants et de vulgaires hors-la-loi, si elles s’accompagnent de violences et de destructions. Sachons raison garder !

Le philosophe stoïcien grec Epictète nous enseigne qu’en toute chose, nous devons “apprendre à distinguer ce qui dépend de nous, de ce qui ne dépend pas de nous”. Dans cette galère de la vie chère qui nous tenaille tous depuis le début de l’année, les Burkinabè de bonne foi savent que de nombreux facteurs défavorables s’imposent à nous : la campagne agricole capricieuse qui a fait monter le prix des céréales à 15.000 F CFA le sac dès la fin des récoltes, le prix du baril de pétrole qui a atteint depuis le début de l’année le record historique de 100 dollars, la flambée des prix des produits alimentaires partout dans le monde, les retombées de la crise ivoirienne, la crise financière internationale née l’été dernier aux Etats-Unis de la crise du marché immobilier et qui se répercute partout dans le monde, le prix du coton qui tarde à remonter à cause des subventions américaines,….Voilà autant de données qui ne dépendent pas de nous. Quand la pluie vous bat, il est sage de ne pas se mettre à vous battre entre vous, dit un adage local.

Le 43e président des Etats-Unis d’Amérique, M. George W. Bush porte incontestablement une grande part de responsabilité dans l’état désastreux dans lequel se trouve la planète, ces dernières années. Au soir de son règne commencé le 20 janvier 2001, il a achevé la semaine dernière une tournée d’adieu en Afrique, après une première entreprise en 2003. Au nom de la lutte contre le terrorisme, l’Amérique riche, puissante et arrogante, a mis l’économie mondiale sens dessus dessous et les relations internationales sous tension. La Loi sur la croissance et les possibilités économiques (AGOA), le Millenium challenge corporation (MCC), les programmes contre la tuberculose, le paludisme et le VIH/Sida, les échanges culturels, représentent cependant des lueurs d’espoir que les Africains en général, et les Burkinabè en particulier, apprécient dans la politique de l’administration Bush.

Les pauvres hères que nous sommes, tenaillées par la misère et l’inflation généralisées, attendent désespérément la concrétisation de l’ensemble de ces belles promesses du président Bush, avant la fin de son mandat.
Alors, nos bénédictions et nos prières ferventes l’accompagneront, pour que sa conscience chargée trouve un peu de paix ici bas et que son âme échappe demain aux tourments éternels.

Par Jean-Paul KONSEIBO

Le Pays