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Dialogue inter-togolais : Et si on remontait à 1993...

mercredi 23 août 2006.

 
Blaise Compaoré et Eyadéma à Lomé en 1993

L’”Accord politique global”, réussi par le président du Faso Blaise Compaoré entre les parties prenantes au dialogue inter-Togolais n’est pas le premier exploit du facilitateur burkinabè dans ce pays. Une remontée dans l’histoire notamment en 1993 nous rappelle les premiers contacts du président Compaoré avec le dossier togolais.

Le président du Faso, Blaise Compaoré, est appelé à la rescousse des parties prenantes au dialogue inter-Togolais depuis 1993. La première intervention du facilitateur Compaoré s’est déroulée du 28 au 30 avril 1993. C’est ainsi que l’opinion parle à tort ou à raison de Ouaga I. A peine un mois plus tard, soit du 17 au 21 juin de la même année, les acteurs du dialogue togolais étaient encore à Ouagadougou au Burkina Faso sous l’égide de Blaise Compaoré.

Cette concertation de Ouaga II a regroupé des membres du Collectif de l’opposition pour la démocratie (CODII) du Haut conseil de la République (HCR) ainsi que des représentants de la majorité présidentielle (cf Sidwaya n°2290 du vendredi 18 juin 1993). Les différentes parties étaient respectivement représentées par le Léopold Gnininvi, M. Kantchati et M. Barké Moussa Barry. Il y avait en outre la présence d’observateurs béninois, français et allemands.

L’objectif était surtout de débloquer la situation de crise qui sévissait au Togo. Après cinq (5) jours de consultations et d’échanges avec les différentes délégations, le facilitateur Blaise Compaoré décide de suspendre la rencontre au vu des “divergences persistantes”.

Toutefois, des résultats avaient été obtenus grâce aux concessions faites de part et d’autre. Les points de divergences portaient essentiellement sur l’organisation, la gestion, la supervision et le contrôle des élections. Le facilitateur avait à l’époque proposé que ces questions soient confiées à une Commission électorale nationale. La Commission devrait être composée de neuf (9) membres, comprenant un président (venant de la Cour d’appel), trois (3) membres de la mouvance présidentielle, trois (3) membres du CODII, deux (2) membres indépendants choisis d’un commun accord (cf Sidwaya n°2293 du 23 juin 1993). La mouvance présidentielle avait jugé cette proposition satisfaisante. Par contre, les membres du CODII ont estimé que le problème n’est pas la composition de la commission, mais plutôt ses attributions et son étendue. Par ailleurs, les avis étaient partagés sur la nature du bulletin de vote. Le camp du président Gnassingbé Eyadéma voulait d’un “bulletin individuel avec garantie du secret de votre”, et l’opposition demandait un “bulletin unique”. En clair, la pomme de discorde se situait à l’organisation de l’élection présidentielle qui s’annonçait au Togo. En dépit de ces divergences ayant contribué à la suspension des pourparlers de Ouagadougou, le président Compaoré a invité les parties prenantes à “maintenir le dialogue afin de surmonter les derniers obstacles à un accord politique”.

L’Accord de Ouaga III

Le vendredi 9 juillet 1993, les Togolais se retrouvent à nouveau dans la capitale burkinabè sous l’égide du facilitateur Blaise Compaoré. Les pourparlers politique de Ouaga III venaient de commencer. De nombreux observateurs interprètent cette reprise du dialogue comme une volonté affichée des protagonistes à en finir avec la crise qui n’avait que trop duré. L’enjeu de Ouaga III était surtout de déterminer de façon consensuelle le calendrier de l’élection présidentielle au Togo. La partie présidentielle exige la date du 22 août 1993 et le CODII celle du 29 septembre de la même année. Après trois (3) jours de discussions soit le dimanche 11 juillet, ils finissent par parapher l’accord de “Ouaga III”. Le facilitateur Blaise Compaoré a tenu à ce que l’accord soit signée en terre togolaise. Dans la soirée il se rend à Lomé. Il est 19 heures dans la capitale togolaise lorsqu’intervient la signature de l’accord, en présence du président Gnassingbé Eyadéma, son Premier ministre Joseph Kokou Koffigoh. M. Barké représente la mouvance présidentielle et Léopold Gnininvi, le CODII. Les ambassadeurs d’Allemagne, de France et des Etats-Unis sont présents comme observateurs. L’accord conclu fixe au 25 août l’élection présidentielle. Un document traitant des questions de sécurité et de règles électorales avait été déjà signé dans la matinée entre le CODII et le camp présidentiel. L’accord de 93 prévoyait en outre la mise en place d’un comité de suivi. Le facilitateur Blaise Compaoré venait d’enregistrer une victoire et le politique ainsi que le peuple togolais venaient de pousser un “ouf” de soulagement. Mais, comme l’a dit le président Eyadéma à l’époque “signer un accord c’est facile, mais ce qui est important c’est le respect absolu de cet accord”, (cf Sidwaya n°2307 du mardi 13 juillet 1993). De son côté Blaise Compaoré s’est voulu rassurant dans son adresse aux Togolais “...Vous aurez à appliquer cet accord, mais cette fois, avec notre œil vigilant...”

