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Ecole burkinabè : Quel profil de citoyen dès la fin de la scolarisation de base ?

16 octobre 2016, 04:31, par Yabila

L’école burkinabè d’aujourd’hui forme des illettrés. C’est très malheureux à dire mais c’est vrai. Commençons par les enseignants que nous mettons devant nos élèves, surtout ceux du primaire. Ils sont recrutés à partir du niveau BEPC et sont formés comment dans les ENEP ? Quand on entend certains enseignants s’exprimer en français (rien que ça), on se pose des questions sur la qualité de l’enseignement qu’ils peuvent dispenser. Je ne dis pas cela pour les juger. Comme c’est souvent le cas actuellement, beaucoup de personnes qui ne sont pas nés dans la haute sphère de notre société, s’accrochent à ce métier, entre autres, pour survivre. Une fois dedans, ils réalisent à quel point le métier est dévalorisé et mal payé par rapport aux exigences de ce métier si noble pourtant. Ceux qui le peuvent se sauvent vers d’autres métiers plus valorisants. Les autres s’en contentent découragés. On ne peut pas faire de miracle dans l’enseignement avec un métier qu’on dévalorise. On ne peut pas former les citoyens de demain avec un métier laissé pour compte.
Je suis d’accord avec vous pour dire que les enseignants doivent être autrement formés, mieux encadrés et mieux payés aussi je pense. Peut-être une formation moins livresque et plus pragmatique davantage axée sur les valeurs et sur les choses concrètes de la vie quotidienne qu’ils transmettront à leur tour aux élèves. Peut-être aussi susciter chez davantage de vocation pour leur métier.
Le profil de nos enfants à la fin de leur scolarisation de base part de là également. Oui, il faut former et bien former "un maître nouveau" davantage conscientisé sur l’importance de son rôle dans la formation du citoyen de demain. Pour cela, lui-même doit être "intègre" d’où la nécessité de bien recruter.
Je pense également qu’il est plus que temps de revoir les pédagogies appliquées en même temps que le contenu des manuels scolaires comme l’a évoqué l’internaute 1. L’éducation civique et citoyenne doit y trouver un bonne place. On veut plus voir des élèves qui insultent les autorités et les maîtres ou qui se laissent aller à l’incivisme dans ce pays.
Si nous continuons à endormir les gens avec les grands discours, de gouvernement en gouvernement, pour ensuite former sciemment des illettrés juste capables de reconnaitre le bulletin de vote de celui qui lui a tendu un bol de riz, nous enfonçons de génération en génération le pays dans le chaos et ça, c’est lourd de conséquences pour le devenir du Burkina. Les dirigeants de ce pays, tous gouvernements confondus, doivent savoir qu’ils en porteront la responsabilité devant l’histoire. Leurs seuls enfants formés dans les écoles haut de gamme au Burkina et à l’extérieur très souvent avec l’argent volé du contribuable, ne suffiront pas pour développer ce pays. D’ailleurs, ils iront pour beaucoup d’entre eux, s’illustrer dans les instances internationales grâce au carnet d’adresses de papa et maman et ne s’embarrasseront pas du sort du Burkina. On n’en voit déjà beaucoup dans ce cas.
Nos enfants délaissent l’école parce qu’ils n’en voient pas l’utilité pour leur avenir. Aussi parce que la paupérisation est telle que beaucoup de jeunes enfants décrochent de l’école quand ils n’y sont pas poussés par leur famille, pour survivre par des petits jobs et se faire exploiter comme au temps de l’esclavage. Bien souvent aussi, c’est parce que leur niveau en fin de cycle primaire ne leur permet pas de poursuivre au collège. Nous savons tous que la réussite future d’un élève dans son parcours scolaire et universitaire commence au CP1.
Un élève qui n’a pas consolidé les apprentissages de base en primaire, ne peut pas réussir au collège et encore moins au lycée.... De ceux-là, on ne fera pas des docteurs, des professeurs, des ingénieurs...Et malheureusement, ce sont les plus nombreux, qu’on retrouve ensuite comme vendeurs ambulants au bord de nos routes, comme petits apprentis mécaniciens toujours au bord des routes, comme domestiques exploités, comme enfants esclaves dans les extractions minières, comme mendiants quand ils ont faim et comme petits voleurs qu’on traque à la place des grands voleurs. Dit ainsi, le tableau est bien sombre. Pourtant l’espoir est permis si on endigue le mal depuis la racine : entre autres, être plus regardant sur le niveau, sur la moralité et sur la formation de nos enseignants du primaire. Les mettre dans des conditions acceptables de travail et de logement pour leur permettre de fournir un enseignement de qualité dont dépend aussi l’éducation civique et l’éducation à la citoyenneté de nos enfants.
J’ai été témoin de l’effondrement d’un logement en banco vétuste sur un maître et sa famille dans une école, heureusement sans perte de vie humaine. Que dire des école en paille ou en tôle remplies d’enfants collés les uns aux autres dans une promiscuité qui peut-être les rend moins réceptifs aux enseignements et qui peut les pousser à décrocher ? Que dire aussi des maîtres qui au lieu d’enseigner et d’éduquer, abusent des élèves sans craindre d’être poursuivis ? Comment forme-t-on les citoyens de demain dans ces conditions ? Que dire de nos jeunes filles qu’on retire de force de l’école pour les marier précocement et sans leur avis alors qu’elles ne demandaient qu’à être éduquées et instruites pour être des citoyennes éclairées demain ?
Nos enseignants sont-ils bien formés à l’enseignement de l’éducation civique et des valeurs de la République ? Sont-ils bien outillés pour faire face à l’obscurantisme de certains parents d’élèves qui déscolarisent leurs enfants pour les marier ou les faire travailler ?
Les familles aussi éduquent-elles bien leurs enfants pour appuyer le travail des enseignants ? Tout cela participe de la formation des citoyens de demain dans un monde en mutation comme vous le soulignez.
Beaucoup de choses font que la question sur l’utilité de l’école primaire dans la formation du citoyen de demain a le mérite d’être posée car ça nous préoccupe beaucoup et je vous approuve dans votre démarche. Vivement que nos dirigeants soient réactifs sur ce sujet.


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