Biotechnologies agricoles : Le sens de l’engagement de la société civile au Burkina Faso
10 août 2016, 14:07
Pour mieux comprendre les enjeux liés aux biotechnologies agricoles, voici pour information, le mémorandum du Collectif Citoyen pour l’Agro-Ecologie (CCAE) transmis le 27 mai 2016 à l’INERA :
Nous, organisations paysannes, organisations de la société civile, scientifiques et citoyens rassemblés au sein du Collectif Citoyen pour l’Agroécologie (CCAE), interpellons l’Institut de l’Environnement et de la Recherche Agricole (INERA) sur son rôle passé, présent et futur dans l’imposition des OGM à notre pays, le Burkina Faso, patrie des hommes intègres.
L’INERA se donne notamment pour missions de « promouvoir la protection, la sauvegarde et la gestion rationnelle des ressources naturelles et de l’espace rural ; conserver la biodiversité » . Malheureusement, si nous ne doutons pas que ces missions fassent l’objet de la plus grande implication d’une large partie des chercheurs travaillant à l’Institut, certains, par leurs travaux et les collaborations qu’ils nouent, contribuent fortement à produire la plus grande menace existante pour notre biodiversité ; les Organismes Génétiquement Modifiés. La littérature scientifique a largement démontré les impacts négatifs des OGM sur l’environnement et la biodiversité, et même le caractère irréversible et incontrôlable de la contamination OGM .
À la suite des expériences de nombreux pays, après les déboires annoncés puis constatés du coton Bt au Burkina Faso, nous demandons à l’INERA de cesser sa collaboration avec la firme agrochimique Monsanto et toute autre firme agrochimique dont l’objectif serait de privatiser le vivant à des fins lucratives, au mépris de la santé, de l’environnement et des intérêts collectifs du peuple.
Nous ne cherchons pas à stigmatiser l’ensemble des chercheurs de l’INERA, ni votre institution en tant que telle. Au contraire, nous souhaitons que celle-ci joue pleinement son rôle, en travaillant à améliorer le destin collectif des burkinabé. De ce point de vue, nous souhaitons que les responsabilités soient établies en votre sein, afin que l’Institution puisse en répondre devant les citoyens. Nous souhaitons que votre institution se prononce clairement sur ces futures orientations, auxquelles nous réagirons en conséquences, notamment au regard des éléments décrits ci-après.
Quelles responsabilités pour le fiasco du coton Bt ?
Le Burkina Faso s’est discrètement lancé dans la culture des Organismes Génétiquement Modifiés (OGM), en l’occurrence le coton Bollgard II (Bt) en 2001 en violation flagrante de la convention sur la diversité biologique de 1992 et du protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques de 2000. Ces traités internationaux stipulent que les pays concernés doivent se munir d’un cadre législatif et prendre les plus grandes précautions avant de commencer la culture d’OGM. En outre, les signataires s’engagent à informer la population des dangers et à ne prendre aucune décision sans une large concertation publique.
C’est très tardivement que le Burkina Faso a fait ratifier par le Parlement, en avril 2006, le régime de sécurité en biotechnologie sans connaître les enjeux et les risques pour notre agriculture familiale, notre environnement et notre santé jusqu’à la diffusion en plein champ du coton Bollgard II de la firme agro-chimique Monsanto en 2009.
Pendant tout ce temps, des chercheurs de l’INERA ont travaillé avec la firme pour préparer les semences de coton Bt, défendre leurs avantages et garantir l’absence des risques auprès de l’opinion publique. Il est évident que les résultats de la recherche, présentés pour justifier la diffusion en plein champ du coton Bt, n’étaient pas aboutis. Pire, des chercheurs ont consciemment menti à l’opinion publique, sous les injonctions de Monsanto, qui finançait leurs travaux mais aussi leur silence. A cette époque, des chercheurs burkinabè soulignaient les risques et les insuffisances de garanties pour la diffusion en plein champ des OGM. De plus, ils soulignaient que le processus de croisement n’était pas abouti, ainsi la diffusion en plein champ devenait une expérimentation extrêmement risquée. Nous regrettons aujourd’hui que l’INERA n’ait pas joué son rôle à cette époque, en travaillant à ce que la diffusion des OGM fasse l’objet d’une véritable étude d’impacts et soit soumise au contrôle de scientifiques indépendants. Nous constatons aujourd’hui l’ampleur des dégâts, dont le manque d’intégrité (ou de compétence) de certains scientifiques de l’INERA, est en large partie responsable.
