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yalbal

15 février 2016, 21:27, par yalbal

Merci pour cette interview qui annonce de rafraichissantes couleurs au Mena. C’est un ministère central dans la construction d’une nouvelle société, celle du "changement" et de la progression vers cet état de droit, souverain, confiant, autosuffisant et résolument libre. Un état qui se donne les moyens de donner à ses enfants et jeunes citoyens l’éducation et la formation nécessaires aussi bien à leur propre développement qu’à l’édification même de cette société nouvelle.
C’est peu dire que, outre sa qualité qui n’a de cesse de baisser et son accès toujours problématique pour de nombreux enfants, l’école au Burkina est complètement en déphasage avec les réalités locales. L’essentiel des arts et métiers qui font vivre de nombreux jeunes et moins jeunes burkinabé est presque totalement absent des cursus scolaires et formatifs. Exclus ainsi des savoirs et techniques formels et relégués au statut d’activités informelles ! Le chômage et le sous-emploi sont en partie dus au manque de formation et de qualifications adéquats, faisant du long parcours scolaire (CP==>Université) un étroit chemin élitiste réservé à quelques chanceux. Le manque (quantitatif et qualitatif) de techniciens, de praticiens et de professionnels qualifiés dans pratiquement tous les domaines d’activité du Burkina est une réalité qui rend le système éducatif actuel finalement très couteux, inefficace et inéquitable.
"Faire en sorte que notre système éducatif ne soit plus une longue montée d’escaliers vers un point perçu à tort d’ailleurs comme un sommet (l’accès à l’université), en oubliant toutes les autres possibilités que nous avons trop peu envisagées jusque-là", c’est une belle gageure M. le Ministre ! Mais l’intention est déjà louable.
Et pour espérer gagner le pari, le Mena pourrait ajouter à sa dynamique actuelle, une profonde réflexion sur l’éducation et passer en revue ses fondements, ses finalités et ses modalités en bonne intelligence avec l’évolution socio-culturelle et économique actuelle du pays, de la région et du monde. A savoir projeter à mi-mandat des états-généraux de l’éducation, de la formation et de l’instruction publique du Burkina. Ces états généraux pourrait contribuer à impulser un système éducatif nouveau en mettant non seulement l’accent sur les besoins de compétences et des circuits/parcours de formation court-moyen qui puissent former les ingénieurs, les entrepreneurs, les artisans et les agriculteurs dont le pays a quotidiennement besoin… mais aussi sur la formation des enseignants et des formateurs. C’est assurément un vaste chantier et le mérite revient aux autorités actuelles de l’envisager… car il est vrai que les pays, en Occident notamment qui souffrent moins du chômage sont ceux qui ont créé et promu des formations courtes et moyennes avec d’abord un maillage intelligent d’écoles d’art et de métier ; des écoles polytechniques et des hautes écoles spécialisés qui font que la plupart des jeunes n’ont pas besoin de décrocher le bac pour aller à l’université, tant les alternatives et offres de formations techniques et professionnalisantes sont disponibles/accessibles.
C’est le cas par exemple de la Suisse où le taux de chômage des jeunes est plus bas que celui de ses voisins européens. Moins de 30% de la population suisse a fait des études supérieures. Pourtant c’est un des pays les plus prospères (malgré ses grandes inégalités) ce qui veut dire que la grande partie de son économie est réalisée par ses PME et entreprises micro et individuelles. Ce qui n’aurait jamais été possible sans son système de formation offrant plusieurs alternatives pour les jeunes qui, pour une raison ou une autre, ne peuvent ni ne veulent accéder à l’université par le bais de l’enseignement général classique. Et c’est un exemple probablement intéressant à questionner. Il y a un réel intérêt à penser l’éducation nationale à partir des réalités économiques locales car la grande partie de l’économie est le fait de petites, moyennes et micro entreprises dont la densité et la qualité du maillage territorial sont des signes/gages locaux d’une bonne santé socio-économique. Certes on ne saurait réduire l’éducation à son rôle fonctionnel de reproduction de la société et de formation des jeunes pour l’emploi, mais on ne saurait non plus la figer dans une abstraction pure coupée des réalités socio-culturelles et économiques locales. Il y a donc cet équilibre à trouver/négocier entre l’éducation pour l’éducation en soi et l’éducation pour la formation des compétences à la mise en œuvre d’un projet de société qui ambitionne de «  bâtir avec le peuple un Burkina Faso de démocratie, de progrès économique et social, de liberté et de justice ».
Même si, comme dirait l’autre, on attend de voir !, on ne peut qu’applaudir la volonté déclarée du gouvernement de « faire une place prépondérante (la plus importante) à la formation des compétences, en accord avec les besoins de l’économie nationale, régionale et internationale ». Et comme le dit le ministre, il n’y a de meilleur enseignement que l’exemple… Bon vent !


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