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Situation à la santé : Le PA.RE.N demande au Chef de l’Etat de s’expliquer

16 avril 2013, 14:07, par VAGABOND

L’âge de la maturité
Le Burkina Faso, à l’instar de nombreux pays africains, est à la croisée des chemins. Beaucoup de burkinabé commencent à connaître leurs droits et veulent en jouir de façon juste et consciente. L’immolation, les grèves de la faim, les descentes dans les rues suivies de casses, les sit-in et autres formes de grèves ou de mouvements ne sont pas nouveaux. Ils ont été réadaptés et sont la résultante de beaucoup de facteurs combinés, qui sont entre autres l’injustice, l’impunité, le délit d’apparence, la gabegie financière des tenants du pouvoir, le népotisme, le parachutage politique, le besoin de renouveau, l’exclusion professionnelle et sociale etc. Le burkinabé ne vit pas sur une île ou sur une terre isolée, où il est coupé des réalités du monde. Le printemps arabe tunisien avec la mort par immolation du jeune Mohamed Bouazizi a donné le coup d’envoi de la chasse aux dictateurs dans les pays arabes africains. L’exemple tunisien, même si elle avait été récupéré par l’opposition burkinabé avec comme slogan « Blaise dégage », n’avait pas fait trop d’échos. Ce silence ne signifie pas que les gens se sont désolidarisés de la cause, mais bien au contraire. La stratégie du « reculer pour mieux sauter » peut être vue dans ce cas de figure.
1. L’immolation
L’immolation tire sa source du latin immolare, c’est à dire offrir un sacrifice. Cet acte peut être posé par le biais de l’eau, du feu, de la terre, du bois, du fer ou par tout autre moyen. La forme la plus connue de l’immolation est celle par le feu, c’est à dire l’auto-immolation. Avec l’ère moderne et selon la translation culturelle que l’on fait de ce concept, l’immolation revêt un nouveau sens et signifierait : le massacre, le carnage, la tuerie. D’une culture à une autre, le mot revêt divers sens. Que se soit chez les juifs ou chez les gaulois en passant par les romains et les grecs, l’immolation se définit différemment. Dans la société burkinabé, l’immolation se présente comme une nouvelle de lutte et un moyen de pression sur la conscience collective. Notre société est une société en pleine mutation avec de nombreuses pratiques importées et parfois difficilement imposables. Si le jeune occasionnel de la SOFITEX a voulu utiliser ce moyen pour se faire entendre, il a bien ses raisons profondes qu’il n’osera jamais étaler au grand jour. Le suicide est encore un acte condamné et condamnable dans nos sociétés et le traitement infligé parfois à la dépouille mortelle des suicidés est une sorte de message de dissuasion pour le commun des mortels (ce traitement varie d’une société à une autre). Le désespoir, le fatalisme, la peur d’avoir un avenir confisqué et les conditions de vie devenues insupportables peuvent conduire un être à s’auto-immoler par le feu et de façon spectaculaire pour que les conditions de vie s’améliorent (bien sûr pas pour lui, au cas où la mort s’en suit, mais pour les vivants). L’immolation est donc un acte suicidaire commis sur sa propre personne pour une raison bien donnée. Elle peut aussi être un acte collectif (d’une communauté extrémiste ou fanatisée). Par exemple, les gaulois préféraient s’immoler par le feu que de se rendre à l’ennemi. En tant que forme de revendication, l’immolation est un acte de désespoir. Dans la plupart des cas, l’auto-immolé meurt seul ou peut se laisser mourir avec un nombre important de personnes ou en passant par la destruction considérable de biens communs ou privés (cas de l’agent de a SOFITEX, qui n’est certes par mort, mais avait décidé de s’immoler sur le patrimoine de sa société). Vouloir la mort par l’auto-immolation au Burkina Faso est un acte interpellateur, non pas seulement de l’autorité politique, mais aussi de celle religieuse et traditionnelle. Cet acte montre des injustices existent dans le système, qu’il faut s’atteler à les réparer.

