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2es Universités africaines de la communication de Ouagadougou : La Francophonie, une voix originale pour une mosaïque culturelle

Publié le samedi 1er octobre 2005 à 08h59min

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Jacques Barrat

Les deuxièmes Universités africaines de la communication de Ouagadougou (UACO) qui se sont ouvertes, jeudi dernier, ont été marquées par une communication introductive très académique et fort enrichissante du professeur français Jacques Barrat.

Directeur de l’Institut français de presse, chargé du département géopolitique, des médias et de la diversité culturelle, le communicateur qui a développé le thème : « Médias francophones et mondialisation : quelles stratégies pour la sauvegarde de la diversité culturelle ? ».

Le Pr Barrat s’est en effet attelé à établir la différence entre Francophonie avec grand « F » et francophonie avec petit « f » parce qu’au final, les deux mots n’ont pas la même signification. On apprendra ainsi que c’est Onésime Reclus, géographe et frère du célèbre géographe Elisée Reclus (la matinée était géographe puisque le communicateur lui-même est géographe) qui fut le premier à définir la francophonie qui d’après lui, est l’ensemble des pays et des populations utilisant à un titre ou à un autre, la langue française. Cette définition n’a finalement pas varié puisqu’aujourd’hui encore, on entend par francophonie avec un f « minuscule », « l’ensemble de ceux qui, à des degrés divers, utilisent la langue française ». Quant à la Francophonie avec F « majuscule », elle désigne « l’ensemble des institutions intergouvernementales ou gouvernementales qui utilisent le français et la propagation d’une culture francophone dans le monde ». On apprendra aussi avec le Pr Barrat que le général Charles de Gaulle, lui-même, n’aimait pas le mot francophonie, parce qu’il pourrait être assimilé au colonialisme et à l’acculturation. Le général parlait plutôt de communauté. Après ce retour dans les amphis, le Pr Barrat s’est attaché à réfléchir sur la situation des médias francophones dans le « village planétaire ». Les supports de communication.

Francophones sont mal au point

Parlant de la presse écrite, ce Français né en Ecosse, ami de toujours de Pierre Mesmer estime que la presse écrite francophone malgré le rôle fondamental qu’elle joue dans la promotion et la défense des droits humains, de la démocratie et de la liberté d’expression reste encore « trop souvent assistée » économiquement, politiquement et même culturellement.

Quant à l’audiovisuelle, elle est dominée par les productions américaines, avec surtout les programmes de fiction. Même sur le plan de la puissance économique, la télévision francophone ne pèse pas lourd. Parmi les quinze premières entreprises audiovisuelles les plus riches du monde, aucune entreprise audiovisuelle francophone encore moins française ne figure au tableau. Les Etats-Unis règnent en maître avec le Japon, affirme le géographe. Quant à l’écran africain, il se fait crever non seulement par les films de Hollywood mais aussi par les « télénovelas » sud-amériains (suivez mon regard).

Que dire alors de l’édition. A ce niveau. le communicateur est ans ambages. mais pour ne pas heurter les esprits sensibles, il dira simplement que le livre francophone ne se porte pas bien ou plutôt que « l’édition francophone n’a pas encore pris sa vitesse de croisière du marché » avec cette précision que la principale cliente du livre français demeure l’Afrique. Quant au cinéma, le Pr Barrat note, avec regret que le film français intéresse de moins en moins le Français de France et le public du monde. « Le cinéma français serait même en danger ». Et les chiffres sont éloquents à cet effet. Dans l’Hexagone, c’est-à-dire en France même, la fréquentation des salles de cinéma a baissé d’au moins 7 %.

La part du cinéma français dans le monde lui, n’est que d’environ 30 % quand les films américains occupent 60 % du marché international. Mais comme les Français, les Africains, d’après Jacques Barrat, ne veulent plus voir leurs propres films. ils préfèrent eux aussi Hollywood et ses stars. Au demeurant, le film africain est encore regardé par une certaine élite africaine et européenne. Il est projeté dans des salles spécialisées loin des grandes salles où jadis, il avait encore de la place.

L’utilisation d’Internet demeure lui aussi en-deçà des possibilités de la francophonie même si on note des signes encourageants liés notamment à l’érosion du nombre des internautes américains qui s’est abaissé à 30%. Au fait, le Pr Barrat a précisé que moins de 5% des internautes sont francophones contre 50% d’anglophones.

Même l’usage de la langue française comme langue de travail est « massacré » dans les intitutions internationales, y compris tous les Français eux-mêmes notamment les eurarques. Ceux-ci d’après M. Barrat se croient obligés de parler la langue de Shakespeare quand bien sa maîtrise leur est approximative. Ainsi on apprendra que le français est en perte de vitesse dans le monde. A l’Union européenne, il est en « très net et pérenne recul », aux Nations unies, la langue de Molière subit une « lente et sournoise érosion » et les chercheurs et leurs scientifiques francophones sont obligés de publier les résultats de leurs recherches et leurs principaux ouvrages en anglais s’ils veulent d’une part, recevoir l’onction de la communauté scientifique mondiale et espèrer être lus d’autre part. Dans le même temps, la Francophonie n’accorde que 10 % de ses dépenses à la recherche-développement et représente seulement 12 % de la production scientifique mondiale.

Que faut-il ou que peut-on faire ?

L’Afrique, quant à elle, ne représente que 0,4 % l’activité scientifique mondiale et consacre 0,3 % de son produit intérieur brut à la recherche. Nonobstant ce tableau, somme toute, noire de la Francophonie dans le monde et du désintérêt graduel du français. le Pr Barrat estime qu’il y a de la place pour réussir le combat de la diversité culturelle. « La francophonie (...) peut promouvoir le dialogue des cultures, car aucune d’entre elles ne pourrait se cantonner et s’épanouir dans des protectionnismes frileux, dans des replis sur soi, des pré-carrés vieillots, qui seraient générateurs de « refus de l’autre ».

Ces derniers seraient à leur tour géniteurs de racismes, de fondamentalismes, d’intégrismes ou simplement d’intérêts purement mercantiles, prévient le communicateur. Pour le Pr Barrat. la Francophonie doit se doter d’institutions politiques efficaces capables de faire disparaître son caractère non décisionnel si elle veut réussir une « certaine idée du monde ». Par ailleurs, le géographe estime que la Francophonie peut être le moteur d’un nouvel ordre économique et culturel mondial. En tous les cas, M. Barrat prévient qu’il faut éviter que la Francophonie, ne devienne pour des pays, une instance ou un atout supplémentaire dans le jeu politique et économique international. Il souhaite en effet, qu’on évite de faire de la Francophonie, une ONU parallèle où on défendrait une « certaine idée du monde » à côté de la maison verte de Kofi Annan.

Romaric Ollo HIEN (romaric_hien@yahoo.fr)
Sidwaya

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