La mise en œuvre

Ce qui est sûr, la signature de cet accord ouvrait la voie à la tenue de l’élection présidentielle. Le général Gnassingbé Eyadéma est le candidat de la mouvance présidentielle avec en tête son parti le Rassemblement du peuple togolais. L’opposition pour sa part a du mal à se trouver un candidat unique. Finalement, Edem Kodjo est candidat au nom de l’Union togolaise pour la démocratie (UTD), Gilchrist Olympio (en exil au Ghana) pour l’Union des forces du changement (UFC), Me Yawovi Agboyibo au compte du Comité d’action pour le renouveau (CAR). A l’examen des candidatures, la Cour suprême rejette celle de Gilchrist Olympio pour “non conformité du certificat médical”. Cela entraîne des manifestations de ses participants. Par la suite Me Agboyibo va se retirer par “soutien à Olympio” ou pour dénoncer les “fraudes massives” en préparation par le parti au pouvoir. Edem Kodjo emboite aussi le pas du désistement. L’élection s’est déroulée le 25 août 1993 comme prévu par l’accord de Ouagadougou. Le 9 septembre, la Cour suprême proclame les résultats. Le général Eyadéma est réélu avec 96,49% des suffrages, pour 36% du taux de participation. A la suite de la présidentielle, les Togolais ont pu tenir les élections législatives auxquelles ont pris part l’opposition modérée notamment le CAR et l’UTD.

C’était le 6 février 1994 pour le 1er tour et le 20 février pour le 2e jour. Ainsi, le Togo a pu poursuivre clopin-clopan dans la réconciliation nationale. Des élections se tiennent avec toujours des boycotts ou des dénonciations de fraudes de la part de l’opposition. A plusieurs reprises, le président Eyadéma a tenté une réconciliation entre les frères togolais. Et cela pour attirer à nouveau la coopération avec l’Union européenne. Une coopération rompue (à l’exception des secteurs sociaux) depuis 1993 pour “déficit démocratique et graves atteintes aux droits de l’Homme. A cet effet, le général Gnassingbé Eyadéma prendra en avril 2004 vingt-deux (22) engagements devant l’Union européenne à Bruxelles. Parmi ceux-ci figure en bonne place la réouverture du dialogue inter-Togolais.

L’après Eyadéma...

Le président Eyadéma était sur le dossier jusqu’à son décès le 5 février 2005. L’armée, on se rappelle décide de confier le pouvoir au fils, Faure Gnassingbé en l’occurrence. Alors que la constitution togolaise donne au président de l’Assemblée nationale le privilège de remplacer le président de la République en cas de vacance de poste. Ce qui entraîne une crise sociopolitique. Poussé à bout, par les manifestations et les condamnations au niveau international Gnassingbé fils se retire du pouvoir 20 jours après l’avoir pris. Une élection est organisée le 24 avril 2005 et le candidat du RPT Faure Gnassingbé l’emporte avec 60,15% des voix. Le président Faure décide à son tour de réouvrir le dialogue avec ses frères togolais. Ces efforts au plan national ont abouti au paraphe d’un “Accord politique de base” par sept (7) parties prenantes sur les neuf (9) du dialogue. C’était en juillet dernier. Les points de désaccord sont portés devant le facilitateur burkinabè Blaise Compaoré le 7 août 2006. On peut parler de “Ouaga IV”. Il reste à espérer vivement que l’”Accord politique global” issu des présents pourparlers soit mis en application comme il se doit par le politique et la société civile togolais pour éviter à tout prix un “Ouaga V”.

Koumia Alassane KARAMA

Sidwaya

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