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Crimes économiques : Ousmane Guiro condamné à deux ans de prison avec sursis

22 juin 2015, 17:30, par Sidpawalemdé Sebgo

Je suis aussi déçu que tous les internautes car on espérait que ce procès serait un exemple de "plus rien ne sera comme avant". Hélas...
D’une part on a l’impression que l’argument de "j’ai pris l’argent oui, mais je n’avais pas demandé" est légitimé par notre justice, et d’autre part le message négatif lancé par le verdict de ce procès est "servez vous du système pour vous enrichir, vous ne serez pas sanctionné".

Mais qui a suivi le procès comme moi n’est pas étonné par cette conclusion. En effet, à aucun moment, le ministère public n’a essayé de montrer la corruption. Comme ont dit les avocats de Guiro, s’il y a corrompu, c’est qu’il y a corrupteur. Or malgré les dizaines d’enveloppes avec les noms de ceux qui ont fait des "cadeaux" à l’ex-DG, le ministère public n’a convoqué personne devant le tribunal. Les enquêtes, qui auraient du chercher à savoir si parmi ces "bienfaiteurs" du DG, quelqu’un n’avait pas bénéficié d’un quelconque avantage indu en douane n’ont pas été faites, en tout cas on n’en a pas parlé. Or, jusqu’à preuve du contraire, en justice, ce n’est pas à l’accusé de démontrer son innocence mais à l’accusation de montrer sa culpabilité.

La question des "avantages légaux" des douaniers et d’autres corps de métiers mettent les gens mal à l’aise. Connaissant la pauvreté généralisée de la population, les intéressés n’aiment pas qu’on rappelle qu’ils gagnent des grosses sommes des caisses de ce même état qu’on dit pauvre. Faites au départ pour motiver les agents qui font entrer de l’argent, ces "fonds communs" et autres primes sont devenus des "deals" dont les montants et le nombre varie au gré de qui est ministre ou DG et veut gratifier qui. Ainsi, des fonctionnaires niveau CEPE gagnent des millions, soit plusieurs fois leur salaire annuel dans ces "13ème mois" et autres "primes de rendement". Que cela soit consistant pour un DG douanes ne devrait étonner personne, sauf que les gens le découvrent avec surprise. Les juges étaient donc obligés d’admettre qu’une partie de l’argent au moins appartenait légalement à l’ex-DG.

Enfin, la pratique des "salutations" des responsables avec des enveloppes est tellement généralisée que si on voulait condamner Guiro pour cela, il faudrait démettre et juger la quasi-totalité des directeurs généraux, régionaux et provinciaux de tous les services, même si les successeurs de Guiro disent ne pas être au courant. Il n’est un secret pour personne de la fonction publique que cette pratique est courante généralement dans tous les services ou il y a sortie sur le terrain, recettes ou saisies. L’agent "salue" le chef pour qu’on ne l’oublie pas dans les missions et affectations, et chaque chef "salue" son chef à son tour. Ailleurs on parle de "soutien en carburant" ou de "contribution au fonctionnement de la DR". Dans tous les cas cela n’est jamais officiel et se fait en liquide ou bons d’essence, sans oublier les petites attentions en nature, et les salutations pour les évènements sociaux. La difficulté juridique ici est de qualifier cela de corruption. Chacun d’entre nous a déjà reçu de l’argent à l’occasion d’un baptême ou d’un décès, alors sommes nous tous corrompu ? La différence, c’est qu’on nous salue avec des billets de mille, mais qu’un DG douane ou un ministre est "salué" de façon plus consistante. On se rappelle d’ailleurs des frasques du fils d’un ministre qui dilapidait l’argent pris dans la maison familiale. Le ministre en question avait expliqué que c’était l’argent récolté à l’occasion d’un décès qu’il gardait dans une valise dans sa chambre, des millions s’il vous plait.

Voila en résumé les raisons de ce verdict : Guiro n’a pas pu être reconnu coupable de corruption, on a juste estimé qu’il n’était pas normal qu’il reçoive de l’argent chaque mois de ses subordonnés et c’est cet argent qui est confisqué, le reste étant supposé lui appartenir et ayant été acquis légalement. L’infraction à la loi sur la détention de liquidité et de devises seules justifient l’amende de dix millions.

Cela signifie que même si l’état fait appel, cela ne servira à rien car l’appel ne juge pas le fond mais la forme, et ici le droit, malheureusement, a été dit. Il aurait fallu que le ministère public fasse tout pour montrer le relation entre le don d’argent et des services rendus, (même un seul !) montrant la corruption. Cela n’ayant pas été fait, Guiro a gagné son procès. Il peut même faire appel pour réduire sa peine de prison avec sursis !

PS : Internaute 18  : Prison avec sursis est le contraire de prison ferme. "Ferme" tu va directement en prison, "avec sursis", si jamais tu commets un autre délit, on ajoute cette peine à la prochaine, mais sinon tu es en liberté. "Prison ferme avec sursis" n’est donc pas une bonne formule car contradictoire.


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