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A propos de l’auteur du discours du 15 octobre 1987 : Etienne Traoré répond à Valère Somé

6 octobre 2015, 17:34, par ouedassi

Extrait d’une interview (de Valère SOME) que nous vous proposons a eu lieu le vendredi 29 juin à son bureau à l’institut des sciences des sociétés (INSS) :.... Mountaga Tall a été ahuri de constater qu’apparemment il n’y avait rien de grave entre Blaise et moi et que nous étions des vieux amis qui s’étaient retrouvés. A la fin, Blaise m’a proposé de prendre la température du pays, parce que je venais d’arriver et il a dit à Roch de mettre une voiture et un chauffeur à ma disposition. Et le lendemain je suis allé dans mon village et à mon retour, j’ai pu avoir un tête-à-tête avec Blaise. J’étais sur le point de repartir en France.
Comment s’est faite cette deuxième rencontre ? Est-ce lui qui est venu vous voir ?
Il m’a fait appeler, je suis allé chez lui, à sa résidence d’alors, derrière l’Assemblée Nationale. Une fois à deux, j’ai dit à Blaise que j’estimais que ce pays était bloqué et qu’il ne pouvait plus faire un pas en avant sans la réconciliation. Alors, je lui ai proposé de prendre l’initiative pendant qu’il était temps, parce qu’il n’était soumis à aucune pression, d’engager un processus de réconciliation nationale. En faisant un discours à la Nation et où il allait demander pardon au peuple, au nom de tous les régimes et leurs présidents qui l’ont précédé, selon le principe de la continuité de l’Etat. Il devait demander aux Burkinabè de se réconcilier avec eux-mêmes, il devait décréter une journée de réconciliation nationale, demander à toutes les communautés religieuses de faire des prières. Je lui ai dit que Thomas Sankara a été élevé par ses soins, au rang de héros national. Et que je trouvais que la tombe qui lui a été réservé à Dagnöen n’est pas la digne d’un héros. J’ai suggéré à Blaise Compaoré d’ériger un monument particulier au héros national qu’est Thomas Sankara. Sous la Révolution comme sous le Front populaire, il y a eu des exécutions, des gens ont été enterrés en cachette.

Qu’on fasse les recherches, pour trouver les corps de ces victimes pour les rendre à leurs familles auxquelles on les moyens nécessaires pour faire leurs funérailles. Qu’on érige un monument des martyrs en l’honneur de toutes ces victimes des régimes d’exception. J’ai proposé que l’on débaptise la Place de la Révolution pour la rebaptiser « Place de la concorde », comme en France, ou « Place de la réconciliation nationale », etc. C’étaient mes conditions pour ma rentrée au pays et une éventuelle collaboration avec Blaise Compaoré. Il s’est retourné, m’a regardé, et sans aucune hésitation, m’a dit : « D’accord, vas prendre ta famille et viens nous allons faire ce que tu préconise ». Où est donc le pacte, médisants que vous êtes ! Alors, je suis allé prendre ma famille, et je suis rentré. Mon retour a été pris en charge par l’Etat burkinabè. Roch qui était l’intermédiaire, en tant que ministre d’Etat, m’a envoyé de l’argent pour que je puisse m’acquitter des frais occasionnés par mon retour. Et quand je suis rentré, je n’ai jamais occulté ce fait. Et les camarades de mon parti ont été les premiers à être informé de ce fait.

Les méchantes langues disent qu’on m’a donné beaucoup d’argent ! J’ai eu l’occasion de répondre à cette calomnie mensongère lors de mon passage à Impact TV. C’est tout juste mon transport pour le retour qui a été pris en charge. Quand je suis rentré, Blaise m’a reçu, il a choisi Simon Compaoré et Salif Diallo avec lesquels je devais travailler pour mettre en marche ce processus la réconciliation nationale. Nous avons eu deux séances de travail à la Caisse générale de péréquation dont Simon Compaoré était le directeur général à l’époque.
C’est cet accord entre Blaise et moi qui a motivé ma rentrée et c’est cela que vous appelez « pacte », comme s’il s’agissait d’un pacte occulte, satanique ou malhonnête. C’est un pacte clair et net. Pendant que nous étions en train de travailler pour mettre le dossier en marche, une circonstance s’est produite. L’auto dissolution de la CNPP- PSD (ndlr, Convention….) du radical Pierre Tapsoba dans l’ODP/MT (ndlr, Organisation démocratique populaire- Mouvement du travail), par l’entremise de Marc Yao et Yé Bognessan. Ce qui a donné naissance au CDP.

Désormais, avec ce méga parti, Blaise s’est cru pouvoir se passer de la réconciliation nationale telle que je l’avais préconisée Et lui et ses acolytes m’ont tourné le dos. Plus de contact. Terminé ! Ils m’ont trahi. Ils ont dénoncé notre accord. Je me trouvai ainsi piégé. C’est à partir de là que je tournais en rond comme un lion en cage. J’ai eu des déboires et à l’époque on a dit que je m’adonnais à l’alcool et bien d’autres choses malveillantes à mon sujet. A cela aussi, j’ai eu à répondre sur Canal 3 en disant qu’il y a des gens qui boivent une bière et qui ne supportent pas, et je suis de ceux-là, tandis qu’il y a des gens qui boivent des tonneaux de whisky et qui s’ils baillent sur toi… Bref ! Mais au moins, dans cette négociation pour rentrer, j’ai pu obtenir ma réintégration, ma réhabilitation. Moi et certains camarades, Fidèle Toé notamment, avons pu être, dans cette opération, réhabilités, grade pour grade, et j’ai demandé à être affecté ici à l’INSS pour faire la recherche. Voilà donc les acquis de cette négociation. Puis, ils m’ont oublié pendant un moment. Et patatras ! On commet l’erreur, on assassine Norbert Zongo. Le pays est en effervescence. On n’a jamais vu une crise aussi profonde, qui a secoué le pays. Les voilà qui sortent, mon projet du tiroir et on le remet au collège des sages. Ce n’est pas mon seul dossier qu’on a remis au collège des sages. Il y a le projet de Frédéric Guirma (ndlr, candidat à la présidentielle de 1998) consigné dans un document intitulé « Pour une régénération nationale dans la réconciliation ». Document infecte et abjecte s’il en fut et qui a inspiré les Sages du Collège dans la partie la plus faible de leur Rapport.

Donc, le collège des sages était divisé entre les démocrates qui ont partagé mon projet et les réactionnaires qui ont adhérés aux idées de Frédéric Guirma. D’ailleurs lorsque le rapport a été publié, je l’ai apprécié positivement, tout en dénonçant également les aspects négatifs portant la marque de Frédéric Guirma. Et comble de l’ironie, lors de la tenue de leur Journée de réconciliation nationale, je n’ai même pas été invité. J’ai suivi les cérémonies, assis chez moi devant la télé. Voilà la trahison de Blaise Compaoré, voilà la trahison de son équipe vis-à-vis de moi. Mon retour de mon exil s’est fait de façon transparente. Quand je l’affirme, on a vite fait de crier à la vantardise. Mais observant le silence, on m’accuse d’avoir fait un pacte obscur, un pacte sordide ! Je le dis aujourd’hui, haut et fort. Je n’ai pas à observer une fausse modestie. Mais c’est la simple et pure vérité. Si l’on pense que c’est faux, que quelqu’un ose me contredire. Voilà pour ce qui est de votre pacte diabolique !
Propos recueillis par Lassina Fabrice SANOU Le Quotidien


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