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Bourses d’études : La diaspora burkinabè en France décide d’accompagner la mère-patrie

29 juillet 2020, 16:38, par SOMÉ Roger

Cher monsieur,
Votre inquiétude est légitime et compréhensible bien que les bourses en jeu s’adressent à des étudiants devant être inscrits dans des universités burkinabé. Cependant, vous me donnez l’occasion de m’exprimer sur un fait très important, celui du rôle de la diaspora burkinabé et de sa perception par certains de nos concitoyens.
Si, en effet, votre réaction est compréhensible, il faut tout de même faire très attention. Il n’est absolument pas certain que les personnes que vous désignez n’être pas retournées au Faso l’ont fait de leur gré. Beaucoup d’entre elles se sont vues refuser au Faso, donc par leur propre pays, et que certains, bien qu’ayant été refusés, continuent tant bien que mal d’agir pour leur pays auquel ils tiennent beaucoup. Leur action se fait de diverses manières et ce qui est en cours, bien qu’étant par ailleurs critiquable, en fait partie. Pourquoi l’appel du ministère de l’enseignement supérieur à une contribution citoyenne pour octroyer des bourses est critiquable ? Parce qu’il appartient à l’état d’assurer la responsabilité de l’instruction des citoyens car l’ecole, et donc au plus haut niveau, l’université, est une institution régalienne. On peut concevoir que des citoyens décident eux-mêmes, c’est-à-dire par leur seule volonté, de financer une ou des bourses. Mais que l’état appelle des citoyens à financer 4 bourses est insupportable surtout si les secteurs concernés sont jugés importants. Comment pouvoir imaginer qu’un état ne puisse pas financer 4 bourses pour des domaines où le besoin est pourtant important et soit réduit à solliciter le citoyen pour cela ? C’est quasi incompréhensible mais ce n’est point étonnant C’est pourquoi il faut éviter d’avoir une réaction primaire et trop facile contre ceux et celles des Burkinabé qui sont à l’extérieur et qui n’ont absolument pas tourné le dos à leur pays quand bien même, d’une certaine manière, leur propre pays, à travers les autorités, leur a tourné le dos.
Lorsque vous parlez d’engagement du pays, celui-ci existe déjà depuis des lustres et s’appelle "engagement décennal", un engagement par lequel toute personne ayant été admise à un concours de l’état, et les bénéficiaires des bourses en font partie, s’engage, à l’issue de la formation, de servir obligatoirement l’état pendant dix ans avant d’aller où elle veut si elle le souhaite. Par conséquent, le problème est d’abord l’application de la loi qui suppose un suivi des actions de l’état, fait qui, à son tour, implique la question de la gestion et donc de la planification des besoins de l’état, gestion et planification qui sont absolument abandonnées par ce même état qui, plus est, refuse d’employer les forces vives qui se présentent à lui.
Lorsque vous déposez un dossier de candidature à l’université de Ouagadougou 1, par exemple, et que vous recevez une réponse 5 ans plus tard, réponse qui vous invite à réintroduire votre dossier, que pensez-vous qu’il faille faire ? Et selon vous qu’ont fait les personnes qui ont vécu cette expérience ? Lorsque dans cette même université la candidature d’une personne est refusée parce que le sujet ne serait pas en situation d’accomplir son volume horaire statutaire requis en raison de ce qu’il ne pourrait enseigner, en tant qu’assistant, dans toutes les années, par exemple, en master et parce que son profil serait transversal sur plusieurs disciplines, à l’heure où tout le monde défend l’interdisciplinarité ; que dites-vous de cela ? Lorsque dans cette même université toujours des candidatures ne sont pas retenues pour leur nature dite atypique ; que d’autres candidatures, à la spécialité recherchée, sont pourtant refusées et qu’il est parfois dit, en présence même de certains des candidats, qu’il manque des candidatures en cette même spécialité recherchée, que répondre à tous ces comportements ? Que doivent faire les personnes concernées ? Il se trouve que dans l’immense majorité des cas, pour ne pas dire tous, les intéressés se retrouvent à l’extérieur où ils ont été admis dans des postes de leur qualification et malgré un marché de l’emploi très souvent très difficile car la concurrence est très souvent mondiale et non pas nationale.
Cher monsieur Papou, vous avez donc des Burkinabé qui deviennent, de force, des exilés professionnels dont il ne faut, néanmoins, pas avoir à rougir mais bien au contraire à en être fiers et souhaiter qu’ils travaillent de concert avec ceux et celles qui oeuvrent directement sur le terroire.
C’est pourquoi il faut éviter d’opposer le Burkinabé de l’extérieur et celui de l’intérieur. Pour que le pawèogo soit bien, il a besoin du teenga. Et c’est parce qu’il y a un teenga que le pawèogo prend du sens, lui qui part à l’aventure, à la découverte, pour revenir plus fort, plus expérimenté dans le Bayiri. S’il n’avait aucun égard pour le bayiri, il n’est pas certain qu’il partirait. Il part pour revenir pour le bien de son chez lui.
Contrairement à ce que vous imaginez, nombreux sont les Burkinabé qui souffrent et continuent de l’être parce que les portes de leur propre pays leur ont été fermées. Au point que lesdits Burkinabé se sont sentis abandonnés. Malgré tout, ils continuent de garder leur patriotisme en continuant de travailler pour le Faso, de défendre son image et si bien que certains parviennent à s’y réinstaller et d’autres continuent de chercher à le faire même si les choses ne sont pas faciles pour eux et elles. Il convient vraiment d’arrêter de penser que ceux et celles qui sont ailleurs, y compris par choix, sont ingrates et ingrats à l’égard du pays. Que leur vie à l’extérieur ait été obligée ou choisie, les Burkinabé sont toujours restés attachés à leur Faso et ce n’est pas une simple parole.
Loin de nous opposer, exigeons plutôt, ensemble, de notre état qu’il soit plus attentif aux bonnes volontés qui se dégagent pour la construction du bien commun, y compris lorsque cet état n’a pas financé la bourse d’études dans ce cas précis.
En bonne gouvernance, comme on dit aujourd’hui, le ministère de l’enseignement supérieur devrait connaître, chaque année, les étudiantes et étudiants qui ont achevé leurs études et ce qu’ils, et elles, deviennent. Cela veut dire qu’en travaillant de concert avec son homologue de l’emploi et du travail, nous devrions être à mesure de savoir, chaque année, combien de diplômés dispose le pays et, ce, dans les différents secteurs d’activités. Dans le cas d’une réelle politique de planification, nous devrions connaître les secteurs qui seraient dotés de personnels qualifiés relativement aux cas des nouveaux diplômés.
Dans ce contexte, il faut espérer un réel changement après les prochaines échéances électorales à venir au Burkina Faso. Bien évidemment, le pouvoir actuel n’est pas comptable de l’état de fait que je décris dans toute son ampleur mais il est responsable de sa continuité dans la mesure où certains des exemples cités remontent à deux ans au plus si ce n’est un an.
Voici cher monsieur, ce que votre réflexion a suscité en moi. Sachant demeurer unis, surtout en cette période car notre patrie en a grandement besoin. Ne cédons pas à aucune des tentations et des tentatives.
Vive le Burkina Faso, notre patrie à nous, ceux et celles de l’extérieur comme de l’intérieur.


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