De plus, loin de prendre acte et de reculer sur la question des OGM, lors d’un atelier organisé par votre institut le 18 avril 2016, vos chercheurs renouvellent leur plein engagement aux côtés de Monsanto. Ils annoncent travailler sur un nouveau coton Bt et évoquent des recherches sur des cultures alimentaires OGM.
A l’instar de nos avertissements sur le coton Bt, nous prévenons les chercheurs de l’INERA que l’introduction de Maïs OGM, de Niébé BT et de Sorgho bio fortifié possédant des gènes dits Terminator (interdis en Europe depuis 1998), s’avéreraient une catastrophe sanitaire, économique et environnementale pour notre pays, dont ils devront assumer la pleine responsabilité de leur collaboration.
Au regard de ces éléments, nous exigeons que les chercheurs impliqués dans la diffusion aventuriste du coton Bt répondent de leurs actes. Nous exigeons que les travaux actuels de recherche de l’INERA sur les OGM soient soumis à un contrôle citoyen et à une transparence totale. Nous exigeons que ne soit autorisée à la diffusion en plein champ aucune culture dont l’absence de risques sanitaires et écologiques n’ait été démontrée scientifiquement et soumise au contrôle de scientifiques indépendants. Nous exigeons que l’INERA, en tant qu’institution, par la voix de son premier responsable, se prononce sur sa responsabilité concernant l’échec du coton Bt.
Un désastre économique pour notre pays.
A l’époque, de nombreux scientifiques indépendants avaient mis en garde ; le processus de croisement n’était pas abouti et les garanties présentées n’étaient pas suffisantes.
Nous voici en 2016 avec devant nous l’échec cuisant du coton Bt de Monsanto. Échec économique prévisible ; la longueur et la qualité de la fibre ont baissé, ce qui aurait dû être prévenu par la recherche burkinabé. Pourquoi la diffusion du coton Bt chez les agriculteurs en plein champ a pu se faire dès 2008 ? Avec près de 48 milliards de pertes, les enjeux dépassent largement le seul cadre du secteur cotonnier mais impacte notre nation négativement dans son ensemble.
Des risques toxicologiques non-évalués, la santé de la population menacée.
Toutefois ne nous laissons pas aveugler par les chiffres, l’enjeu économique ne doit pas masquer les potentiels dégâts sanitaires et environnementaux causés par la mutation. En effet, de nombreux témoignages de producteurs et éleveurs viennent confirmer que la consommation des feuilles de coton Bt par le bétail provoque des maladies mortelles. Ceci est extrêmement préoccupant !
Ainsi, tout laisse à penser que les plantes génétiquement modifiés (PGM) représentent un risque toxicologique pour les populations et le bétail. Or, l’huile de coton est abondamment consommée dans notre pays et sans aucun étiquetage obligatoire avec ou sans OGM.
Les évaluations menées par la firme sur des rats pendant 90 jours ne permettent de dégager aucune conclusion, sinon que la firme ne souhaite pas évaluer les effets toxicologiques des OGM en établissant des protocoles factices. En effet, une étude de 90 jours ne peut mener à aucun résultat significatif, les contres-études indépendantes montrent que des résultats apparaissent après 6 mois.
Tout est fait par Monsanto pour que les risques sanitaires des semences GM ne soient pas évalués et rendus public.
Nous exigeons aujourd’hui qu’une étude soit faite pour mesurer les impacts du coton Bt sur la santé humaine. Après les nombreuses manipulations de la firme, nous exigeons que soit rendue publique toute étude sanitaire effectuée en amont ou en aval de la diffusion du Coton Bt, afin d’évaluer les protocoles et les méthodologies de celles-ci.
