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« Le Mali et la CEDEAO, père et fils », le cours d’histoire du Premier ministre malien Choguel Maïga

17 janvier 2022, 04:05, par Sidpawalemde Sebgo

Hum... M. Choguel Maïga, soyez le malien indigné du traitement qu’on fait subir au Mali, mais soyez aussi l’ingénieur qui réfléchit posément à la meilleure solution à un problème.

Tout d’abord, l’analyse du PM sur le comportement aberrant de la France, qui décide de combattre l’EIGS mais d’épargner le JNIM ou GSIM est exact et pertinent. Mais à regarder, cela ne doit pas surprendre quand on sait que GSIM et la Coordination des Mouvements de l’Azawad CMA sont deux faces d’une même médaille, et que la France soutient les mouvements de l’Azawad depuis longtemps. C’est dans ce cadre que la France leur a "réservé" Kidal, et qu’elle a milité pour un Mali fédéral afin de leur donner la large autonomie qu’ils voulaient. Rien de nouveau donc.

Mieux, si M. Maïga regarde bien, c’est depuis le fameux sommet de Pau, donc du temps de IBK, que Macron a fait son "changement de paradigme" et ordonné à Barkhane de se consacrer à l’EIGS, même si dans les faits, Barkhane pratiquait déjà cette "tolérance" pour le GSIM qui a conduit au pourrissement de la situation au Mali.
Penser que ce choix est fait pour "punir" la junte est réducteur, car c’est la politique de la France dans cette région depuis des décennies, depuis les premières rebellions touareg au Mali et au Niger, même si les choses ont pris le tour d’une guerre ouverte depuis Sarkhozy.

La révolte est légitime, et le sursaut nécessaire pour sauver le Mali et la sous-région, car c’est le même GSIM qui a essaimé chez nous au Burkina avec Malam Dicko. L’indignation face à des sanctions de la part de ceux qui devraient soutenir le Mali est normal et la lutte de libération s’impose à tout malien ou africain.

Mais la solution est-elle ce bras de fer juridique avec l’UEMOA et la CEDEAO ? Car la vérité est que le Mali a déjà gagné le cœur de la majorité des peuples de la communauté. Faut-il malgré tout que les maliens souffrent des mauvais choix tactiques de ses autorités ? Voila la situation :

1°) Première hypothèse : Le Mali engage le bras de fer. Il essaie d’une part de desserrer l’étau des sanctions grâce à la Mauritanie, la Guinée, à l’Algérie et aux autre partenaires. D’autres part, il lance la bataille juridique pour la levée des sanctions.

Que le Mali gagne ou perde, cela va prendre du temps. Ce temps qu’il n’a pas car tout retard d’approvisionnement va entrainer des pénuries, y compris alimentaires et de matériel de guerre. Et dès la fin Janvier, deux nouveaux soucis apparaitront avec le blocage de la BCEAO. Le premier c’est le non paiement du service de la dette, entrainant le blocage de tout financement international. Le second, c’est le paiement des salaires et pensions. Sans compter qu’à partir du 27 Février, c’est la légitimité même du pouvoir de Goita qui sera remis en cause à l’interne et à l’international.

Surtout que le Mali n’est même pas sûr de gagner juridiquement malgré qu’il ait moralement raison. D’abord dans la forme, la CEDEAO pourra remettre en cause la légitimité de Goita et compagnie à parler au nom du Mali, et donc à ester. Puis, l’UEMOA pourra prendre la posture de l’institution responsable qui "protège les biens du Mali" d’aventuriers ayant pris le pouvoir par la force. Enfin, elles pourront arguer que les frontières guinéennes, mauritaniennes et algériennes restant ouvertes, elles n’ont pas privé le Mali d’accès à la mer.
Tout cela peut donc ne servir à rien sauf seulement à faire perdre du temps au Mali.

2°) Deuxième hypothèse : Les autorités maliennes, ayant montré l’adhésion du peuple malien à la transition, ayant obtenu un large soutient populaire à travers le contient, peut faire de nouvelles propositions à la CEDEAO.

C’est un problème de principe mais aussi psychologique. Les mandats électifs étant généralement de 4 et 5 ans dans les pays de l’union, il est clair que les chefs d’états n’accepteront pas une transition d’une durée totale supérieure à trois ans.

La marge se situe donc entre 6 mois et 18 mois à partir du 27 Févier ou de fin Janvier. L’Algérie a déjà marqué son soutien pour une date contenue dans l’année 2022, soit en pratique une rallonge de 11 mois maximum. Je crois que c’est raisonnable de s’y tenir. En dehors de débarrasser le Mali du terrorisme, qui est un leurre, toutes les réformes importantes envisagées sont tout à fait réalisables dans ce délai, avec couplage des élections nationales en Novembre/Décembre 2022..

L’intérêt, c’est d’éviter que le peuple ne souffre inutilement, mais aussi de ne pas ouvrir d’autres fronts pour un Mali déjà éprouvé. Alors, monsieur le PM, vous avez dit vos vérités, gagné la bataille morale, ne perdez pas la guerre par manque de tactique.


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