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Premier ministre Yacouba Zida : « Nous allons œuvrer en toute humilité »

20 novembre 2014, 12:01, par SINI

Il n’est point nécessaire en ce moment de faire l’économie de ce qui vient de se passer dans notre cher Faso. Les historiens, les politologues ou autres experts en la matière sauront tirer les enseignements nécessaires de ces bouleversements, pourquoi pas certains acteurs eux-mêmes pour nous dire exactement leur rôle. L’heure n’est pas au bilan dis-je, mais il n’est pas contre-indiqué de partager nos états d’âme sur les évènements qui se déroulent après l’adoption de la charte de la transition, la désignation du Chef d’état intérimaire et la nomination de son premier ministre. Nous saluons tous la clairvoyance des uns, le patriotisme des autres dans la préservation de ce capital important de paix qui a pu éviter à notre patrie les affres d’une guerre civiles aux conséquences certainement incalculables surtout lorsque nous jetons un coup d’œil sur ce qui se passe en ce moment en Centrafrique.
Un regard circonspect sur la nomination du Lieutenant-Colonel ZIDA me pose de sérieux problèmes au point de penser que la révolution des 30 et 31 octobre 2014 a été confisquée par un groupuscule militarisé tapis dans l’ombre. Et cela me donne un goût d’inachevé. Que la communauté nationale et internationale conviennent d’une transition civile souhaitée par les acteurs eux-mêmes, on vient en définitive de nous imposer une transition civile militarisée. Il a été admis, certes, que la primature pouvait être occupée par un homme en treillis, mais il aurait été intéressant quand même de rester dans l’esprit de la charte en confiant cette tâche à une personnalité civile, l’armée continuant dans son rôle régalien de défense du territoire et des populations. Hélas ! Je me rends compte que l’armée ne veut pas quitter le pouvoir qu’elle occupe en réalité depuis 1966 et franchement cela ne doit pas se poursuivre. La nomination du Lieutenant-Colonel ZIDA me rappelle un scénario à la Poutine, on met un fantoche (excusez-moi le terme) au-devant tout en gardant les réalités du pouvoir. N’ayons pas peur de la dire, l’armée burkinabè a confisqué la révolution des 30 et 31 octobre 2014. Ce scénario était bien préparé d’avance et sauf erreur, l’Ambassadeur KAFANDO a été proposé à la présidence de la transition par l’armée, quoi de plus normal qu’il leur retourne l’ascenseur ou leur dû si vous voulez. Alors avons-nous été bernés ? La réponse n’est pas si évidente, mais il urge dès maintenant que les dispositions sérieuses soient prises pour ramener les militaires dans leurs casernes : on ne peut pas déjeuner avec le diable même avec une cuillère longue, il finira par te happer.
C’est en cela que je reprends en écho les propos tenus par le Professeur LOADA invité du journal télévisé de 20heures de la TNB du 18 novembre 2014 lorsqu’il prône la démilitarisation de la démocratie burkinabè. Cette démilitarisation devrait commencer durant cette transition pour donner l’espoir au peuple d’une véritable démocratie en perspective.
Je suis déçu de ce qui se passe mais en en gardant tout de même un peu d’espoir et en souhaitant vraiment que je puisse me tromper dans mon analyse. Faut-il vraiment penser que ZIDA n’est pas comme les autres, je ne sais pas. En revanche, en suivant sa trajectoire on peut se poser d’autres questions. N’est-il pas un homme du Général Gilbert DIENDERE qui demeure en réalité le patron de l’armée burkinabè en raison de la puissance de feu de son Régiment de Sécurité Présidentielle (RSP). ZIDA n’était pas le plus gradé de notre armée quand on connaît les obligations hiérarchiques de ce corps, il y a des colonels, des colonels major et mêmes des généraux. Malgré cet aéropage de d’officiers supérieurs, le Général DIENDERE nous a imposé un inconnu qui est passé comme une lettre à la poste pour lui permettre de continuer d’imposer sa suprématie sur notre armée et sur notre pays malgré tout ce qui vient de se passer. Tout compte fait, nous sommes en train de faire du Blaise sans Blaise avec le général à la manœuvre. Le Président de la transition dirigera notre pays avec une kalachnikov sur la tempe. Il se contentera d’ébaucher certaines actions sous la conduite du duo DIENDERE – ZIDA sans véritable capacité de mouvement. N’oublions pas que l’une des missions secrètes (je pense) dans ce scénario consistera à nettoyer les écuries de l’ancien régime et de son mentor ainsi que d’éviter ou de réduire les charges susceptibles d’être retenues contre ceux-ci.
Dans toute cette situation, c’est le statut du Régiment de Sécurité Présidentielle (RSP) qui doit être éclaircie. Doit-il survivre à son mentor, à moins de considérer le Général DIENDERE comme le suppléant de celui-ci ? Peut-il garder toujours sa nature de garde prétorienne dans cette nouvelle configuration ? Une seule réponse à ces préoccupations : le RSP doit disparaître.
Si l’on y prend garde dans cette situation de transition civile militarisée, ZIDA ET DIENDERE vont s’atteler au bout des 12 prochains mois à préparer l’élection d’un homme à leur solde pour la perpétuation sous forme déguisée de l’ancien système. Voyez comment ils ont procédé pour imprimer leur marque sur la charte, sur la désignation du président de la transition et même leur volonté manifeste d’associer aux pourparlers les membres de l’ancien régime vomi. Alors, ouvrons l’œil et le bon.
Au terme de cette réflexion, je ne voudrais pas paraître comme un oiseau de mauvais augure dans une situation dans laquelle la grande majorité du peuple semble s’accorder. Je souhaiterais vivement avoir tort, mais ma démarche est une invite à approfondir la réflexion et surtout à prendre des précautions pour éviter certaines surprises déplaisantes. J’ai foi à mon peuple et il ne se laissera pas faire.
Nan laara, an saara dixit feu Le Professeur KI-ZERBO


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