Le Plateau du week-end… : La récurrence des conflits entre éleveurs et agriculteurs
16 août 2014, 15:11, par
Yves SAMSON
D’abord, il faut commencer par résoudre le problème foncier
Le premier point qui s’impose aux hommes politiques est de s’exprimer clairement, officiellement sur leur volonté ou non de considérer l’activité d’élevage comme une nécessité économique et sociale au même titre que l’activité de l’agriculture, ces deux domaines étant placés l’un à côté de l’autre et non face à face avec la même considération. Ce qui revient concrètement à fusionner les deux ministères agriculture et ressources animales en un seul ministère " du développement rural ". Cette réorganisation diminuera les rapports de force politiques entre ministres qui veulent se montrer plus prêt de " sa " population donc meilleur défenseur que l’autre.
Ensuite, il s’agirait de définir clairement ce qui fait force d’autorité dans un pays démocratique. Sachant qu’il ne peut y avoir deux capitaines dans un même bateau, l’Etat doit résoudre cette situation où, au nom de la tradition des palabres, l’autorité coutumière a la première responsabilité du règlement des conflits avant que la loi républicaine ne soit prise en compte. Or chacun sait que l’autorité coutumière s’est globalement auto-détruite par son implication dans la politique et à ce titre a perdu ce qui justifiait autrefois son existence, à savoir l’AUTORITE. On ne peut se dire impartial quand on est marqué par une étiquette d’un camp politique. Au bout du compte, les " arrangements " post-conflits ne sont que de façade et se terminent par la vox populi qui s’exprime à coup de fusils, machettes et autres destructions de biens et de bétail. Contrairement aux propos de Monsieur Dramane, le problème réside entre les peuls et les autres ethnies. La tradition du nomadisme des peuls et par conséquent leur mode de vie à l’écart de la société sédentaire a placé cette population au plus bas de l’échelle sociale. A-t-on vu des conflits sanglants entre agriculteurs et propriétaires de troupeaux non-peuls et ce même si les gardiens des troupeaux sont des peuls ? Conflits avec destructions de maisons, de troupeaux, d’exclusion de villages ? C’est bien un problème ethnique que connait le Burkina comme ailleurs, au Benin et son opération Guépard, en Côte d’Ivoire et les déclarations incendiaires d’un certain ministre assimilant tout peul à coupeur de route, etc
Pourtant il faut noter que dans la sous-région, le Burkina a sans doute l’arsenal législatif le plus complet en ce qui concerne le pastoralisme, l’accès à l’eau, le foncier. Hélas, ce qui semble un bien n’a pas de sens si ces textes ne sont pas républicains et globalement ni connus ni appliqués - quand ils ne sont pas détournés - par les parties concernées.
Ces conditions de base étant réglées, alors il y aura lieu de se déporter sur le terrain. Car oui, c’est un problème de terre qui est posé dans un territoire aux limites définies, pour une population à nourrir de plus en plus importante et dont la consommation de produits carnés se fait de plus en plus forte.
Problème de terre à plusieurs niveaux.
L’accaparement de centaines d’hectares par des politiciens au titre d’opérations de spéculations avec pour conséquence le déguerpissement d’agriculteurs qui cultivaient tant bien que mal ces territoires pour assurer leur propre subsistance.
Accaparement de terres par des agriculteurs profitant de sols bien amendés par le passage des troupeaux, installation abusive sur des zones pastorales déterminées sur le papier mais non identifiées clairement sur le terrain, blocage de couloirs de transhumance comme d’accès aux points d’eau.
Et tracasseries administratives de responsables communaux dans l’attribution officiele de surfaces souhaitées par des éleveurs pour créer des aires fourragères pour leurs troupeaux et garder une partie de leurs bêtes en stabulation libre quand l’autre partie du troupeau continue la transhumance. Si les éleveurs ne peuvent avoir la garantie de pouvoir rester sur un territoire en toute sécurité pendant la saison d’hivernage, il ne faut pas s’étonner que des débordements sur les aires cultivées se produisent à plus forte raison si ces aires cultivées occupent des espaces définis pour les éleveurs. Le problème est cyclique et comme le dit Monsieur Combray : " L’agriculture ne dure que 3 à 4 mois alors que l’élevage se fait sur toute l’année " Quelle mesure peut être proposée par le gouvernement sinon aller au bout de ses démarches de définition et équipement des territoires réservés aux éleveurs, veiller à ce que la loi foncière permette à tous d’acquérir des terres pour exercer son activité soit en bien individuel soit en bien collectif afin de développer des aires fourragères permettant ainsi aux éleveurs de diminuer pour une meilleure rentabilité de leur métier les déplacements de l’ensemble des troupeaux en transhumance ce qui, il faut le répéter est une obligation dans nos pays sahéliens pour garantir la survie des troupeaux en cas de dérèglement climatique. L’année 2014 à ce titre est un fâcheux rappel des années de grande sécheresse qui ont décimé des milliers de tête de bétail .
