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Ode au Burkina Faso, « la patrie des Hommes dignes et intègres » : Nous sommes un peuple obsédé par la dignité !

4 août 2015, 16:39, par Lettre d’outre tombe de Tom Sank

Mon amitié indéfectible qui trahissait cette naïveté romantique que tu admirais tant mais que tu détestais tant aussi, paradoxalement, te faisait souffrir. Les paradoxes, les contradictions et les nuances qui ont tant troublé ta personnalité t’empêchaient de me regarder les yeux dans les yeux. Je te vois encore baisser tes yeux à chaque fois que nos regards se croisaient furtivement. Je savais combien ma présence t’était devenue insupportable. Toi, petite personnalité qui ne pensait et pansait le comble de ce vide psychologique atavique que dans la méchanceté, la jalousie et la violence. Je te vois encore, avec ce sourire criminel sciemment « retravaillé » pour dissiper les doutes qu’entretenait mon entourage sur la sincérité de ton amitié. Tu n’y as pas réussi. Mais je ne pouvais faire comme toi. Je ne voulais pas. Je ne pouvais pas. Les contraires s’attirent dit l’adage, c’est vrai ! Tout nous opposait. Tu étais cynique, j’étais romantique. Tu étais faux, j’étais véridique. Tu étais sournois, aimais le luxe et ses incontournables « luxures », pardon !. J’étais entier, direct, sobre, très peu porté sur les mondanités. Tu rêvais de soirées de gala arrosées dans les cours d’un palais monstrueux. Je préférais le marathon populaire du samedi matin. Tu n’appréciais guère que j’eusse versé au Trésor public l’ensemble des cadeaux reçus de mes pairs. Comment aurais-je pu condamner le vol de nos deniers publics et dérober moi-même les biens reçus au nom du peuple qui m’a mandaté pour le représenter ? Si je pouvais encore supporter cette contradiction interne sans m’étouffer d’indignité, sans doute serais-je encore en vie, en ta compagnie, quelque part dans un champ du Faso, pour honorer notre promesse de « consommer local », employés par nos épouses à qui notre révolution avait rendu justice en en faisant légalement des propriétaires terriens au même titre que les hommes. Tu me disais alors qu’on va faire des « mécontents » avec les chefs traditionnels qui n’apprécieraient guère qu’on remettre en cause un héritage séculier pompeusement baptisé tradition, comme s’il en existait de figée, de fixe et de définitive.. Outre tombe, j’ai entendu tes explications auprès de ces « Naba » que tu disais vouloir réhabiliter pour « corriger » les dérives de notre révolution. Ta supposée maturité, même pleine de calculs cyniques était portant appréciable. De là où je me trouve, j’avais applaudi en toute sincérité le Machiavel qui dormait en toi et que tu avais su réveiller avec dextérité. Tu mesures ma naïveté. Je ne sais pas te détester, cela m’aurait rendu nihiliste en appréciant ton œuvre, durant toutes ces années de gestion solitaire du pouvoir, en mon absence. Notre « ami » et voisin de pallier au Paradis, Senen Andriamirado peut en témoigner. Lui qui me demanda un jour si je ne craignais pas un coup venant de toi. Te souviens-tu de ma réponse ? Je lui disais que je ne pourrai jamais prévenir un coup venant de toi, c’est comme si je voulais éviter me donner à moi-même un coup, car tu es mon alter ego ; si Sankara devait partir, Blaise sera là, lui disais-je, donc la révolution des hommes intègres sera sauve. Cher ami, Tu as rompu le pacte en te laissant griser par la petite gloriole. Celle d’avoir vaincu ton meilleur ami, tué « dans un bête accident » comme tu disais avec regret. J’ai entendu ton mea-culpa, durant le transfert « éhonté » de mon cadavre au cimetière par tes croquemorts qui savaient goûter au plaisir de ta satisfaction de me savoir « caché », quelque part, même mort, pour ne point mériter l’hommage posthume de mes sympathisants. J’ai failli me relever pour t’en dissuader, mais comme Mao nous enseignait dans ses manuscrits à peine lisibles que nous « buvions » ensemble dans le retrait de nos casernes lugubres : « L’histoire fera son chemin à notre insu ». Depuis lors, des dizaines de jeunes africains qui n’ont pas vécu notre histoire apprennent « mon » histoire à travers leurs parents qui m’ont fait l’honneur d’être parrain de leurs enfants, sans m’avoir jamais rencontré. C’est la leçon de l’histoire de Mao : les honneurs me trouvent dans ma tombe depuis ce fameux 15 octobre. Et tu creuses la tienne sur les décombres de ton déshonneur, ce 31 octobre. Je devine tes premiers mots à notre prochaine rencontre : « Tout cela en valait-il la peine ? ». Je te répondrai avec mon sourire éternel et sincère : « Non ! Mais…. tout nous opposait ! Et pourtant, on était des amis ».


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