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BTI Africa Sun – BICIAB : Un partenariat pour résoudre les problèmes énergétiques

8 mars 2016, 17:23, par Sidpawalemdé Sebgo

Lettre ouverte au Ministre des mines et de l’énergie à propos du financement des équipements solaires.

Le Mardi 02 Février 2016, le tout nouveau ministre des mines et de l’énergie, M. Alpha Oumar Dissa rencontrait les établissements financiers. L’ordre du jour portait sur la mise en place d’une ligne de crédit au niveau des banques pour permettre aux ménages et aux PME/PMI de s’équiper en installations solaires photovoltaïques.

Avec un effort de réduction du taux d’intérêt par les banques ainsi qu’une bonification de ce même taux par l’Etat, le nouvel exécutif annonçait vouloir atteindre trois objectifs : Premièrement, rendre les ménages et entreprises moins sensibles aux délestages, tout en réduisant leur facture d’électricité ; deuxièmement, réduire la pression de la demande en énergie au niveau de la SONABEL aux périodes de pointe, et ce faisant réduire voir supprimer le besoin de délestages ; troisièmement, promouvoir et faciliter la vulgarisation de l’énergie solaire au Burkina Faso.

Tous ceux qui s’intéressent à la problématique de l’énergie en général et à celle de son déficit au Burkina ont alors tous applaudit à cette initiative qui se voulait une rupture avec les politiques de saupoudrage et de grands projets couteux et inefficaces. Car il est bien connu que partout ailleurs ou le solaire a connu un décollage notable, c’est quand les aspects financier et économique ont étés pris en compte, avec ou sans l’intervention de l’Etat. L’obstacle financier, c’est la somme élevée que doit dépenser le ménage ou l’entreprise pour s’équiper en solaire. Le problème économique, c’est que le coût de revient du kWh d’énergie solaire, du fait du cout des équipements valait une fois et demie, voir deux ou trois fois le tarif de la SONABEL, ce qui en faisait une « énergie de luxe », qui ne se justifie alors que dans certains cas. L’initiative du gouvernement semblait donc prendre en compte ces deux entraves et donner le départ d’une nouvelle ère pour le solaire au Burkina. Hélas…

Exactement un mois plus tard, le Mardi 1er Mars dernier, a eu lieu la première annonce concrète de ce programme ambitieux, annonce qui a constitué une douche froide pour les observateurs du milieu de l’énergie. En effet, la société BTI-Africa Sun et la BICIAB signaient une convention par laquelle cette société offrait ses services dans l’installation de kits solaires aux clients de la BICIAB, celle-ci leur consentant un financement préférentiel au taux allégé de 4%. Sachant que les taux de crédit sont aux alentours de 10% pour les prêts ordinaires et d’environs 5 à 7% pour les prêts immobiliers, on peut apprécier l’effort consenti.

La question qui se pose est celle de savoir pourquoi consentir ainsi un monopole de fait à une société en particulier ? Car ce faisant, tout client de la BICIAB qui souhaite bénéficier de ce programme n’a pas d’autre choix que de se fournir chez BTI-Africa Sun, à leurs conditions exclusives. Cette société est donc libre de fixer ses tarifs, et le client n’a pas la possibilité de faire jouer la concurrence même s’il trouver un autre fournisseur plus rapide, plus performant et/ou moins cher. Il est connu qu’en position dominante ou de monopole, un opérateur économique n’a pas tendance à baisser ses tarifs bien au contraire. Ainsi, des deux obstacles identifiés que cette initiative devait aider à surmonter, l’une va demeurer, celle du cout de revient du kWh solaire, du fait des tarifs d’acquisition de l’équipement.

En dehors même de la problématique de résorber le déficit énergétique au Burkina Faso et de permettre le développement économique par la disponibilité permanente de l’électricité, cette façon de procéder pose plusieurs problèmes en termes de saine concurrence et d’égalité des chances des opérateurs économiques, ainsi que de l’égalité de chances des citoyens.