Commentaire au seul avantage des éleveurs pourront penser certains. Non, car les peuls ont effectivement leur part de responsabilité dans les épreuves qu’ils subissent.
Effectivement ce n’est pas la place d’un enfant à la tête d’un troupeau de plusieurs dizaines de têtes. Cet enfant a sa place à l’école même si la responsabilité d’un troupeau est aussi l’école de la vie. Les parents doivent se professionnaliser dans leur métier d’éleveur et cette professionnalisation passe par la connaissance des textes qui régissent leur activité, textes concernant leur territoire d’attache comme lceux de leur pays d’accueil au cours des transhumances. Et cet apprentissage, si l’on veut qu’il soit efficace doit se faire dans leur langue, le fufulde, sur le terrain à l’occasion des rencontres hebdomadaires des marchés, doit être démultiplié par ceux qui ont reçu le savoir. Cette professionnalisation doit les amener à modifier leur état d’esprit afin qu’ils acceptent l’idée que la richesse n’est pas le nombre de têtes possédées mais la qualité des animaux qu’ils possèdent, qualité en terme de viande comme de production laitière.
Et quand chacun saura quelle est sa place dans la société, quand les politiques cesseront de faire de l’electoralisme auprès d’une partie de la population au détriment d’une autre partie, quand les autorités policières et judiciaires travailleront avec l’éthique qui sied à leur métier, alors les conflits agriculteurs éleveurs ne seront plus que de lointains souvenirs.
Yves SAMSON - Centre de recherche et de formation du pastoralisme - Tabital Pulaaku International.
D’abord, il faut commencer par résoudre le problème foncier
Le premier point qui s’impose aux hommes politiques est de s’exprimer clairement, officiellement sur leur volonté ou non de considérer l’activité d’élevage comme une nécessité économique et sociale au même titre que l’activité de l’agriculture, ces deux domaines étant placés l’un à côté de l’autre et non face à face avec la même considération. Ce qui revient concrètement à fusionner les deux ministères agriculture et ressources animales en un seul ministère " du développement rural ". Cette réorganisation diminuera les rapports de force politiques entre ministres qui veulent se montrer plus prêt de " sa " population donc meilleur défenseur que l’autre.
Ensuite, il s’agirait de définir clairement ce qui fait force d’autorité dans un pays démocratique. Sachant qu’il ne peut y avoir deux capitaines dans un même bateau, l’Etat doit résoudre cette situation où, au nom de la tradition des palabres, l’autorité coutumière a la première responsabilité du règlement des conflits avant que la loi républicaine ne soit prise en compte. Or chacun sait que l’autorité coutumière s’est globalement auto-détruite par son implication dans la politique et à ce titre a perdu ce qui justifiait autrefois son existence, à savoir l’AUTORITE. On ne peut se dire impartial quand on est marqué par une étiquette d’un camp politique. Au bout du compte, les " arrangements " post-conflits ne sont que de façade et se terminent par la vox populi qui s’exprime à coup de fusils, machettes et autres destructions de biens et de bétail. Contrairement aux propos de Monsieur Dramane, le problème réside entre les peuls et les autres ethnies. La tradition du nomadisme des peuls et par conséquent leur mode de vie à l’écart de la société sédentaire a placé cette population au plus bas de l’échelle sociale. A-t-on vu des conflits sanglants entre agriculteurs et propriétaires de troupeaux non-peuls et ce même si les gardiens des troupeaux sont des peuls ? Conflits avec destructions de maisons, de troupeaux, d’exclusion de villages ? C’est bien un problème ethnique que connait le Burkina comme ailleurs, au Benin et son opération Guépard, en Côte d’Ivoire et les déclarations incendiaires d’un certain ministre assimilant tout peul à coupeur de route, etc
Pourtant il faut noter que dans la sous-région, le Burkina a sans doute l’arsenal législatif le plus complet en ce qui concerne le pastoralisme, l’accès à l’eau, le foncier. Hélas, ce qui semble un bien n’a pas de sens si ces textes ne sont pas républicains et globalement ni connus ni appliqués - quand ils ne sont pas détournés - par les parties concernées.
