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Dossier Thomas Sankara : « La réouverture du dossier tient en un seul acte, c’est l’ordre de poursuite. C’est tout ! », dixit Me Ambroise Farama, avocat de la famille Sankara.

20 mars 2015, 13:28, par guingraogo

Un tribunal, fut-il civil ou militaire, peut-il juger un coup d’État ? Comment le juge militaire va-t-il s’y prendre pour juger des faits commis au cours d’un coup d’état ? C’est l’État qu’il faut juger. C’est au-delà des compétences d’un tribunal militaire. Le tribunal militaire ne peut rien décider sur le crime, sans au préalable se prononcer sur le coup d’État. En a-t-il les compétences ? C’est bien parce qu’il y a eu coup d’État (la cause), que ces crimes ont été commis (les effets). Comment prendre une décision sur les effets sans se prononcer sur la cause ?
C’est une affaire très complexe. Imaginons un instant qu’en ce 15 octobre 1987, ce fut Thomas SANKARA et ses hommes qui eurent été vainqueurs et que ce fut Blaise et sa suite qui eurent été vaincus et tués. Comment pensez-vous pouvoir juger SANKARA le vainqueur ? Il faut avoir du bon sens : quand il y a une querelle de succession à la tête de l’État, le vainqueur est légitimé et le perdant a définitivement perdu. C’est une bataille qu’il ne faut pas démarrer quand on n’est pas sûr de gagner.
Les autorités de la transition se sont subitement rendu compte de la complexité du dossier, voilà pourquoi leur rétropédalage. Ce dossier peut déstabiliser le Burkina Faso si on s’obstine dessus.
Trop s’acharner sur ce dossier, c’est comme laisser transparaître un désir de vengeance. N’oublions pas qu’il y a eu des morts sous SANKARA, et les familles de ces victimes ne disent rien. Les veuves et orphelins du Commandant Nézien Badinbié, de Didier Nobila Tiendrébéogo, du Colonel Somé Yorian Gabriel, du Commandant Fidèle Guébré, du Commandant Hamidou Sawadogo et de l’homme d’affaires Valentin Kinda qui ont été tué sous Thomas SANKARA pouvaient être intransigeant comme le font la famille SANKARA et ses avocats. Mais pourquoi ne le font-ils pas. Ce n’est pas parce que leurs ayants-droits ne les aiment pas. A un moment donné, ils ont compris qu’il faut toujours savoir pardonner et remettre tout à Dieu. C’est lui le seul juge et c’est son jugement qu’il faut craindre et non celui des hommes. D’ailleurs, excepté Salomon, aucun homme n’a jamais rendu justice qui ait plu à Dieu. Sans oublier que le procès pour rendre justice à Thomas SANKARA peut être l’occasion de révéler au monde et surtout au plus jeunes que sous le règne de SANKARA il y a eu aussi ces crime politiques pour lesquels on pourrait exiger qu’il soit jugé, ne serait-ce à titre posthume. Et là, ce que vous ne vouliez pas que soit dévoilé le sera. Qui est perdant à ce moment ?
Je pense que pour le bien du Burkina, la famille SANKARA doit pardonner aux bourreaux de SANKARA et ne pas chercher coûte que coûte à se faire justice. Le pardon, c’est le seul sentiment qui nous rapproche le plus de Dieu. Il faut avoir une hauteur de vue et d’esprit pour pardonner. Ce geste d’une grande magnanimité va soulager la veuve SANKARA et ses deux enfants. Refuser de pardonner et vivre perpétuellement dans cette quête de justice humaine, c’est comme vouloir se venger. Ce n’est pas bon. Dans nos traditions, c’est quelque chose à ne pas faire.
A mon humble avis, je pense que la famille SANKARA est utilisée par tous ces thuriféraires à d’autres fins, politique, idéologique, financiers etc. Il ne faut pas qu’elle se laisse prendre dans leurs jeux. Elle doit rester sereine et voir uniquement l’avenir, pas se crisper sur son passé.


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