2. La grève de la faim
La grève de la faim est un phénomène du XXème siècle. Elle a existé en Afrique, du moins dans ma culture pour mieux préciser les choses. Lorsque le chef de famille était mécontent de sa conjointe, il faisait une petite grève de la faim (boycott du repas de midi ou du soir) pour mieux se faire entendre et comprendre. Dans l’évolution de l’histoire, on a pu constater plusieurs formes de grèves de la faim pour des causes diverses et humaines. Les exemples sont multiples et divers. De l’Angleterre (le droit de vote des femmes) en l’Algérie (lors de la guerre d’Algérie) en passant par la France (les sans papiers) et la Chine (Tibet), les hommes de différentes cultures et de différentes régions du monde ont utilisé la grève de la faim pour se faire entendre ou attirer une attention particulière sur leurs causes. Si certains ont eu gain de cause, d’autres par contre ont du essuyer des échecs cuisants. La grève de la faim, dans le contexte burkinabé, peut être appréciée de diverses manières. Les faibles salaires au pays assignent déjà aux travailleurs (un travailleur burkinabé est responsable d’au moins une vingtaine de personnes) une forme de vie modeste. Le burkinabé est déjà en grève de la faim, car appelé tous les jours à manger presque même chose ou à se priver pour répondre aux nombreuses sollicitations. Si l’immolation assure à l’auto-immolé une morte rapide et douloureuse, la grève de la faim s’avère être une mort lente, mais longue. Le gréviste voit son poids diminué considérable et est parfois pris de terribles hallucinations. Si ses interlocuteurs ne lui prêtent pas une attention particulière, il peut en mourir ou s’en tirer avec des séquelles profondes. La grève de la faim peut être donné la teneur et de la conviction à la cause défendue pour peu que l’on ait devant soi des hommes sensés ouverts au dialogue et aux compromis. Si l’acte de l’agent de FILSAH a été aussi médiatisé que celui de GSP, par contre celui des étudiants en son temps non bénéficiaires de l’aide et du prêt FONER au ministère des enseignements secondaire, supérieurs et de la recherche scientifique sous le ministre Laya Sawadogo n’avait pas fait tâche d’huile. La grève de la faim n’est donc pas une première au Burkina Faso, mais juste une forme de lutte réadoptée et réadaptée pour mieux se faire écouter. Surseoir à la nourriture pour se laisser mourir pour une cause jugée noble est un acte sacrificiel de haute valeur humaine. Mais être réellement entendu ou écouté à travers cette forme de revendication par ses interlocuteurs, n’est pas toujours un acquis et dépend du type de société dans laquelle l’on vit. Le burkinabé peut-il comprendre son concitoyen en grève de la faim ? Il faudra à ce niveau former les hommes de mesures dans la diffusion de ces types d’informations, qui requiert une approche psychologique et anthropologique.
3. Les sit-in, les marches et les casses
Les sit-in, les marches et les casses étaient encore jusque là les moyens de luttes les plus prisés des burkinabé. On se rappelle que les marches ont fait engranger au peuple burkinabé beaucoup d’acquis sur le plan des libertés. De 1919 à nos jours, plusieurs formes de marches ont été entreprises par notre peuple pour dire non aux abus et aux exploitations. On a encore en mémoire la révolte des bwanîi (pluriel de bwaba) contre l’autorité coloniale française répressive (1916-1918). La chute de la première République est due aussi en partie aux marches syndicalistes et plus tard à un soulèvement populaire. En 1985, les enseignants marcheurs se virent punir par le CNR, mais cela n’a pas pour autant diminuer l’ardeur revendicatrice du peuple burkinabé en quête permanente de justice, de dignité et d’intégrité. Les différentes luttes des étudiants et des élèves se soldent toujours par des marches suivies parfois de casses (chose que je condamne), car le pouvoir s’adonne toujours à un bras de fer parfois injustifié. L’assassinat de Norbert Zongo en 1998 a fait naître une période de frayeur et de marches intempestives et répétées pour la bonne cause, celle de la justice. L’assassinat de Justin Zongo et de bien autres scolaires et universitaires mirent la machine de la marche et des casses en action. Les manœuvres politico-politiciennes des tenants du pouvoir pour modifier l’article 37 radicalisent davantage les positions et promettent des périodes riches en grèves et marches de toute sorte : Les uns mangent, les autres regardent, ainsi naissent les révolutions (Feu Thomas Sankara).
4. Que retenir ?
Le mercure monte de plus en plus au pays, car le peuple d’hier n’est pas celui d’aujourd’hui et celui d’aujourd’hui ne sera pas celui de demain. Les causes réelles de ces formes de grèves sont liées à des frustrations diverses (voir dans toutes premières lignes). Le boom minier n’a rien changé dans les habitudes du Burkinabé, qui, pour la plupart du temps, paupérise. Les « maigres ressources » du pays sont reparties entre des clans favorables au pouvoir en place. Le décor politique donne une forte senteur d’une administration politisée. Que faut-il faire avant que la bombe sociale n’explose pour nous emporter tous ? Tant qu’il y aura des injustices criardes, des exploitations de tout genre, les détournements de fonds validés, une jeunesse laissée a elle-même sans destination précise, un système de retraite sociale quasi-inexistant, une justice à double vitesse, un pouvoir à vie etc., personne ne pourra plus jamais dormir en paix dans ce pays. De nouvelles formes (même si certaines ont été réadaptées) de luttes collectives ou solitaires (immolation, grève de la faim…) radicalisées seront toujours présentes. Il faut pour cela faire la liste des injustices sociales et essayer de trouver des solutions durables, en ne passant par la corruption et en renforçant l’éducation. Pour ma voilà une liste d’injustices sociales à réparer :
• Instaurer un cadre de concertation permanent pour réfléchir sur les problèmes en vue de les prévenir
• Instaurer dans les écoles et les universités, une cellule de crise crédible, afin d’essayer de solutionner les problèmes avant qu’ils prennent des ampleurs incontrôlées
• Eviter de tenter le diable en voulant modifier vaille que vaille l’article de toutes les discordes l’article 37 (je suis pour son verrouillage)
• Dépolitiser l’administration publique
• Combattre la corruption et les détournements de fonds
• Juger tous les dossiers restés impunis
• Implication réelle de l’état dans le fonctionnement du privé pour éviter des abus
• Freiner le train de vie de l’état en diminuant le nombre de député à l’Assemblée nationale
• Surseoir à la création d’un sénat budgétivore
• Ecouter davantage les étudiants (plateformes revendicatives)
• Séparation effective des pouvoirs (exécutif, législatif et judicaire)
• Offre de stages de formation continue aux agents de la fonction publique à l’intérieur et à l’extérieur du pays
• Revaloriser la fonction publique avec des salaires attrayants
• Renforcer les budgets alloués aux ministères, des droits de l’Homme, des Enseignements, de la femme et de la justice
• Accepter l’opposition comme partenaire au développement et au dialogue constructif
• Renforcer le programme d’alphabétisation pour les adultes
• Doter les écoles de moyens conséquents pour un fonctionnement réel
• Renforcer et accélérer le programme de décentralisation déjà entrepris.
• Doter le pays d’une politique éducative saine et potable
• Faire un bilan réel de l’exploitation minière dans le pays et faire un état des lieux de ce secteur pour le futur (ITIE ne fait pas l’unanimité)
• Etc
Par un étudiant ivoiro-burkinabé vivant dans l’hexagone
Vagabond


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