Des paysans manipulés et endettés.
Les témoignages des paysans recueillis dans les études sur le coton Bt montrent toute la manipulation dont ils ont été l’objet. L’épandage de pesticides est deux fois plus important qu’annoncé, les rendements ne suivent pas, le prix des semences est exorbitant (le sac de 30 Kg est à plus de 25.000 F CFA contre environ 800 F CFA pour le conventionnel)… beaucoup de cotonculteurs sont aujourd’hui endettés à cause des semences Bt qui leur ont été imposées. Cet endettement des paysans est organisé et inacceptable. Les paysans endettés n’ont plus le choix, ils deviennent soumis à la firme qui les exploite et les humilie. La logique mise en place par Monsanto est révoltante et inadmissible.
Des contaminations de l’écosystème irréversibles et incontrôlables
Nous sommes très préoccupés par les conséquences engendrées par les OGM sur notre environnement. Les prétendus avantages avancés par Monsanto, notamment la réduction de l’utilisation de pesticides sont des manipulations. Nous savons que l’utilisation de pesticides dans les champs américains OGM augmente chaque année. Les témoignages des cotonniers burkinabè montrent que l’utilisation de pesticides a été deux fois plus importante que ce qu’avait annoncé la firme. Dans les autres pays, avec le soja et le maïs OGM notamment, l’usage intensif d’herbicides couplé au Roundup avec son glyphosate stérilise les sols et entraîne des déséquilibres majeurs.
Surtout, concernant l’ensemble des cultures OGM et donc celle pratiquée au Burkina, un risque majeur est la diffusion du transgène. Ce risque environnemental a été avéré dans de nombreux territoires où les OGM sont cultivés. A notre connaissance, aucune étude n’a été menée au Burkina pour en mesurer leurs effets. La diffusion du transgène par le pollen de la plante transportée par le vent ou les insectes, mais aussi sa diffusion par les semences (repousses au champ, transport, stockage…) sont extrêmement préoccupantes. En effet, il s’agit d’une contamination vivante et donc exponentielle, qui diffuse l’ensemble du patrimoine génétique de manière incontrôlable. Il est évident que les zones tampons sont très largement insuffisantes à prévenir ce risque. Une étude d’impact est nécessaire afin de déterminer l’ampleur de la contamination.
Ainsi, une fois cultivés en plein champ, la diffusion des OGM devient incontrôlable et exponentielle. Il est de ce fait inadmissible que cette diffusion soit autorisée sans l’accord des citoyens et sans preuve scientifique des impacts sanitaires et environnementaux des OGM.
Le Burkina Faso doit œuvrer à sa souveraineté alimentaire
Au regard des éléments précédemment cités, il apparaît clairement que les OGM ne sont pas une réponse ni à l’insécurité alimentaire, ni aux défis des changements climatiques, mais participent fortement à leur aggravation.
Les OGM sont une atteinte à la souveraineté du peuple, et particulièrement à sa souveraineté alimentaire.
De nombreuses études ont démontré qu’à condition d’une volonté politique, l’agroécologie peut nourrir sainement et durablement l’ensemble de la communauté humaine. A l’heure des dérèglements climatiques, causés et aggravés en large partie par l’agriculture intensive conventionnelle et l’emploi des OGM, à l’heure de la sous-alimentation chronique dont souffre l’Afrique subsaharienne, il est urgent et nécessaire de mobiliser tous les acteurs afin d’œuvrer à la réalisation de la souveraineté alimentaire par l’agroécologie.
Pour une recherche indépendante au service du peuple
Pour faire face aux défis alimentaires, économiques et climatiques auquel le Burkina Faso est confronté, il est nécessaire que la recherche nationale soit indépendante. Il est inacceptable que les travaux et les conclusions des chercheurs soient influencés par des intérêts privés. La recherche nationale doit œuvrer pour une souveraineté et une résilience alimentaire de notre pays. La science trouve sa noblesse et sa raison d’être quand elle sert l’intérêt commun, quand elle œuvre à l’émancipation du peuple.
