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Couverture médiatique de la précampagne électorale : "La confusion du CSC", selon Me Prosper Farama

Publié le samedi 12 septembre 2020 à 23h50min

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Couverture médiatique de la précampagne électorale :

Pour le 2e numéro du club de la presse, le Centre national de presse Norbert Zongo (CNP/NZ) a invité Maître Prosper Farama à donner sa lecture sur l’encadrement des activités de pré-campagne électorale et la liberté de la presse au Burkina Faso. C’était ce samedi 12 septembre 2020 à Ouagadougou.

En application de l’article 68 bis de la loi n°034-2020/AN du 25 août 2020 portant modification de la loi n°014-2001/AN du 03 juillet 2001 portant Code électoral, il est interdit la couverture médiatique de toute campagne électorale déguisée pendant les 30 jours précédant l’ouverture officielle de la campagne. Voilà un débat qui soulève les passions dans le monde des médias à l’orée des élections couplées du 22 novembre 2020. Le Centre national de presse Norbert Zongo a donc décidé, pour le deuxième numéro du club de la presse, d’aborder le sujet avec Me Prosper Farama.

Me Prosper Farama

L’aveu

C’est par un aveu que l’avocat a débuté son intervention. « Avant que je n’aie été approché pour cette présentation, j’avoue que je n’avais pris la peine de lire les textes. Pourquoi ? Depuis quelques années, j’estime que la liberté de la presse, d’expression et toutes les libertés individuelles traversent un chemin de croix au Burkina Faso.

En près de 27 ans d’actions dans ce domaine, j’ai autant vu les libertés malmenées. Chaque fois que j’entends dans la presse qu’il y a des décisions qui sont prises restreignant les libertés, je ne me donne plus la peine d’aller les lire. Mais quand j’ai lu le texte, j’ai découvert que j’ai eu tort de n’avoir pas, à temps, pris connaissance de ces textes », a campé l’avocat en précisant aux journalistes.

Abdoulaye Diallo, coordonnateur du Centre national de presse Norbert Zongo

« Ce n’est pas au CSC d’interpréter la loi »

Pour Me Farama, si la loi n°034-2020/AN du 25 août 2020 ne précise pas ce qu’est une campagne déguisée, ce n’est pas au Conseil supérieur de la communication de le faire à travers l’article 2 sa décision N°2020- 026, prise le 1er septembre 2020. « J’ai été ahuri. Je ne prétends pas avoir la science infuse. On apprend à tout juriste qu’il y a trois pouvoirs dans un Etat démocratique. L’exécutif, le législatif et le judiciaire. Ce n’est pas parce qu’il régule des médias que le CSC peut se mettre dans le législatif ou le judiciaire. La loi n’est faite que par le législateur et quand elle est obscure, incomplète, son interprétation revient au juge mais jamais à l’exécutif. Et pire, ce n’est pas une interprétation de la loi, c’est un ajout que le CSC a fait à la loi », a martelé l’avocat en précisant que ce n’est pas le CSC qui a interdit la couverture médiatique mais l’article 68 bis du code électoral.

Siriki Dramé, SG du Syndicat autonome des travailleurs de l'information et de la culture (SYNATIC)

L’immixtion encadrée

Toujours selon Me Farama, la notion de précampagne n’a pas de sens. « Un parti politique normal, ambitieux est toujours en campagne. Il faudrait plutôt parler de période légale ou officielle de campagne », a-t-il fait remarquer avant de s’interroger : « La liberté de presse peut-elle faire l’objet d’une restriction dans un Etat démocratique ? ». Pour y répondre, l’avocat fera appel à la Constitution et aux instruments internationaux comme la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et le Pacte international sur le droit civil et politique.

La littérature juridique enseigne que certains organismes internationaux ont défini les cadres dans lesquelles les immixtions sont acceptées : lorsqu’il s’agit de faire notamment cesser une distorsion découlant d’un accès inégal des candidats et à la protection des droits des électeurs. Et l’UNESCO précise que ces restrictions ne doivent pas faire obstacle au débat d’intérêt général et doivent être définies par la loi et non laissées à la discrétion d’une autorité.

La confusion selon Me Farama

Analysant la décisions prise par le CSC d’exclure les radios communautaires et confessionnelles de la campagne électorale, en raison de la situation sécuritaire et dans un souci de cohésion sociale, Me Prosper Farama dit ne pas comprendre les motifs de l’institution. « Est-il établi que ce sont ces médias qui embrasent le pays ? Est-ce qu’il n’y a pas de confusion ? Quand on dit que les médias communautaires et confessionnels sont neutres, je me pose la question sur ce qu’est la neutralité. Il ne faut pas confondre neutralité et objectivité ».

Me Halidou Ouédraogo, défenseur des droits humains était présent

De l’indépendance du CSC

Abordant la question de la régulation des médias, Me Farama s’interroge toujours sur le rôle des organes commis à cette tâche. « C’est mon opinion mais les organes de régulation se trompent sur leur rôle dans le processus démocratique. J’ai le sentiment que le Conseil supérieur de la communication est le contre-pouvoir des chiens de garde de la démocratie afin que ceux qui sont au pouvoir puissent avoir une mainmise sur l’information, afin que l’information ne leur desserve pas ».

Pour l’avocat, la composition des membres du CSC (trois désignés par le président du Faso, deux par l’Assemblée nationale, un par le Conseil constitutionnel et trois par les organisations professionnelles des médias) est assez évocatrice. « Certains diront que ce n’est pas parce qu’il [le président du Faso] désigne qu’il contrôle l’institution. Mais pour moi qui désigne contrôle ».

Sans nier les compétences du président du CSC, Me Prosper a rappelé que l’indépendance de l’institution est faussée dès lors qu’elle est dirigée par un homme qui fut conseiller du chef de l’Etat. « Quand on est conseiller d’un président, on est d’abord un conseiller politique », rappelle l’orateur.

HFB
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