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Grève des agents de santé : « il faut que les uns et les autres puissent mettre de l’eau dans leur vin », dixit Smaïla Ouédraogo

23 novembre 2016, 18:46, par Sidpasata Veritas

Ceux qui maudissent facilement les infirmiers en grève prennent trop facilement le problème à la légère. Je crois que les choses sont très complexe.
Mon père est mort à Yalgado il y a quelques années et je suis convaincu que la grève des infirmiers qui était en cours a été pour quelque chose dans sa mort, puisqu’il n’a pas pu être transfusé à temps, par manque de personnel. Malgré tout, je crois que le personnel de la santé a bcp de mérites et que souvent l’état est très ingrat vis-à-vis des ces hommes et femmes qui, au jour le jour, supportent des sacrifices énormes et risquent même leur vie (maladies contagieuses) pour soigner la population. Je le dis parce que je vois la vie de ma petite sœur qui est infirmière dans un village en province...
Le secteur de la santé au Burkina souffre d’un grave problème structurel que nos gouvernants n’osent pas corriger, parce qu’il y a des intérêts privés en jeu et dont eux-mêmes ne sont pas tout à fait étrangers. Certains "grands" de la santé utilisent les structures publiques étatiques au bénéfice de leurs entreprises privées que sont les cliniques. L’état devrait être plus regardant sur les "cliniques à but purement lucratif" qui instaurent dans notre pays une santé à deux vitesses. Le problème n’est pas qu’il ait des cliniques privées (elles élargissent l’offre de soins en qualité et en quantité). La plaie c’est que dans leur fonctionnement actuel, les cliniques que je qualifie d’ "à but purement lucratif" ne se font aucun scrupule pour siphonner le personnel qualifié (médecins et spécialistes) qui sont officiellement en service dans les structures publiques. Ce qui a le don de garantir aux nantis une offre de soins de santé satisfaisante, tandis que l’état ayant démissionné (par laxisme ou par complicité) de l’encadre juridique claire de l’activité des ces cliniques ; les hôpitaux publics ressemblent plutôt à de vieilles usines au bord de la faillite et leur personnel à des forçats qui font tout pour sauver un établissement en ruine.
Moralement, le contenu du serment d’Hippocrate devrait s’appliquer aussi au gouvernement (ministre de la santé) qui a en charge la santé de toute la population. On peut demander au infirmiers d’être héroïques, mais alors le ministre de la santé, au nom de la nation, doit faire pour eux ce que l’on fait pour d’autres personnes qui veillent à la quiétude de la nation. Je suis convaincu que c’est de notre intérêt à tous que le personnel et les structures de santé soient mieux traités et leurs activités mieux encadrées que ce n’est le cas actuellement.
En fait, au lieu d’attendre les grognes syndicales pour traiter en urgence quelques difficultés, le régime post-insurrection devrait s’atteler à faire des réformes en profondeurs. Je suis sûr que face à ce reproche, les autorités me donneraient une réponse politicienne du genre : "oui, nous sommes conscient du problème et nous y veillons. Mais il faut être patient et attendre la mise en œuvre du programme du président RMC." Malheureusement, ce sont ces genre de réponses qui agacent, énervent et poussent au bras de fer, parce qu’on prend les autres pour des imbéciles impassibles.
Si le système de santé à double vitesse permet un certain personnel qualifié (formé et/ou employé par l’état) de s’offrir une rémunération plus que satisfaisante par leur "prostitution" dans les cliniques à but lucratif parce que l’état à plus ou moins fermé un œil sur le sort de la santé publique, alors il ne faut pas être étonné que ceux qui restent fidèles (par choix ou par contrainte) au service public de la santé durcissent les revendications pour améliorer leur propres conditions de vie et de service et aussi la qualité de l’offre publique de soins de santé. Nous faisons beaucoup pour les militaires qui ne sont pas en guerre chaque jour (avec un budget secret-défense géré par le président du Faso et ministre de la défense). Nous pouvons et devons faire beaucoup mieux pour le personnel et les structures de santé qui veillent chaque jour, de jour et de nuit, sur nos vies et notre bien-être.
On ne peut pas évoquer un serment pour réduire les assermentés à l’esclavage et peut-être qu’à cause de ce même serment, il faut entendre l’exaspération de ces serviteurs de la nation et y répondre promptement. Je déteste la manipulation politicienne qui consiste à mettre simplement le manque de soins et même les cas de décès sur la seule responsabilité des grévistes. Le discrédit et l’opprobre jetés sur les partenaires sociaux ne feront jamais avancer le dialogue dans le bon sens, et c’est du devoir du gouvernement d’entretenir un dialogue de qualité avec tous. C’est la responsabilité de l’homme politique qui est engagé !


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