Ces conditions de base étant réglées, alors il y aura lieu de se déporter sur le terrain. Car oui, c’est un problème de terre qui est posé dans un territoire aux limites définies, pour une population à nourrir de plus en plus importante et dont la consommation de produits carnés se fait de plus en plus forte.
Problème de terre à plusieurs niveaux.
L’accaparement de centaines d’hectares par des politiciens au titre d’opérations de spéculations avec pour conséquence le déguerpissement d’agriculteurs qui cultivaient tant bien que mal ces territoires pour assurer leur propre subsistance.
Accaparement de terres par des agriculteurs profitant de sols bien amendés par le passage des troupeaux, installation abusive sur des zones pastorales déterminées sur le papier mais non identifiées clairement sur le terrain, blocage de couloirs de transhumance comme d’accès aux points d’eau.
Et tracasseries administratives de responsables communaux dans l’attribution officiele de surfaces souhaitées par des éleveurs pour créer des aires fourragères pour leurs troupeaux et garder une partie de leurs bêtes en stabulation libre quand l’autre partie du troupeau continue la transhumance. Si les éleveurs ne peuvent avoir la garantie de pouvoir rester sur un territoire en toute sécurité pendant la saison d’hivernage, il ne faut pas s’étonner que des débordements sur les aires cultivées se produisent à plus forte raison si ces aires cultivées occupent des espaces définis pour les éleveurs. Le problème est cyclique et comme le dit Monsieur Combray : " L’agriculture ne dure que 3 à 4 mois alors que l’élevage se fait sur toute l’année " Quelle mesure peut être proposée par le gouvernement sinon aller au bout de ses démarches de définition et équipement des territoires réservés aux éleveurs, veiller à ce que la loi foncière permette à tous d’acquérir des terres pour exercer son activité soit en bien individuel soit en bien collectif afin de développer des aires fourragères permettant ainsi aux éleveurs de diminuer pour une meilleure rentabilité de leur métier les déplacements de l’ensemble des troupeaux en transhumance ce qui, il faut le répéter est une obligation dans nos pays sahéliens pour garantir la survie des troupeaux en cas de dérèglement climatique. L’année 2014 à ce titre est un fâcheux rappel des années de grande sécheresse qui ont décimé des milliers de tête de bétail .
Commentaire au seul avantage des éleveurs pourront penser certains. Non, car les peuls ont effectivement leur part de responsabilité dans les épreuves qu’ils subissent.
Effectivement ce n’est pas la place d’un enfant à la tête d’un troupeau de plusieurs dizaines de têtes. Cet enfant a sa place à l’école même si la responsabilité d’un troupeau est aussi l’école de la vie. Les parents doivent se professionnaliser dans leur métier d’éleveur et cette professionnalisation passe par la connaissance des textes qui régissent leur activité, textes concernant leur territoire d’attache comme lceux de leur pays d’accueil au cours des transhumances. Et cet apprentissage, si l’on veut qu’il soit efficace doit se faire dans leur langue, le fufulde, sur le terrain à l’occasion des rencontres hebdomadaires des marchés, doit être démultiplié par ceux qui ont reçu le savoir. Cette professionnalisation doit les amener à modifier leur état d’esprit afin qu’ils acceptent l’idée que la richesse n’est pas le nombre de têtes possédées mais la qualité des animaux qu’ils possèdent, qualité en terme de viande comme de production laitière.
Et quand chacun saura quelle est sa place dans la société, quand les politiques cesseront de faire de l’electoralisme auprès d’une partie de la population au détriment d’une autre partie, quand les autorités policières et judiciaires travailleront avec l’éthique qui sied à leur métier, alors les conflits agriculteurs éleveurs ne seront plus que de lointains souvenirs.
Yves SAMSON - Centre de recherche et de formation du pastoralisme - Tabital Pulaaku International.