1°) Elle ne permet pas au consommateur un choix libre parmi plusieurs offres, et établi de fait un oligopole du solaire au Burkina, constitué des rares entreprises qui pourront signer des conventions du même type avec les quelques banques du Burkina. Sachant que pas plus de huit banques (UBA, ECOBANK, CORIS, BOA, BICIAB, BCB, SGBB, RCPB ) se partagent plus de 80% du marché bancaire au Faso, le compte est vite fait. Il y aura donc avec cette façon de faire au maximum dix entreprises du solaire (l’une pouvant signer avec plusieurs banques) qui vont se partager ce marché. Et comme en petit nombre et sans véritable concurrence entre eux il est tentant et facile de s’entendre sur les prix, il y a peu de chances que le cout des installations baisse. Cela va limiter la diffusion du solaire au Burkina.

2°) Les entrepreneurs du domaine qui n’auront pas la surface financière et logistique pour obtenir une de ces conventions avec une banque seront appelés à disparaitre, même s’ils offrent des prestations de qualité et des prix plus abordables, ce qui est un non sens économique et une négation de la liberté d’entreprise. Pire, il sera impossible à de nouveaux opérateurs de s’installer dans ce domaine, quelle que soient leurs qualités.

3°) Elle oblige le consommateur à « choisir » une et une seule offre, ce qui est une entorse à sa liberté élémentaire. En dehors des monopoles d’Etat qu’ont l’ONEA, la SONABEL et la SONHABY, nous assistons donc à la naissance de « monopoles privés », offerts par des privés à des privés, qui si l’Etat ne réagit pas vont se développer au détriment des consommateurs. C’est déjà le cas de certaines offres de logements sociaux, qui vous obligent à être client de telle banque pour y accéder. A ce rythme, toute banque pourra passer des conventions avec un livreur de riz, de sucre, et j’en passe, pour livrer exclusivement ses clients. Si dans les exemples du riz et du sucre le client peut refuser cette offre et aller ailleurs, ce n’est pas le cas de l’équipement solaire ou du logement social. On se rappelle il ya quelques temps le cas d’une banque qui a prélevé ses clients pour les abonner à une assurance sans leur consentement et sans même les en informer.

En définitive donc, cette initiative du gouvernement qui se voulait une démocratisation de l’énergie solaire est en train de se transformer en institution de monopoles qui vont au contraire entraver cette diffusion. Les rumeurs de concession de monopoles à des opérateurs économiques que le ministère du commerce s’est vu obligé de démentir vient en partie de ces pratiques courantes sous l’ancien régime mais dont certains ont du mal à se départir.

Pour en revenir à la vulgarisation du solaire dans les ménages et PME/PMI au Burkina, le rôle de l’état dans ce programme, en dehors de la bonification des taux d’intérêts, pourrait consister à l’octroi d’un agrément qui qualifie les opérateurs pour offrir leurs services aux clients des banques, elles mêmes aussi devant se qualifier par une offre agréée par l’état pour bénéficier de la bonification de taux d’intérêt. Chaque banque tiendrait ainsi à jour la liste des opérateurs agréés auprès desquels ses clients seraient libres d’aller choisir leur offre et présenter la facture à la banque pour le montage du dossier. Une telle structuration entretiendrait une saine concurrence à même de faire baisser les prix, tout en incitant les opérateurs à se formaliser et à être performants. Quand à la convention signée par BTI-Africa Sun Burkina et la BICIAB, elle constitue une entorse à la libre concurrence et à ce titre doit être dénoncée par les services compétents de l’état, les autres opérateurs du solaire et les clients de la BICAB. Ceci est un appel pressant lancé au ministre Dissa et à ses services, avant que nous soyons inondés d’annonces de signatures de conventions du même genre.

Sidpawalemdé Sebgo
sidpalwalemde.sebgo@yahoo.fr


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