Dans ce sens, nous revendiquons que les travaux de l’INERA ainsi que leurs méthodologies soient rendus publics, particulièrement ceux touchant aux OGM. Ainsi, ils pourront faire l’objet d’une véritable veille citoyenne, ce qui, au regard du passif récent du coton Bt, nous paraît essentiel concernant les recherches actuelles sur le coton, le niébé, le sorgho et le maïs OGM.
Au regard de ces éléments, l’INERA doit cesser de collaborer avec Monsanto dont la motivation n’est que le profit alors que l’objectif de la recherche scientifique nationale doit être l’amélioration des conditions d’existence des citoyens. En matière agricole, notre recherche doit avoir pour objectif de proposer des solutions durables qui iront dans le sens d’une plus grande résilience et indépendance alimentaire pour notre pays, donc agro-écologique.
Les hommes intègres sont réveillés.
Le Collectif Citoyen pour l’Agro-Ecologie (CCAE) veillera au respect des pratiques susmentionnées. En l’absence d’engagement de l’INERA, le CCAE mobilisera particulièrement l’opinion publique nationale et internationale sur ses agissements et sa compromission auprès de la firme agrochimique Monsanto. Depuis la mobilisation de la marche contre Monsanto du 23 mai 2015 à Ouagadougou, le peuple s’approprie les enjeux liés aux OGM. Le CCAE annonce que le 8 octobre 2016, une mobilisation populaire massive s’opposera aux OGM et à leurs promoteurs, par une marche à Ouagadougou.
La résistance burkinabè est aujourd’hui connectée aux résistants du monde entier, que ce soit en France, en Bretagne, en Inde ou en Argentine. Le CCAE est à l’initiative du Front Africain pour la Souveraineté Alimentaire (FASA), ainsi les luttes africaines sont dans une dynamique de renforcement mutuel et leur convergence œuvrera à l’adoption de moratoire d’une durée de 10 ans sur tout le continent. Le CCAE participera en octobre 2016 au Tribunal International Monsanto à la Haye (Pays-Bas) où le crime d’écocide sera défini sur une base juridique. Ainsi, notre résistance et les résistances du monde entier œuvrent à présent à prémunir notre pays et le monde des catastrophes engendrées par les OGM.
Nous connaissons les moyens de la propagande de Monsanto, nous en prenons acte et affirmons aujourd’hui que par la convergence internationale des résistances, la firme ne pourra plus entraver la marche des peuples vers leur souveraineté alimentaire. Les institutions qui hier ont pu collaborer avec la firme, doivent aujourd’hui faire un choix entre l’argent ou le peuple, et être prêt à en assumer les conséquences qui en découleront.
Pour un moratoire de 10 ans sur les OGM
• Par le présent document, les organisations paysannes, les organisations de la société civile, les scientifiques, les citoyens et militants libres du Burkina Faso renouvellent leur exigence d’un moratoire sur l’importation, la dissémination et la production des OGM au Burkina Faso pendant une période minimum de dix (10) ans.
• Ces 10 ans permettront que des travaux de recherche indépendants fassent état des conséquences sanitaires et environnementales réelles des OGM.
• Ces 10 ans permettront que les recherches en cours sur les cultures coton, maïs, sorgho et niébé soient évaluées par une veille citoyenne, et fassent l’objet d’un véritable débat public avant leur diffusion en plein champ.
• Ces 10 ans permettront à la recherche burkinabé de proposer des solutions durables comme l’agroécologie qui œuvre efficacement à la souveraineté alimentaire du pays.
Nous appelons l’INERA a cessé sa collaboration avec Monsanto dès à présent et à se joindre à cette revendication.
Si la science tend à l’objectivité, son rôle dans une société n’est pas neutre. Par ceux qu’elle choisit de servir, elle détermine en grande partie l’avenir de tout un peuple. Nous appelons l’INERA à choisir le peuple burkinabé plutôt que ses oppresseurs, nous appelons l’INERA à défendre notre patrie plutôt que Monsanto, nous appelons l’INERA à servir l’humanité et le bien commun.
