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Restriction de l’accès à Facebook au Burkina : « L’intérêt national doit être au-dessus de nos intérêts particuliers » (gouvernement)

20 janvier 2022, 19:14, par Sidpawalemde Sebgo

Hum... Balle à terre, s’il vous plait. Beaucoup de plaintes que je lis concernent l’aspect politique de cette histoire de coupure de Facebook. On parle de faire taire les critiques, d’injures et invectives envers les responsables politiques, etc.

Je crois que c’est une vision très étriquée du problème qui est plus vaste.

1°) Le gouvernement du Burkina Faso NE PEUT PAS suspendre le compte Facebook d’un utilisateur même fautif. Cette prérogative appartient uniquement à Facebook et à sa maison mère Méta. Le gouvernement qui souhaite le faire doit leur adresser une demande motivée, et eux seuls décident en fonction de leurs règles internes et de leur appréciation de la situation.
Localement ici, on coupe pour tout le monde ou pour personne. Quand on ne peut plus distinguer l’attiéké du sable, il est mieux de s’abstenir de manger.

Et puis, vous pensez vraiment que le même gouvernement qui ne veut pas dire à sa population les raisons réelles de cette coupure va aller le dire à Facebook, de plus sans garantie de confidentialité ?

2°) Le vrai problème est moins la méchanceté des gens mal intentionnés que l’inconscience des gens ordinaires. Quelques exemples :

a) Malgré les mises en garde, un militaire garde son téléphone connecté et publie des photos ou signale sa situation sur facebook sans penser aux conséquences possibles. Même quand il s’abstient, son addiction à la connexion permet de le tracer et de connaitre les positions de nos forces.
Certaines rumeurs disent que dans le cas de Inata, c’est ainsi par des publications que les terroristes ont su dans quelle situation difficile se trouvaient nos FDS. On connait la suite...

b) Un passant qui voit passer nos troupes prend une photo et publie sur Facebook, pour être celui qui donne l’information "up to date". Il ne sait pas que ce qu’il fait est dangereux.

c) Un fonctionnaire ou militaire dans un bureau voit passer un courrier ou une information, il prend en photo et publie sur Facebook. Même insouciance et ignorance.

d) La grande masse des utilisateurs, qui reprennent, rediffusent, partagent de façon exponentielle ces informations, y compris les fake news et la propagande djihadiste pour dire qu’ils "ont des armes terribles que nous n’avons pas" finissent de faire le travail et d’informer nos ennemis de tout !

A défaut de pouvoir éduquer chaque burkinabè d’une part sur une utilisation plus rationnelle de ces réseaux sociaux et d’autre part sur les règles de prudence en période de guerre, nous devons comprendre que certaines fois, la privation de ces libertés dont nous abusons devient inévitable.

3°) Au contraire, les burkinabè doivent être reconnaissants que cette fois, la coupure ne soit pas générale mais concerne seulement Facebook. Ce réseau est en effet celui qui a le plus d’instantanéité et d’ouverture. Quelqu’un que vous ne connaissez pas peut devenir votre "follower" sans que vous vous méfiiez, et ainsi se renseigner à travers vous. Par exemple, WhatsApp par contre n’a pas ce défaut, sauf dans le cas des grands groupes.

Avoir donc maintenu l’internet mobile et les autres réseaux comme Instagram, WhatsApp, Twitter, Tik Tok, etc est donc un effort des autorités, pour ne pas impacter trop la population.

Et puis franchement, soyons sérieux : Quel pourcentage de Burkinabè utilisent Facebook ? Car ce réseau, contrairement à WhatsApp par exemple, nécessite un minimum d’alphabétisation, qui n’est pas la chose la mieux partagée au Faso.
Quand aux commerçants, la bonne communication suppose qu’outre Facebook, ils utilisent aussi les autres réseaux. S’adapter pour quelques temps en diversifiant sa communication commerciale n’est pas la mer à boire. Sauf bien sûr si on s’assoit en attendant le retour de Facebook.

Certains parlent de légèreté et de désinvolture du porte parole du gouvernement. Peut être qu’il a manqué de fermeté, c’est tout. Car par la bouche du précédant porte parole, le gouvernement a bel et bien prévenu qu’il fallait s’attendre à d’autres coupures en cas de nécessité, qui serait toujours dicteé par la sécurité nationale.
Faut-il alors encore convoquer une conférence de presse à chaque fois, surtout si c’est pour répondre "secret-défense" aux questions des journalistes ?

Soyons patriotes, soyons résilients, et faisons confiance à ceux à qui nous avons confié la responsabilité de la lutte contre le terrorisme. Même si on ne les aime pas, pour le moment c’est eux qui sont là.

D’ailleurs, la chose positive qui va découler de cet épisode, c’est que certains vont réduire leur dépendance à Facebook et s’organiser pour fonctionner sans. Car sachez-le, aujourd’hui c’est le gouvernement, mais demain c’est Facebook lui-même qui peut décider d’arrêter ses opérations au Faso comme il l’a fait ailleurs. Vous irez vous plaindre où ?


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