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Xavier Lapeyre de Cabanes, Ambassadeur de France au Burkina : « La France n’a rien à voir dans l’assassinat de Thomas Sankara »

17 octobre 2017, 15:57, par Lucky Luke

ENTRETIEN ENTRE SANKARA ET MITTERRAND
Mitterand : Soyez les bienvenus Monsieur Le Président.

Sankara : Merci. Le peuple burkinabè vous transmet toute ses vives salutations.

Mitterand : Nous en sommes émus. Ben que me vaut l’honneur de votre venue ?

Sankara : Rien de particulier. Nous entretenons des relations et dans cette lancée, et au nom de notre tradition,nous avons jugé necessaire de venir vous rendre une visite officielle.

Mitterand : (Sourire) Je ne savais pas que les révolutionnaires rendaient visite à ceux qu’ils qualifient d’impérialiste !

Sankara : Ecoutez, vous êtes dans votre logique de mener votre politique et il sied aussi que nous, peuple " du tiers monde" de tenir un certain langage à votre égard. Nous ne disons que ce qui est.

Mitterand : Mais Capitaine Sankara, c’est quand même pas du tout logique hein ! Vitrioler un pays et le courtiser ensuite.

Sankara : Non je pense que vous observez notre politique ou notre relation à travers des lunettes colonialistes. Non, nous ne vous courtisons pas. Loin de là. J’estime plutot que nous devons tous mener un processus d’acceptation du deuil des rapports désuets de la France-Afrique.

Mitterand : Je ne vous suis pas trop.

Sankara : C’est pour vous dire que nous devons partir sur de nouvelles bases. L’ancienne politique de la France-Afrique doit être dans les musées. Particulièrement pour le cas de mon peuple.

Mitterand : Heuuu la France est toujours disposée de renegocier de nouveaux accords avec le Burkina.Nous ne trouvons absolument rien d’obstacle en ce sens. Seulement c’est votre révolution qui vous isole un peu de la vision mondiale.

Sankara : Bien au contraire M. Le Président. Nous avons choisi de nouvelles voix pour nous assumer et nous faire une place dans le concert des nations.Votre révolution de 1789 nous a pourtant bien inspirée.Et c’est bien elle qui a hissé votre pays au rang où il est !

Mitterand : Oui mais ce n’est plus le cas.Il y a ici la démocratie, la liberté d’expression, le droit de grève...

Sankara : Les Burkinabé sont libre de s’exprimer.Il n’y a pas de dictature.Nous avons raproché le pouvoir le plus possible au peuple.Cependant, faire un plagiat de votre vision politique dans mon pays c’est ouvrir la porte à l’anarchie.Nous avons opté pour la démocratie populaire.

Mitterand : Vous maintenez votre pays dans une peur ce qui empêche toute créativité.

Sankara : Pas du tout.Nous sommes impatient de vous voir chez nous.Vous découvrirez la réalité.Il est aisé de critiquer à partir de l’extérieur.Et même s’il y a des dérives, cela s’explique par le fait que notre révolution est encore jeune.Il n’est pas facile de changer des habitudes en un coup de magie.

Mitterand : Vous avez changé le nom de votre pays, vous collaborer evec le guide Lybien...nous aurons du mal à nous comprendre.

Sankara : Cela depend de ce qui est contenu dans votre "comprendre".Nous ne souhaitons pas justement une compréhension unilatérale.La compréhension doit être mutuelle.Il est temps que vous reconnaissiez le peuple burkinabé comme un peuple souverain, libre de sa politique et maître de son destin.

Mitterand : Sankara, soyez réaliste voyons.La pauvrété de votre pays est un frein justement pour vos ambitions.

Sankara : Pas du tout.Les Burkinabé veulent apprendre à pêcher maintenant.Le déclic se trouve au niveau mental.Si le mental est bloqué, rien est possible.C’est la raison pour laquelle nous avons changé le nom du pays pour lui donner un nouveau souffle.Pour le cas de Kadafi, M. Le Président je pense que vous n’allez pas me dire que vous vous ne le fréquentez pas !

Mitterand : Pas trop...Vous savez vous allez trop vite dans votre politique et il n’est pas souhaitable que vous vous mettez en conflit avec certains de vos pays voisins.

Sankara : Nous n’avons pas l’ambition d’exporter notre révolution.Ceux qui s’opposent à la révolution burkinabé, n’aime pas leur peuple.Mais si certains peuples veulent amboîter nos pas, ben qu’ils assument !

Mitterand : Ok. Pour notre soutien nous avons des armements qui peuvent vous interresser particulièrement.

Sankara : Nous préferons des tracteurs ou des charrues.Des outils agricoles en quelques sorte.Nous voulons une aide qui nous aide à nous dépasser de l’aide.Nous estimons que les bonnes armes de guerre ce sont l’honneur, la dignité, le don de soi à la société, l’intégrité.La pauvrété de mon pays ne fera pas de lui un pays soumis et esclave.

Mitterand : L’amour pour votre pays vous empêche de voir la réalité en face.

Sankara : (Sourire) je pense que la réalité depend de quel angle nous nous trouvons.

Etre revolutionnaire, c’est s’indigner contre toute injustice sur terre, être capable de banaliser la mort et surtout aimez lire.Un révolutionnaire sans une bonne culture est un petit dictateur en germination ou un disciple de Bakounine.


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