Pour mieux comprendre les enjeux liés aux biotechnologies agricoles, voici pour information, le mémorandum du Collectif Citoyen pour l’Agro-Ecologie (CCAE) transmis le 27 mai 2016 à l’INERA :
Nous, organisations paysannes, organisations de la société civile, scientifiques et citoyens rassemblés au sein du Collectif Citoyen pour l’Agroécologie (CCAE), interpellons l’Institut de l’Environnement et de la Recherche Agricole (INERA) sur son rôle passé, présent et futur dans l’imposition des OGM à notre pays, le Burkina Faso, patrie des hommes intègres.
L’INERA se donne notamment pour missions de « promouvoir la protection, la sauvegarde et la gestion rationnelle des ressources naturelles et de l’espace rural ; conserver la biodiversité » . Malheureusement, si nous ne doutons pas que ces missions fassent l’objet de la plus grande implication d’une large partie des chercheurs travaillant à l’Institut, certains, par leurs travaux et les collaborations qu’ils nouent, contribuent fortement à produire la plus grande menace existante pour notre biodiversité ; les Organismes Génétiquement Modifiés. La littérature scientifique a largement démontré les impacts négatifs des OGM sur l’environnement et la biodiversité, et même le caractère irréversible et incontrôlable de la contamination OGM .
À la suite des expériences de nombreux pays, après les déboires annoncés puis constatés du coton Bt au Burkina Faso, nous demandons à l’INERA de cesser sa collaboration avec la firme agrochimique Monsanto et toute autre firme agrochimique dont l’objectif serait de privatiser le vivant à des fins lucratives, au mépris de la santé, de l’environnement et des intérêts collectifs du peuple.
Nous ne cherchons pas à stigmatiser l’ensemble des chercheurs de l’INERA, ni votre institution en tant que telle. Au contraire, nous souhaitons que celle-ci joue pleinement son rôle, en travaillant à améliorer le destin collectif des burkinabé. De ce point de vue, nous souhaitons que les responsabilités soient établies en votre sein, afin que l’Institution puisse en répondre devant les citoyens. Nous souhaitons que votre institution se prononce clairement sur ces futures orientations, auxquelles nous réagirons en conséquences, notamment au regard des éléments décrits ci-après.
Quelles responsabilités pour le fiasco du coton Bt ?
Le Burkina Faso s’est discrètement lancé dans la culture des Organismes Génétiquement Modifiés (OGM), en l’occurrence le coton Bollgard II (Bt) en 2001 en violation flagrante de la convention sur la diversité biologique de 1992 et du protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques de 2000. Ces traités internationaux stipulent que les pays concernés doivent se munir d’un cadre législatif et prendre les plus grandes précautions avant de commencer la culture d’OGM. En outre, les signataires s’engagent à informer la population des dangers et à ne prendre aucune décision sans une large concertation publique.
C’est très tardivement que le Burkina Faso a fait ratifier par le Parlement, en avril 2006, le régime de sécurité en biotechnologie sans connaître les enjeux et les risques pour notre agriculture familiale, notre environnement et notre santé jusqu’à la diffusion en plein champ du coton Bollgard II de la firme agro-chimique Monsanto en 2009.
Pendant tout ce temps, des chercheurs de l’INERA ont travaillé avec la firme pour préparer les semences de coton Bt, défendre leurs avantages et garantir l’absence des risques auprès de l’opinion publique. Il est évident que les résultats de la recherche, présentés pour justifier la diffusion en plein champ du coton Bt, n’étaient pas aboutis. Pire, des chercheurs ont consciemment menti à l’opinion publique, sous les injonctions de Monsanto, qui finançait leurs travaux mais aussi leur silence. A cette époque, des chercheurs burkinabè soulignaient les risques et les insuffisances de garanties pour la diffusion en plein champ des OGM. De plus, ils soulignaient que le processus de croisement n’était pas abouti, ainsi la diffusion en plein champ devenait une expérimentation extrêmement risquée. Nous regrettons aujourd’hui que l’INERA n’ait pas joué son rôle à cette époque, en travaillant à ce que la diffusion des OGM fasse l’objet d’une véritable étude d’impacts et soit soumise au contrôle de scientifiques indépendants. Nous constatons aujourd’hui l’ampleur des dégâts, dont le manque d’intégrité (ou de compétence) de certains scientifiques de l’INERA, est en large partie responsable.
