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Illégalité de la dot : Les femmes n’en parlent pas

24 avril 2013, 01:31, par Mechtilde Guirma

À l’anonyme voilà mon post réponse à consciencieux que le faso.net censure je ne sais pourquoi. D’ailleurs vous m’avez très mal lu dans le premier. Relisez-le bien pour saisir l’énigme. En tout cas voilà le second.

WEBMASTER NE ME CENSUREZ PLUS S’IL VOUS PLAÎT

Monsieur Consciencieux, je vois que vous êtes tout neuf dans le Burkina. En plus vous ne me connaissez pas. Sachez que dans les Grandes Conférences organisées par le ministère de l’Information et de la Culture, à la tête duquel se trouvait le Ministre Mahmoudou Ouédraogo, et dont les organisateurs étaient les anciens Ministres de la culture (sauf Alimata Ouédraogo) dont notre cher regretté Nurikior Claude Somda, le ministre Kaboré Francis, j’ai été Co-conférencière avec Monseigneur Der Raphaël qui était à l’époque encore Abbé et directeur de la Fondation Jean Paul II. Le thème de la Conférence était : "la dot et son importance dans le mariage traditionnel". Monseigneur a traité la partie sociologique et la moi la partie juridique. Nous avons tous les deux relevé à notre manière et dans le cadre qui nous était imparti, qu’avec ces codifications nous courrons tout droit vers la suppression de la famille. Par la suite j’ai tiré des sonnettes d’alarme dans mes articles, attirant l’attention sur le fait que nous allons vers une déconstruction totale du mariage pour une autre forme et que les signes précurseurs étaient « la lutte contre la pratique de l’excision » et le mariage dit « forcé ». J’ai même expliqué que le mariage forcé a été le fait colonial lui-même parce que l’Afrique et notamment le Burkina, n’a pas payé seulement un lourd tribut pendant les guerres mondiales en matière de collecte des vivres des biens de nos brousses et forêts, mais également en investissement humain : d’abord la conscription, puis les travaux forcés : agriculture à l’office du Niger, plantations de café et de cacao en Côtes, et surtout, je dis bien surtout, chemins de fer Bamako-Dakar, puis Abidjan-Niger qui devait s’arrêter seulement à Bobo ville charnière et cosmopolite parce qu’un carrefour avec d’autres pays, n’eût été l’intervention de la chefferie coutumière le moro Naba Koom en tête. Tout cela a dénaturé le mariage coutumier en son fond qui, du « système de la donation » (don des femmes) est devenu forcé dans sa forme et pour cause, le Burkina fournissait à tous ces efforts (ci-dessus cités) la fine fleur de ses fils ne laissant sur place que les vieux. L’Église catholique s’investit pour protéger les filles. Elle subit l’ire des coutumiers qui ont voulu en découdre avec elle avec des machettes dans les paroisses. Soit dit en passant Mr consciencieux, que mon propre grand frère qui était curé dans une paroisse d’un village l’a échappé belle si ses paroissiens à leur tour ne s’étaient pas armés pour aller à la rencontre des agresseurs. Bref l’administrateur coloniale prit fait et cause pour les coutumiers parce que lui même bénéficiait de cette coutume des dons des femmes par chantage et sa force pour s’entourer de concubines dans son palais. En plus elle voulait la paix, car sans la famille son système colonial risquait de devenir chaotique (songez aux cultures de rente et à l’impôt de capitation). Aujourd’hui, les familles ont tendance maintenant à être remplacées par les agro-business dont Korô Yamyéllé (pour le taquiner et rire car il ronfle trop sur ses champs, ses semences et ses engrais ou fumures).
Pour en revenir au mariage, c’est l’Église catholique qui, voyant la dérive, mandata la sœur Marie Andrée de Sacré pour étudier le problème de la femme en Afrique de l’Ouest. Il en sorti de cette étude un code pour contrer celui de l’administration coloniale qui ne reconnaissait pas le mariage religieux ni coutumier, sous le Ministre français Mendel plus d’autres amendements plus tard.
Ce fut le code Mendel-Jacquinot qui a régit le mariage traditionnel jusqu’à la révolution de Sankara. Soit dit en passant qu’il y avait alors deux codes au Burkina : le code français et le code indigène. Vous pourrez maintenant comprendre pourquoi les métis qui naissaient des concubines n’étaient pas reconnus. Sur leur acte de naissance on marquait toujours : « né de père inconnu ». Certains n’ont été reconnus seulement que, qu’après l’indépendance en devenant des personnalités politiques importantes en Afrique. Tandis que d’autres ont carrément refusé la reconnaissance et se sont consacré corps et âmes au pays de leur mère qui était devenus maintenant leur véritable patrie.
