Accueil > ... > Forum 925668

De l’indépendance réelle de la justice dans notre pays

4 juin 2016, 06:25, par yé !

Monsieur Kéré,
Comme toujours j’ai lu avec beaucoup d’intérêt votre écrit. Je crois que vous avez raison, et même si ce n’était pas le cas, je suis le moins bien placé pour en juger, d’autant plus que je ne m’y connais pas en droit. Il est vrai qu’on proclame haut et fort que "nul n’est censé ignorer la loi", mais il n’en demeure pas moins que dans nos contrées très faiblement instruites, la connaissance de la loi relève de la gageure. Dans notre pays, alphabétisés et non alphabétisés ne demandent de comptes qu’au gouvernement. Car, même recouverts d’une fine couche vernis de "démocratie", les régimes autoritaires et/ou autocrates qui se succédé n’ont laissé dans l’esprit des burkinabè que nous sommes, que l’omnipotence du gouvernement : tout partait du gouvernement et tout aboutissait au gouvernement. Si bien que, même sans avoir fait un sondage, je ne crains pas de me tromper en affirmant que 97% de la population burkinabè était convaincu que les juges ne sont que des employés nommés par le gouvernement et chargés, comme tous les fonctionnaires, d’exécuter les ordres et instructions du même gouvernement. Et certains ministres ont convaincu plus d’un qu’il en était ainsi, lorsqu’ils parlaient de "juges acquis".

Si fait qu’a mon avis, même si les propos du ministre vous paraissent incongrus, ils ont eu le mérite de contribuer à apaiser, un temps soit peu, les velléités de certaines personnes à EXIGER des comptes. Car depuis l’insurrection, le burkinabè se sent en droit de demander que l’on justifie toute décision ou attitude. Et le ministre l’a fait, en jouant sur la corde sensible : que celui que le commun des burkinabè croit être "le patron des juges" dise que lui-même n’est pas forcément d’avis avec les décisions prises, mais que ses prérogatives ne lui permettent pas de changer quoi que ce soit dans lesdites décisions, que pouvait-on trouver de plus fort en termes de communication ? C’est ce qui explique, à mon avis, le faible engouement pour le sit-in organisé devant le Palais de Justice de Ouagadougou. C’est ce qui explique l’accalmie que l’on a constaté dans la presse, pour l’instant.

M. Bagoro a beau être un magistrat chevronné, ne perdons pas de vue qu’il occupe aujourd’hui une fonction politique. Et comme toutes les personnes dans cette position, il est amené à trouver le juste milieu entre le tolérable et la limite à ne pas dépasser, l’essentiel étant de préserver la cohésion d’ensemble. Et à ce propos, un illustre disparu, qui a fortement influencé l’histoire et la politique sous-régionale disait : "entre le désordre et l’injustice, je choisis l’injustice" (FHB). Car justifiait-il, l’injustice peut être réparée, mais du désordre on en perd le contrôle. Si comme je le pense, M. Bagoro, magistrat chevronné, a choisi la voie qui a été la sienne, il s’est certainement inspiré de ce grand Monsieur. Ce qui n’altère en rien la qualité de votre mise au point, car ces politiques et politiciens doivent être surveillé comme de l’huile sur le feu. D’ailleurs vous l’avez très bien écrit, "Le dire relève d’une banale contribution à l’œuvre de construction d’une justice saine et démocratique débarrassée de tous les carcans partisans et autres entraves innommables". Pas si banale que ça...


LeFaso.net
LeFaso.net © 2003-2023 LeFaso.net ne saurait être tenu responsable des contenus "articles" provenant des sites externes partenaires.
Droits de reproduction et de diffusion réservés