De plus, loin de prendre acte et de reculer sur la question des OGM, lors d’un atelier organisé par votre institut le 18 avril 2016, vos chercheurs renouvellent leur plein engagement aux côtés de Monsanto. Ils annoncent travailler sur un nouveau coton Bt et évoquent des recherches sur des cultures alimentaires OGM.
A l’instar de nos avertissements sur le coton Bt, nous prévenons les chercheurs de l’INERA que l’introduction de Maïs OGM, de Niébé BT et de Sorgho bio fortifié possédant des gènes dits Terminator (interdis en Europe depuis 1998), s’avéreraient une catastrophe sanitaire, économique et environnementale pour notre pays, dont ils devront assumer la pleine responsabilité de leur collaboration.
Au regard de ces éléments, nous exigeons que les chercheurs impliqués dans la diffusion aventuriste du coton Bt répondent de leurs actes. Nous exigeons que les travaux actuels de recherche de l’INERA sur les OGM soient soumis à un contrôle citoyen et à une transparence totale. Nous exigeons que ne soit autorisée à la diffusion en plein champ aucune culture dont l’absence de risques sanitaires et écologiques n’ait été démontrée scientifiquement et soumise au contrôle de scientifiques indépendants. Nous exigeons que l’INERA, en tant qu’institution, par la voix de son premier responsable, se prononce sur sa responsabilité concernant l’échec du coton Bt.
Un désastre économique pour notre pays.
A l’époque, de nombreux scientifiques indépendants avaient mis en garde ; le processus de croisement n’était pas abouti et les garanties présentées n’étaient pas suffisantes.
Nous voici en 2016 avec devant nous l’échec cuisant du coton Bt de Monsanto. Échec économique prévisible ; la longueur et la qualité de la fibre ont baissé, ce qui aurait dû être prévenu par la recherche burkinabé. Pourquoi la diffusion du coton Bt chez les agriculteurs en plein champ a pu se faire dès 2008 ? Avec près de 48 milliards de pertes, les enjeux dépassent largement le seul cadre du secteur cotonnier mais impacte notre nation négativement dans son ensemble.
Des risques toxicologiques non-évalués, la santé de la population menacée.
Toutefois ne nous laissons pas aveugler par les chiffres, l’enjeu économique ne doit pas masquer les potentiels dégâts sanitaires et environnementaux causés par la mutation. En effet, de nombreux témoignages de producteurs et éleveurs viennent confirmer que la consommation des feuilles de coton Bt par le bétail provoque des maladies mortelles. Ceci est extrêmement préoccupant !
Ainsi, tout laisse à penser que les plantes génétiquement modifiés (PGM) représentent un risque toxicologique pour les populations et le bétail. Or, l’huile de coton est abondamment consommée dans notre pays et sans aucun étiquetage obligatoire avec ou sans OGM.
Les évaluations menées par la firme sur des rats pendant 90 jours ne permettent de dégager aucune conclusion, sinon que la firme ne souhaite pas évaluer les effets toxicologiques des OGM en établissant des protocoles factices. En effet, une étude de 90 jours ne peut mener à aucun résultat significatif, les contres-études indépendantes montrent que des résultats apparaissent après 6 mois.
Tout est fait par Monsanto pour que les risques sanitaires des semences GM ne soient pas évalués et rendus public.
Nous exigeons aujourd’hui qu’une étude soit faite pour mesurer les impacts du coton Bt sur la santé humaine. Après les nombreuses manipulations de la firme, nous exigeons que soit rendue publique toute étude sanitaire effectuée en amont ou en aval de la diffusion du Coton Bt, afin d’évaluer les protocoles et les méthodologies de celles-ci.