En 1985 à la fête de la clôture de la décennie de femme, lors de la rédaction précisément de ce code des personnes et de la famille, je faisais partie du bureau, mais on m’expulsa par la suite du fait de mon refus d’avaliser la monogamie comme seule forme valide du mariage, et aussi la suppression de la dot. J’ai expliqué que contrairement à ce qu’on pourrait pensé, je suis catholique très pratiquante et il ne me serait pas agréable d’avoir des coépouses, mais que je n’étais pas là pour moi pour ce que je veux, mais pour tout un peuple pour le défendre dans ses valeurs fondamentales. 28 ans après, les faits me donne raison ici même en Occident. Comble d’ironie c’est précisément le pays, dont les ressortissantes m’ont combattue à cause de ces positions, qui s’apprête à se raviser sur un cas délictueux. Il s’agit d’un homme riche qui a fait des enfants hors mariage avec une concubine et cette dernière, à présent, revendique les mêmes droits que l’épouse légitime. En effet J’avais dis à l’époque des débats sur l’élaboration du Code des personnes et de la famille, que tout dépendait du cœur de l’homme et de sa parole donnée. Voilà les points sur lesquels les religions devraient se pencher davantage et non compter sur des lois coercitives qui ne sont pas des lois de Dieu mais des humains.
Mr Consciencieux lorsque j’ai tiré la sonnette d’alarme sur le fait que les luttes contre les dits mariages forcés et contre l’excision, n’étaient que des prétextes pour des futurs législations en faveur du mariage gay, que ne m’a-t-on pas traité de tous les noms d’oiseaux. J’ai été même menacé parce qu’on disait sur Internet que j’avais la chance de m’être retirée dans un pays où il y avait la liberté. J’ai prévenu les religieux qu’ils pourront un jour être traînés devant les tribunaux pour non respect de la loi parce qu’ils continuent à faire ce qui est défendu. J’ai dénoncé la corruption de nos coutumiers en leur faisant comprendre que leurs droits (encore moins ceux de la femme) n’étaient pas reconnus (de façon implicite bien entendu) même constitutionnellement du fait du hiatus entre la Constitution qui prétend reconnaître leur pratiques religieuses alors que leur mariage, qui est le fondement même de leurs pratiques, n’était pas reconnu et de façon explicite, dans le code des personnes et de la famille et que par la grâce du tripatouillage de la Constitution la question de l’harmonisation de l’esprit (reconnaissances des pratiques coutumières) de cette Constitution se posera (ou s’opposera ?) un jour à la lettre (non reconnaissance des pratiques) du Code des personnes et de la famille. Et j’ai insisté pour dire qu’avec ce plomb dans l’aile de la coutume qu’est le mariage (qui est la base sociale de toute organisation humaine en tant qu’entité ethnique tribale, clanique ou religieuse), les Institutions coutumières et Traditionnelles pourraient être à court, à moyen, ou à long terme purement et simplement supprimées et remplacées par des musés, fantômes d’un passé dit glorieux. Le pire est qu’il n’ont pas encore compris les réformes qui leur attribut un Sénat qui se voudrait indépendant ! Le moro naba (et la chefferie coutumière tout entière du Burkina-Faso) se rend-t-il seulement compte que le mur de son pouvoir (ou de leur pouvoir) s’est depuis fort longtemps lézardé et que de pans commence à tomber à partir du moment où des parties politiques se disputent ses ministres ou ses homologues ?
Bref cher Monsieur Consciencieux j’ai dit dans ma conférence (c’était entre 98-2000), que quelque soit l’imperfection du Code Mendel-Jacquinot, il devrait rester l’une de nos sources de droit, car il fut le modèle parfait de la première esquisse du dialogue inter-religieux, sous l’initiative de l’Église catholique qui avait déjà repéré en matière du mariage coutumier, beaucoup de valeurs positives. Mr Consciencieux, je tiens à vous répéter que ces connaissances que j’ai, ne sont pas seulement des acquis de mes études en Occident, mais avec la conjugaison de mes origines princières, de mon éducation religieuse et de mon évolution dans un milieu de dialogues permanent interculturel. Je le dis avec beaucoup de fierté parce que moi-même je m’ignorais. Maintenant si dans mon zèle à vouloir toujours partager pour qu’ensemble on trouve des solutions à notre sens de la vie, on voit en moi un manque d’humilité, croyez-moi je le regrette infiniment.
Mr. Consciencieux, je tiens à vous rassurer que vos remarques ne m’offensent guère, au contraire j’en suis heureuse, parce que je vois par votre réaction, le signe enfin d’une prise de conscience des dangers qui nous guettent. Et j’espère que cette jeune génération comme vous qui montez, saura se ranger dans la partie de la vraie sagesse qui nous permettra d’avoir des institutions fortes comme le dit tout justement le souhait du président Obama en faveur de l’Afrique. Je vous félicite encore de votre réaction. Moi je milite pour la convocation d’une Constituante qui nous aidera à mettre en place la Vème République.


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