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Lutte contre l’insécurité : L’Institut des Etats-Unis pour la paix pose le débat sur la culture du quartier

Publié le mercredi 14 octobre 2020 à 11h08min

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Lutte contre l’insécurité : L’Institut des Etats-Unis pour la paix pose le débat sur la culture du quartier

L’Institut des Etats-Unis pour la paix (USIP en anglais) a organisé, mardi 13 octobre 2020 à Ouagadougou, un thé-débat sur le thème « La culture de quartier, rôle du citoyen dans la sécurisation de son milieu de vie ». Cette activité entre dans le cadre du projet « Dialogue sur la justice et la sécurité » mis en œuvre dans la commune rurale de Saaba.

Cinq panélistes ont répondu présent à ce débat modéré par Urbain Yaméogo du Centre d’information et de formation en matière de droits humains en Afrique (CIFDHA). Il s’agit de la commissaire principale de police, Anes Nignan, chargée de la formation continue à la Direction de la police de proximité ; Dr Ludovic Kibora, anthropologue et directeur de l’Institut des sciences des sociétés ; Dr Ouattara Siaka, directeur général de la promotion et de la cohésion sociale ; Issa Démé, directeur de la prévention et de la gestion des conflits ; et Emmanuel Ouédraogo, membre de la coordination communale de sécurité de Saaba.

Saaba, l’exemple

Ce thé-débat a été initié par l’Institut des Etats-Unis pour la paix (USIP en anglais) dont la mission est de prévenir, atténuer et résoudre les conflits violents à travers le monde. L’activité entre dans le cadre du « Dialogue sur la justice et la sécurité (DJS) », un processus lancé dans la commune de Saaba en octobre 2016. Cette commune, autrefois infestée de bandits spécialisés dans les meurtres, vols et cambriolages, est devenu progressivement un exemple en matière de collaboration entre les populations et les forces de sécurité pour lutter contre l’insécurité.

Selon Cendrine Nama, représentante-pays de l’Institut américain pour la paix, le processus DJS a renforcé la confiance et amélioré la communication, permettant aux services de sécurité d’être plus efficaces dans leur travail et aux membres de la communauté de contribuer à leur propre sécurité. Présent au thé-débat, Emmanuel Ouédraogo, représentant de l’Eglise catholique au sein de la coordination communale de sécurité, témoignera que les forces de sécurité, vues autrefois comme de demi-dieux, sont aujourd’hui plus accessibles et proches des populations.

Cendrine Nama, représentante-pays de l’Institut américaine pour la Paix

Il a également laissé entendre que des cellules de veille composées de dix membres issus de toutes les sensibilités de la commune ont été mises en place pour alerter les forces de défense et de sécurité. Mais leur durée de vie étant limitée afin de préserver la sécurité des membres, ces cellules sont en voie d’être renouvelées avec le concours de l’Institut.

« Le quartier est l’exemple-type pour construire la citoyenneté responsable »

A Saaba, il existe donc une culture de quartier. Ailleurs également, cette culture existe, dira Issa Démé, directeur de la prévention et de la gestion des conflits, en précisant que la sécurité ne concerne pas que la lutte contre la criminalité. La sécurité n’est donc pas que civile car dans les quartiers, des jeunes s’organisent également pour réglementer la circulation, pour assainir leur milieu de vie ou pour toute autre cause.

« La culture du quartier s’établit autour du vivre-ensemble. Et le vivre-ensemble, c’est faire en sorte que le quartier ne soit pas une zone géographique, des bornes topographiques, mais une sociabilité que l’on construit. C’est à partir de cette sociabilité que l’on partage des choses ensemble. Le quartier est l’exemple-type pour construire la citoyenneté responsable. La citoyenneté se construit. Il y a deux éléments importants dans la citoyenneté : c’est la civilité et la solidarité. Et c’est à partir des choses que l’on partage ensemble, qu’on peut créer des initiatives pour protéger ces choses », a soutenu Dr Ludovic Kibora de l’INSS.

« Il ne peut être créé plus d’une structure locale de sécurité par village ou secteur »
Dans le cadre de la lutte contre l’insécurité surtout, le rôle du citoyen est encadré. Selon la commissaire principale de police Anes Nignan, le décret 1052 portant définition des modalités de participation des populations à la mise en œuvre de la police de proximité a été pris en 2016, en application de l’article 10 de la loi n°032-2003/AN du 14 mai 2003 relative à la sécurité intérieure. A l’en croire, le décret dispose qu’il ne peut être créé plus d’une structure locale de sécurité par village ou secteur. « Cependant, il n’est pas exclu qu’à la date d’aujourd’hui, il y ait deux structures par secteur ou village », note la commissaire principale de police. Et même si la structure locale de sécurité est libre de son organisation, elle doit respecter les lois et règlements, la cohésion sociale et les droits humains. Mais, il faut noter que cette participation des citoyens à la coproduction de la sécurité n’est pas sans risques. Des dérapages ont d’ailleurs été enregistrés dans plusieurs localités, notamment avec les groupes d’autodéfense.

Une vue des participants

Des inquiétudes

Selon le directeur général de la promotion et de la cohésion sociale, Dr Ouattara Siaka, ces hommes en armes, en l’absence de formation, d’encadrement et d’inclusion, peuvent « devenir une réelle menace et aller dans un sens de communautarisme ou de regroupement ethnique qui peut avoir pour objectif de défendre un clan ou une ethnie ou une religion ». « A la limite, on a l’impression qu’il y a eu une répartition territoriale du pays entre ces initiatives. Au regard de ce que nous constatons, nous sommes en droit de nous demander si c’est la sécurité des citoyens qui est le motif réel de la création de ces initiatives locales », s’interroge Dr Ouattara.

Selon le Dr Ludovic Kibora, les Koglwéogo sont vus par certaines personnes comme des organisations de Mossé ; pourtant des recherches menées entre 2017 et 2018 ont montré par exemple l’existence de Mossé parmi des dozos dans le Centre-Est du pays. « On peut difficilement faire ces dichotomies parce que dans l’essence des pratiques culturelles, les gens ont dépassé des choses et on veut les ramener sur certaines querelles qui ne sont pas de leur niveau », regrette le directeur de l’INSS.

Aller au-delà des forces de sécurité

Notons que plusieurs personnalités à la retraite comme le contrôleur général de police, Paul Sondo ; le commissaire divisionnaire de police, Thomas Dakouré ; des responsables d’ONG et d’associations dans le domaine des droits humains ont contribué au débat à travers notamment le partage d’expériences et des recommandations. Au titre des recommandations, il est à noter l’implication des autres acteurs dans le processus de relecture prochaine du décret portant définition des modalités de participation des populations à la mise en œuvre de la police de proximité.

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