Des paysans manipulés et endettés.
Les témoignages des paysans recueillis dans les études sur le coton Bt montrent toute la manipulation dont ils ont été l’objet. L’épandage de pesticides est deux fois plus important qu’annoncé, les rendements ne suivent pas, le prix des semences est exorbitant (le sac de 30 Kg est à plus de 25.000 F CFA contre environ 800 F CFA pour le conventionnel)… beaucoup de cotonculteurs sont aujourd’hui endettés à cause des semences Bt qui leur ont été imposées. Cet endettement des paysans est organisé et inacceptable. Les paysans endettés n’ont plus le choix, ils deviennent soumis à la firme qui les exploite et les humilie. La logique mise en place par Monsanto est révoltante et inadmissible.
Des contaminations de l’écosystème irréversibles et incontrôlables
Nous sommes très préoccupés par les conséquences engendrées par les OGM sur notre environnement. Les prétendus avantages avancés par Monsanto, notamment la réduction de l’utilisation de pesticides sont des manipulations. Nous savons que l’utilisation de pesticides dans les champs américains OGM augmente chaque année. Les témoignages des cotonniers burkinabè montrent que l’utilisation de pesticides a été deux fois plus importante que ce qu’avait annoncé la firme. Dans les autres pays, avec le soja et le maïs OGM notamment, l’usage intensif d’herbicides couplé au Roundup avec son glyphosate stérilise les sols et entraîne des déséquilibres majeurs.
Surtout, concernant l’ensemble des cultures OGM et donc celle pratiquée au Burkina, un risque majeur est la diffusion du transgène. Ce risque environnemental a été avéré dans de nombreux territoires où les OGM sont cultivés. A notre connaissance, aucune étude n’a été menée au Burkina pour en mesurer leurs effets. La diffusion du transgène par le pollen de la plante transportée par le vent ou les insectes, mais aussi sa diffusion par les semences (repousses au champ, transport, stockage…) sont extrêmement préoccupantes. En effet, il s’agit d’une contamination vivante et donc exponentielle, qui diffuse l’ensemble du patrimoine génétique de manière incontrôlable. Il est évident que les zones tampons sont très largement insuffisantes à prévenir ce risque. Une étude d’impact est nécessaire afin de déterminer l’ampleur de la contamination.
Ainsi, une fois cultivés en plein champ, la diffusion des OGM devient incontrôlable et exponentielle. Il est de ce fait inadmissible que cette diffusion soit autorisée sans l’accord des citoyens et sans preuve scientifique des impacts sanitaires et environnementaux des OGM.
Le Burkina Faso doit œuvrer à sa souveraineté alimentaire
Au regard des éléments précédemment cités, il apparaît clairement que les OGM ne sont pas une réponse ni à l’insécurité alimentaire, ni aux défis des changements climatiques, mais participent fortement à leur aggravation.
Les OGM sont une atteinte à la souveraineté du peuple, et particulièrement à sa souveraineté alimentaire.
De nombreuses études ont démontré qu’à condition d’une volonté politique, l’agroécologie peut nourrir sainement et durablement l’ensemble de la communauté humaine. A l’heure des dérèglements climatiques, causés et aggravés en large partie par l’agriculture intensive conventionnelle et l’emploi des OGM, à l’heure de la sous-alimentation chronique dont souffre l’Afrique subsaharienne, il est urgent et nécessaire de mobiliser tous les acteurs afin d’œuvrer à la réalisation de la souveraineté alimentaire par l’agroécologie.
Pour une recherche indépendante au service du peuple
Pour faire face aux défis alimentaires, économiques et climatiques auquel le Burkina Faso est confronté, il est nécessaire que la recherche nationale soit indépendante. Il est inacceptable que les travaux et les conclusions des chercheurs soient influencés par des intérêts privés. La recherche nationale doit œuvrer pour une souveraineté et une résilience alimentaire de notre pays. La science trouve sa noblesse et sa raison d’être quand elle sert l’intérêt commun, quand elle œuvre à l’émancipation du peuple.
