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Les enseignats boucs émissaires ?

5 septembre 2015, 17:00, par An ka donni fo

Rien ne peut justifier la pratique que Mme Bénao pointe du doigt. Mais comme le disent certains, le secteur de l’éducation est gangrené. Déjà les politiques volontaristes, populistes, ou tout simplement imposées par les institutions financières internationales, ne prennent pas en compte les enseignants et la pénibilité de leur travail. Par exemple, les effectifs qui explosent, le manque de formation continue (les conférences pédagogiques au primaire ne sont que saupoudrage ; au secondaire, cette notion a foutu le camp depuis belle lurette), et la dernière trouvaille, ce fameux continium dont personne n’y comprend rien !
Bref, les enseignants sont confrontés à une réalité que tous feignent d’ignorer : la valeur des hommes et des femmes au Faso, depuis une trentaine d’années, se détermine qu’à partir de leur pouvoir économique et non de leurs capacités ou moralité. Il ne faut pas croire que l’école peut changer la société si la société elle-même ne voit pas en elle le moule qui formera des hommes de qualité.
Deux exemples viennent illustrer mes propos :
1. au procès de M. Giro, ex-DG des douanes, son syndicat l’a soutenu bec et ongles (son SG a même proféré des menaces contre les parties civiles) au motifs que les cadeaux faits au prévenu étaient normaux, au vu des fonctions occupées par ce dernier. Bel exemple de solidarité. Le tribunal semble l’avoir entendu, si l’on considère que les fruits de ces "cadeaux" n’ont pas été entièrement confisqués ! (Pas le procureur général qui a interjeté appel.)
2. Le fameux fonds commun servi aux agents des régies financières, qui va jusqu’au triple du salaire annuel. cependant, un enseignant est contraint à contracter un prêt de deux ans pour avoir en main l’équivalent de son salaire annuel ! Pourtant les agents du MEF sont engagés et déjà payés pour le recouvrement des taxes et impôts...
Vous voyez donc pourquoi la plupart de ceux qui réclament l’élargissement de ce fonds à tous les fonctionnaire sont des enseignants. Et là encore, ils sont taxés de jaloux et d’aigris. On va même jusqu’à dire qu’ils sont enseignants parce qu’ils sont médiocres. Sinon, ils auraient passé et réussi le concours de l’ENAREF !
Pour me résumer, l’école burkinabè et ses enseignants sont à la mesure de la société. Dans tous les secteurs de l’administration, les agents se prévalent d’"avantages" liés à leurs fonctions. Même si ceux-ci relèvent de l’injustice la plus criarde, il s’en trouve des individus et des structures pour les défendre. A preuve, il n’y a aucun syndicat (pas même des secteurs privés ou des agriculteurs, éleveurs ou orpailleurs qui sont les premiers producteurs de richesses de nitre pays ) qui s’élève contre le fonds commun, cette véritable flibusterie contre le Trésor public national !
En clair, les enseignants, parce qu’ils sont en charge directe de l’avenir à travers les enfants et adolescents qu’ils doivent former et éduquer, sont blâmables pour leurs actes. Mais il faut aussi que lorsqu’ils vont à l’hôpital ou au tribunal, à la mairie ou service des Domaines, au commissariat, chez l’agronome ou le vétérinaire, ils n’aient pas à débourser des dessous de table. Il faut que le regard des gens change à leur endroit, parce d’ordinaire, ce sont les meilleurs élèves qui sont devenus enseignants. Mais, aujourd’hui, demandez à un élève s’il veut devenir plus tard maître. Vous n’en trouverez aucun, même parmi les enfants d’enseignants. Parce que ce métier est synonyme de misère. Mais tous veulent devenir douanier, médecin, militaire, policier, financier parce qu’il s’agit de métiers valorisants : les revenus licites et illicites qu’on en tire - et les enfants le savent - y sont pour quelque chose.
Maintenant, les enseignants comprennent pourquoi ils souffrent tant quand d’autres ont des primes de rendement de 300% de leur salaire annuel. Et ils tentent, à leur niveau modeste, de les ressembler !
Si l’on veut mettre fin à la pratique de revente des places dans les établissements d’enseignement, il faut AUSSI tenir compte du contexte général. En plus du blâme nécessaire infligé aux enseignants.


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