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Burkina : « Il ne sera pas question de nous laisser dominer par un partenaire, qui qu’il soit », dixit le Premier ministre Kyelem de Tambèla

19 novembre 2022, 13:08, par Samuel

“Personnellement, j’avais des craintes, des doutes, des interrogations sur Me Kyelem. Ce discours, sans être tout à fait celui que j’attendais, me rassure plutôt. Peut-être Me Kyelem, est-il tout simplement plus prudent que moi ? Peut-être...En tout cas, je lui (re)accorde ma confiance tout en attendant de voir s’il ne se contentera pas de discourir et passera à l’action.

Pour le reste, comme toujours, rien n’est jamais parfait et je relève quelques incohérences et insuffisances dans ce discours :

1. On ne peut pas promouvoir la production nationale sans un certain niveau de protectionnisme économique. Si nous voulons développer la consommation des produits locaux, il faut que nous les protégions contre la concurrence déloyale et les actions de dumping de ceux qui nous ont réduits au rôle d’un marché de consommation pour leurs propres produits. Encourageons donc le gouvernement à identifier un certain nombre de produits de grande consommation qui sont importés et qui brident notre propre production locale et dont nous devons arrêter l’importation. C’est ainsi seulement que nous encouragerons la consommation de ce que nous produisons et produirons ce que nous consommons.

2. Concernant l’éducation, je suis étonné, très étonné que Me Kyelem n’ait pas soufflé un seul mot sur l’enseignement de nos langues nationales, de toutes nos langues nationales. L’enseignement monolingue du français tue lentement mais sûrement nos langues et nos cultures.
Or, le devoir premier de tout gouvernement est d’assurer la survie physique (c’est-à-dire la sécurité et la reproduction biologique dans le temps qui assure la permanence physique des individus qui composent le groupe et cela Me Kyelem a beaucoup insisté dessus avec d’autres mots), mais aussi la survie culturelle, en particulier de la langue, sans laquelle le groupe n’existe plus en tant que groupe distinct. En conséquence, c’est une démission que de promouvoir nous-mêmes le suicide culturel de nos communautés en maintenant l’enseignement monolingue du français. C’est aussi un crime dont nous serons tenus comptables par les générations futures.

La pluralité ethnique et linguistique qu’on invoque pour maintenir l’enseignement monolingue du français n’est pas un argument solide car la quasi-totalité des pays du monde sont multiethniques et plurilingues. Plus de 2.000 ethnies et tribus en Inde ; plus de 700 langues différentes en Indonésie ; des centaines d’ethnies et de langues différentes en Chine ; etc. En fait, 99% des pays du monde sont multiethniques et plurilingues comme nous et pourtant, dans tous les pays autres que « francophones », les gouvernements enseignent en priorité les enfants dans leurs langues maternelles (au moins les premières années) car une langue qui n’est pas transmise est sur le chemin de sa mort faute de locuteurs.

Le droit de transmettre sa langue maternelle à l’enfant est un droit humain fondamental, inaliénable. Priver une population quelconque de ce droit, consciemment ou inconsciemment, sous une forme ou une autre, relève du génocide culturel. L’enseignement monolingue du français est en train de perpétrer un génocide culturel dans nos pays. Nous devons à tout prix y mettre fin et le plus tôt possible.

3. Je n’ai pas aimé non plus que Me Keyelem présente l’Afrique précoloniale comme une tabula rasa (notamment en matières de voies de communication et de transport) que les Européens seraient venus doter d’infrastructures. Me Kyelem de Tambela n’a donc jamais entendu parler du Commerce Transsaharien ? Ne soit-il donc pas que la région et la ville de Botou au Burkkina étaient un centre de production textile qui rayonnait dans toute la sous-région des siècles avant l’arrivée des Européens ? Ne sait-il pas que le faso danfani est bâti sur une tradition multiséculaire ? Ne sait-il pas que nos ancêtres avaient développé des voies de navigation et des échanges commerciaux entre diverses régions africaines et au-delà ? Son discours aurait gagné en cohérence s’il avait une connaissance et des références plus approfondies en matière d’histoire africaine qu’en matière d’histoire européenne.

Mais bon, ne gâchons pas la fête. Nous attendons maintenant de le voir en action. ”


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