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Mali : Les sanctions de la CEDEAO contre la transition

10 janvier 2022, 03:51, par Der Somé

A toutes ces voix qui s’élèvent pour critiquer et condamner les sanctions prises par l’autorité de la CEDEAO à l’encontre du régime Malien actuel, je dis que c’est bien là une réaction incongrue et dotée de myopie. Trois arguments à mon assertion :

Un, je vais de l’idée que la plupart des internautes qui ont réagi ainsi sur le Fasonet sont des Burkinabè. Alors je leur demande de ne pas aller trop loin mais de remonter juste 6 ans en arrière dans la jeune histoire de notre propre pays pour nous dire combien de temps la transition des Isaac Zida et Michel Kafando, y inclus l’intermède du « coup d’État le plus bête » de Gilbert Diendéré avait au total duré. Le journal Jeune Afrique dans son article du 3 décembre 2015 intitulé [chronologie] Burkina : histoire d’une transition périlleuse mais réussie écrivait : « En Afrique subsaharienne, rares sont les périodes de transition politique qui aboutissent à des élections libres et transparentes. En 13 mois chrono, le Burkina Faso a relevé le défi. »
Que nos internautes protestataires nous disent pourquoi et comment au Burkina Faso nous avons réussi la chose en seulement 13 mois alors, qu’au Mali le régime en place veut aller jusqu’à 6 ans pour faire le même devoir. Les problèmes ne sont pas les mêmes, vous voudriez me dire. Certes, le Mali avec ses 1.241.238 kilomètres carrés, est le plus vaste État d’Afrique de l’Ouest après le Niger, et fait 4 fois et demi la superficie du Burkina Faso. Mais là s’arrête la comparaison de sa grandeur. Sinon ce pays compte aujourd’hui une population de 21.134.991 d’habitants (as of Sunday, January 9, 2022, based on Worldometer elaboration of the latest United Nations data), soit presque exactement autant que le Burkina Faso qui en compte 21.770.665 (as of Friday, January 7, 2022, based on Worldometer elaboration of the latest United Nations data). La population Malienne serait-elle plus compliquée à gérer que celle du Burkina Faso ?
Le phénomène du terrorisme dans ce pays ne saurait servir de justificatif pour une transition de 6 ans, parce que même s’il est vrai que c’est au Nord du Mali que les choses ont commencé, ce phénomène est désormais présent aussi au Burkina Faso et cause autant de morts et de dégâts chez nous. Ce qui ne nous a cependant pas empêché d’organiser des élections législatives et présidentielles en 2015, puis en 2020.
Alors la question que je pose est : Qu’est-ce qu’il y a de sorcier à faire la transition à durée acceptable que les Burkinabè ont réussi en 13 mois, et que les Maliens ne peuvent pas ? Qui plus est, nous notre transition avait été dirigée par des civils qu’on pourrait qualifier de plus loquasses et, partant, un peu plus lents dans la prise de décision et l’action. Alors qu’au Mali elle est le fait de militaires censés jouer à la muette et plus prompts à aller dans l’action. Pourquoi devraient-ils traîner les pieds jusque dans 6 ans ?

Mon deuxième argument : Pourquoi est-ce que les plus gradés et certainement très qualifiés de l’armée Malienne devrait-ils s’enquiquiner à vouloir gérer le pouvoir politique pendant 6 ans au lieu de se retrouver au front et combattre l’ennemi, ce qui est leur métier ? Même si ce n’est pas la présence physique sur le front de ces gradés Assimi Goïta, Ismaël Wagué, Malick Diaw, Sadio Camara, etc. qui doit changer la donne, au moins toute la force intellectuelle qu’ils prétendent avoir pour pouvoir diriger leur pays profiterait certainement à l’armée malienne dans sa lutte glorieuse contre le djihadisme. C’est sur ce terrain qu’on les attend, mais pas dans l’arène politique. Certes, les intrusions des militaires dans la politique, ça peut se tolérer et ça s’est toléré un peu partout dans le monde, mais elles doivent bien rester toujours seulement sporadiques pour redresser des situations tordues et ne pas aller dans des prolongements de temps inutiles, basés sur des arguments assez douteux et qui vont à la limite faire une entorse à la démocratie dans le pays. En outre, combien de fois on nous aura enseigné que pour la gestion de la nation, et pour emprunter ici un peu au langage footballistique, chacun doit jouer dans sa ligue ? Les militaires à la caserne ou au front, les politiciens à la gestion des questions politiques, aussi médiocres soient-ils dans leur rôle. Et Dieu seul sait si ce sont tous les politiciens Maliens qui sont si médiocres pour justifier une transition militaro-civile allant jusqu’à 6 ans. Une transition de plus courte durée et des élections populaires devraient quand-même permettre d’identifier et élire ou désigner de bons politiciens Maliens intègres qui vont reprendre la main des affaires de leur pays, non ?

Mon troisième argument contre les protestataires, et c’est là où je les accuse de myopie. Sans trop plonger dans la naïveté, je suis quand-même enclin à croire que si cette junte militaire au pouvoir au Mali allait plutôt consacrer toute son énergie à combattre les Djihadistes et autres terroristes qui écument le nord et l’est de leur pays, et à les tenir ainsi en halène, ce sont nous au Burkina Faso qui allons partager les dividendes de cet engagement. Puisqu’il est désormais établi, ou en tout cas beaucoup de gens croient comme moi que cette férule djihadiste nous est venue du nord depuis le territoire Malien, si ces crasseux se retrouvent davantage combattus là-bas grâce entre autres à l’intervention plus énergique de ces gradés Maliens reversés dans leur rôle vrai de guerriers, nous au Burkina Faso on pourra s’attendre à avoir un peu de répit. Même si ce phénomène du terrorisme ne va pas disparaître d’un coup, il va certainement s’atténuer dans notre pays, vu que Assimi Goita et ses amis de la junte auront mis tous ces bandits en déroute. C’est ce que nous souhaitons ardemment, et je crois bien que c’est ce que la CEDEAO demande aux dirigeants Maliens du moment de faire, d’aller se battre au front et laisser les civils aux affaires, plutôt que de chercher par des moyens de diversion à s’accrocher coûte que coûte au pouvoir de la colline de Koulouba. Il n’y a pas de message plus clair que ça qui leur est adressé.


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