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Introduction du vaccin anti Covid-19 au Burkina Faso : L’imprudence du gouvernement

23 janvier 2021, 17:55, par Sidpawalemde Sebgo

Voilà une bonne analyse ! Merci M. l’abbé, quel que soit l’accueil réservé à votre interpellation, vous aurez joué votre rôle de guide de la communauté.

Je me permets d’ajouter quelques arguments qui ne militent pas en faveur d’une vaccination précipitée :

6°) Un coût prohibitif et une logistique lourde. Parmi la dizaine de vaccins qui ont commencé à être administrés dans le monde, ce sont les deux vaccins à ARN messager qui dominent (Pfizer-BioNtech et Moderna) et qui sont aussi les plus chers, entre 12 et 15,5 euros la dose. Sachant qu’il faut deux doses par personne, cela donne entre 15.745 Fcfa et 20.335 Fcfa par personne vaccinée. On sait que le dispositif Covax permet aux pays les moins nantis come le notre, d’une part d’obtenir les vaccins à prix coutant, et d’autre part de bénéficier de la solidarité internationale pour les acquérir. Mais cela ne couvre pas tous les besoins.
Pour ne rien arranger, ces vaccins doivent être conservés à -70C pour rester efficaces. Les « super-congélateurs » nécessaires à eux seuls représentent un coût qui peut dépasser celui du vaccin lui-même, sans compter qu’il faut les faire fabriquer sur commande, donc attendre.

Par contre, le vaccin AstraZeneca/Oxford coutera moins de , soit environs 2.335 Fcfa pour les deux doses nécessaires. Non seulement il coûtera moins cher, mais c’est un vaccin « normal », à virus inactivé comme la plupart des vaccins que nous connaissons. Le risque lié à une nouvelle technologie, l’ARN messager dont on ne maîtrise pas toutes les conséquences est donc évité. Seul bémol, il n’est pas encore disponible en grandes quantités. Mais l’attendre ne prendra pas plus de temps que d’attendre les « super-congélateurs », et comme le point suivant va le développer, cette attente est incontournable de toutes les façons.

7°) Un calendrier pluriannuel. Les producteurs des deux vaccins actuellement disponibles en Europe annoncent des capacités de production d’environs 400 à 500 millions de doses par an. En tenant compte de tous les vaccins déjà déployés (Pfizer-BioNtech, Moderna, AstraZeanca/Oxfort, Johnson & Johnson, Curevac, le russe Spoutnik V et le chinois SinoPharm) on arrive péniblement à un milliard de doses par an.

Cela signifie que pour vacciner 50% de la planète, il faudra sept milliards de doses soit sept ans. Ce délai pourrait être ramené à trois (3) ou quatre (4) ans si les capacités sont doublées dans le courant de 2021.
Cela signifie aussi que seulement 500 à 700 millions de personnes (7à 10% de la population) seront vaccinés en 2021 dans le meilleur des cas. Sachant que les puissances mondiales ont préfinancé le développement de ces vaccins, il va de soit qu’ils seront livrés en priorité. En dehors donc des doses offertes dans le cadre de la solidarité internationale, le Burkina a peu de chance de faire partie de ceux qui seront livrés avant 2022-2023.
Tenir à tout prix à faire partie des premiers ne va créer que des problèmes : Faible taux de vaccination inutile pour freiner le virus, risque de trop grand délai entre les deux doses en raison d’indisponibilité du produit, obligation de continuer avec les vaccins les plus chers et les plus risqués.

Attendre tranquillement un vaccin dont le prix va forcément baisser, qui aura fait ses preuves ailleurs et qui utilise une technique classique et éprouvée semble plus sage que de vouloir se laisser entrainer dans la « course au vaccin » que se livrent les grandes puissances.

8°) Les cas sont différents. Le choix d’attendre n’aura pas seulement pour avantages des économies, le gain en confiance des populations et d’éviter des tensions inutiles. Il correspond plus à notre situation nationale.

On ne peut pas dire que le Covid soit notre priorité numéro un de santé publique. Si les états unis d’Amérique enregistrent au 20 Janvier 2021 environs 1300 morts du Covid pour un million d’habitants, la France elle a 1090 morts pour un million d’habitants. Le Burkina lui, compte… 4,5 morts pour un million d’habitants depuis le début de la pandémie.
Plusieurs pathologies font beaucoup plus de malades et de morts dans notre pays : Le paludisme, les cancers, les hépatites, l’insuffisance rénale, la méningite, le choléra, la fièvre typhoïde, la dingue, etc…
Pourtant, alors que certaines de ces affections ont des vaccins, aucun programme de vaccination urgent et à grande échelle n’est envisagé. Aucune stratégie de tests n’est à l’ordre du jour pour les hépatites par exemple, alors que les tests existent. L’OMS a même renoncé à chercher un vaccin au paludisme, qui fait plus de morts en un an au Burkina seul que tous les morts de Covid-19 dans le monde.
Pourquoi alors cette précipitation pour nous vacciner contre la Covid-19, qui plus est avec des vaccins eux aussi faits dans la précipitation ?

9°) Un éternel recommencement ? Les informations les plus récentes sur les vaccins montrent qu’ils donnent une protection de… 3 mois ! Peut être que ce délai se révèlera plus long, mais même avec une durée d’un an, cela suppose qu’il faut un mois et deux injections pour être protégé de 70% à 95%, et qu’il faut répéter l’opération un an après. Cela est loin de correspondre à l’idée que l’on se fait d’un vaccin qui va nous « débarrasser » du virus. Or, les personnes guéries du Covid ont eux aussi une immunité du même ordre, dont la durée reste à définir.
Rien ne sert donc de courir sans visibilité sur la suite. Rappelons que le SRAS-COV-1 ou MERS qui a endeuillé le moyen orient a disparu du jour au lendemain en 2004 sans qu’on sache exactement pourquoi.

Conclusion : IL EST URGENT D’ATTENDRE !


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