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Quelle Constitution pour les Burkinabè, « un peuple de yelkayé » ? Le cas de la chefferie traditionnelle !

28 novembre 2016, 19:43, par Bouba

« à la question de savoir s’il faut intégrer la chefferie traditionnelle dans la Constitution du Burkina Faso, la réponse pour notre part est oui bien sûr ! »

Votre parti pris biaise votre analyse dès le départ. De plus, cette analyse est ethnocentriste et occulter sciemment ou par ignorance certaines réalités du Burkina. Pour moi la chefferie traditionnelle doit être exclue de la constitution et du jeu politique et cela n’enlève rien à sa place et à son rôle pour les raisons suivantes :

1) Un des plus grands fléaux qui minent la démocratie en Afrique, c’est le vote ethnique. Les gens votent sur la base de l’ethnie et non sur la base de la compétence. Cela biaise le jeu démocratique et l’égalité des droits car si vous appartenez à une minorité ethnique, quelques soient vos compétences, vous avez peu de chances d’être élu. A l’inverse, le plus cancre des candidats peut se faire élire par le seule fait qu’il est d’une ethnie majoritaire. La chefferie traditionnelle est un des vecteurs du vote ethnique et certains politiques l’exploitent de façon malsaine.

2) Où mets-tu l’égalité des peuples, un des fondements de la démocratie ? Il y a des peuples au Burkina où il n’y a pas de chefferie telle qu’elle est conçue chez les mossi ou chez la Gulmantché, etc. ? Où mets ces peuples ? Lors de la lutte anticolonialiste, certains peuples n’ont pu opposer aucune résistance symbolique pour ce pays parce que le chef suprême (Mogho Naba Wobgo dit Boukary Koutou) avait fui au Ghana. Pourtant, certains peuples où il n’y a pas de chef suprême, et où il n’ya que des chefs de village, qui ont un rôle coutumier et non un rôle hiérarchique, ont opposé une résistance féroce dans la lutte anticoloniale. Faîtes donc attention pour ne pas exacerber les tensions et les frustrations et avançons. La révolte des Bwaba de 1916, commémorée récemment, a été une des principales raisons de la création de la Haute Volta. C’est écrit dans plusieurs ouvrages et travaux de recherche. Encore faut-il que les gens les lisent. Cette révolte a également touché les peuples voisins Samo et Gourounsi. Pour le colonisateur, c’est pace que les colonies étaient trop vastes que cette révolte a eu lieu. Il fallait rapprocher l’administration de l’administré. D’où la création de la Haute Vola quelques années après en 1919.

3) Certes, il faut reconnaître le rôle joué par Naaba Kom II et surtout Philippe Zinda Kaboré dans la reconstitution de la Haute-Volta en 1947 comme colonie, mais l’indépendance de la Haute-Volta, on la doit surtout `à Daniel Ouezzin Coulibaly, Nabi Boni et Joseph Ki-Zerbo qui ont véritablement lutté pour l’indépendance de ce pays. Maurice Yaméogo n’a été qu’un usurpateur de dernière minute, après une démission de dernière minute pour rallier le parti de Daniel Ouezzin Coulibaly. Suite au décès de celui-ci, il devient alors son successeur à la veille des indépendances. Les autres peuples qui n’ont pas des chefs « vénérés » comme chez les mossi, ont beaucoup contribué à l’indépendance de ce pays. Danlel Ouezzin coulibaly, Nabi Boni et Joseph Ki-Zerbo et d’autres ont lutté en tant qu’intellectuels et patriotes pour l’indépendance de ce pays sans avoir des accointances avec la chefferie traditionnelle ;

4) Le Mogho –Naaba actuel – que je respecte- qui fait l’unanimité pour sa sagesse fédératrice, doit cette image à sa neutralité politique. Le Naaba du Yatenga, quand bien même il est au même niveau hiérarchique que le Mogho-Naaba, n’aura jamais le même respect dont jouit le Mogho-Naaba. Pourquoi ? Parce que le Naaba de Ouahigouya laisse une image mitigée da la chefferie traditionnelle à cause de ses prises de position politiques controversées. La Naaba Tigré de Tenkodogo des années 90, militant zélée jamais égalé par un chef traditionnel, laisse une image nauséabonde de la chefferie traditionnelle pour ses nombreux comportements à l’antipode des valeurs morales et démocratiques. Si vous comparez l’image du Mogho-Naaba actuel à celle de la majorité des Naaba qui se sont engagés dans la politique, vous verrez que la chefferie traditionnelle elle-même gagne à rester en dehors de la constitution et du jeu politique.

Pour finir, je dirai que le Burkina a besoin d’avancer et non de retourner en arrière. C’est pourquoi le peuple burkinabè a donné une leçon de morale au « Moaga du centre » qui, au lieu de faire prévaloir ses compétences –et pourtant il en a- a voulu utiliser des arguments de bas niveau. Il a ruiné son avenir politique et il lui sera difficile de se départir de cette image. Il faut au moins que nous œuvrons afin que dans les années à venir, la population vote des candidats sur la base de leurs compétences et non sur la base ethnique. Sinon le jeu démocratique continuera d’être biaisé et la démocratie menacée


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