Dans ce sens, nous revendiquons que les travaux de l’INERA ainsi que leurs méthodologies soient rendus publics, particulièrement ceux touchant aux OGM. Ainsi, ils pourront faire l’objet d’une véritable veille citoyenne, ce qui, au regard du passif récent du coton Bt, nous paraît essentiel concernant les recherches actuelles sur le coton, le niébé, le sorgho et le maïs OGM.
Au regard de ces éléments, l’INERA doit cesser de collaborer avec Monsanto dont la motivation n’est que le profit alors que l’objectif de la recherche scientifique nationale doit être l’amélioration des conditions d’existence des citoyens. En matière agricole, notre recherche doit avoir pour objectif de proposer des solutions durables qui iront dans le sens d’une plus grande résilience et indépendance alimentaire pour notre pays, donc agro-écologique.
Les hommes intègres sont réveillés.
Le Collectif Citoyen pour l’Agro-Ecologie (CCAE) veillera au respect des pratiques susmentionnées. En l’absence d’engagement de l’INERA, le CCAE mobilisera particulièrement l’opinion publique nationale et internationale sur ses agissements et sa compromission auprès de la firme agrochimique Monsanto. Depuis la mobilisation de la marche contre Monsanto du 23 mai 2015 à Ouagadougou, le peuple s’approprie les enjeux liés aux OGM. Le CCAE annonce que le 8 octobre 2016, une mobilisation populaire massive s’opposera aux OGM et à leurs promoteurs, par une marche à Ouagadougou.
La résistance burkinabè est aujourd’hui connectée aux résistants du monde entier, que ce soit en France, en Bretagne, en Inde ou en Argentine. Le CCAE est à l’initiative du Front Africain pour la Souveraineté Alimentaire (FASA), ainsi les luttes africaines sont dans une dynamique de renforcement mutuel et leur convergence œuvrera à l’adoption de moratoire d’une durée de 10 ans sur tout le continent. Le CCAE participera en octobre 2016 au Tribunal International Monsanto à la Haye (Pays-Bas) où le crime d’écocide sera défini sur une base juridique. Ainsi, notre résistance et les résistances du monde entier œuvrent à présent à prémunir notre pays et le monde des catastrophes engendrées par les OGM.
Nous connaissons les moyens de la propagande de Monsanto, nous en prenons acte et affirmons aujourd’hui que par la convergence internationale des résistances, la firme ne pourra plus entraver la marche des peuples vers leur souveraineté alimentaire. Les institutions qui hier ont pu collaborer avec la firme, doivent aujourd’hui faire un choix entre l’argent ou le peuple, et être prêt à en assumer les conséquences qui en découleront.
Pour un moratoire de 10 ans sur les OGM
• Par le présent document, les organisations paysannes, les organisations de la société civile, les scientifiques, les citoyens et militants libres du Burkina Faso renouvellent leur exigence d’un moratoire sur l’importation, la dissémination et la production des OGM au Burkina Faso pendant une période minimum de dix (10) ans.
• Ces 10 ans permettront que des travaux de recherche indépendants fassent état des conséquences sanitaires et environnementales réelles des OGM.
• Ces 10 ans permettront que les recherches en cours sur les cultures coton, maïs, sorgho et niébé soient évaluées par une veille citoyenne, et fassent l’objet d’un véritable débat public avant leur diffusion en plein champ.
• Ces 10 ans permettront à la recherche burkinabé de proposer des solutions durables comme l’agroécologie qui œuvre efficacement à la souveraineté alimentaire du pays.
Nous appelons l’INERA a cessé sa collaboration avec Monsanto dès à présent et à se joindre à cette revendication.
Si la science tend à l’objectivité, son rôle dans une société n’est pas neutre. Par ceux qu’elle choisit de servir, elle détermine en grande partie l’avenir de tout un peuple. Nous appelons l’INERA à choisir le peuple burkinabé plutôt que ses oppresseurs, nous appelons l’INERA à défendre notre patrie plutôt que Monsanto, nous appelons l’INERA à servir l’humanité et le bien commun.