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Gestion du PDDEB : Plus de 4 milliards de FCFA dans le flou

Publié le mercredi 28 septembre 2005 à 08h31min

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Mathieu Ouédraogo

Si Mathieu Ouédraogo attendait que les conclusions de l’audit qu’il a lui-même commandé le lave de tout soupçon, c’est raté. Depuis le vendredi 16 septembre, les conclusions sont étalées dans les colonnes des journaux. Eh bien, c’est franchement catastrophique.

Quand les auditeurs affirment, après avoir passé en revue toutes les rubriques de la gestion administrative, financière et comptable des ressources du PDDEB, qu’ils ne sont pas en mesure de " certifier que les situations financières établies par le Bureau des projets éducation sont régulières et sincères " ni d’affirmer que celles-ci " donnent une image fidèle du patrimoine du PDDEB ", cela veut dire tout simplement que les biens du PDDEB ont été mal gérés. Mathieu Ouédraogo ne peut plus continuer à affirmer comme il le fait qu’il n’a rien à se reprocher, à moins que nous n’ayons pas la même compréhension de la notion de responsabilité.

Le Bureau des Projets Education est l’instrument de gestion financière du PDDEB. Il est placé sous la tutelle du MEBA dont Mathieu était le premier responsable et est dirigé par un directeur. Au nombre des impairs qui émaillent la gestion des fonds PDDEB, le rapport a mis en exergue les dépenses dites inéligibles, les dépenses non justifiées ni remboursées, les justifications insuffisantes etc...Quelle est en fait la réalité de ces concepts ?

Gestion financière obscure

Dans les activités inscrites à l’agenda du MEBA, il y en a qui ne sont pas éligibles sur le fonds PDDEB. Cela veut dire que le financement de ces activités n’est pas autorisé par l’accord de financement passé avec les bailleurs de fonds du PDDEB.

Or, c’est précisément ce qui s’est passé sur les deux programmes audités. Dépenses inéligibles et dépenses non justifiées sont en principe des sommes qui doivent être remboursées. A ce titre, ce sont 100 277 083 FCFA à rembourser au niveau du PA/PDDEB. Dans l’autre programme PDDEB, les dépenses non justifiées représentant des avances faites aux directions centrales s’élèvent à 123 579 776 FCFA et 4 078 801 984 FCFA d’avances non justifiées en direction des DPEBA.

C’est énorme. Comment expliquer l’absence d’explications probantes face à des sorties de fonds aussi colossales. Notons que dans la gestion des immobilisations, il y a un écart de 55 174 505 FCFA entre le solde comptable et le solde qui ressort de l’inventaire du matériel et du mobilier. Cela veut dire que les sorties constatées de matériel au plan comptable ne concordent pas avec la situation exacte des stocks sur le terrain. Beaucoup plus de matériel a été sorti sans trace sur le papier. Il y aurait donc au total 4 357 833 348 FCFA de dépenses qui doivent être ou remboursées ou justifiées.

Mauvaises méthodes de travail

Comptabilité irrégulière dans plus de 55% des DPEBA, non respect des règles de travail (virement des secondes et troisièmes tranches alors que les précédentes n’ont pas été justifiées), mauvaise tenue des registres comptables, pas d’inventaires physiques des stocks de fournitures, de carburant et de caisse, absence de registre ou de fiches de suivi des stocks, les comptables sont en même temps les caissiers et les détenteurs des chéquiers, bref dans cette belle pagaille, pas étonnant qu’on ne s’y retrouve pas.

On comprend alors qu’il soit difficile de produire le fameux rapport de suivi financier (RSF), document essentiel de travail en ce sens qu’il comporte tout ce qui concerne la gestion d’un projet (opérations comptables, situation des marchés, gestion des contrats, engagements non liquides, décaissements des fonds, suivi-évaluation des activités). Alors qu’il devrait être produit trimestriellement, le RSF n’a en fait jamais été produit. Alors, s’agit-il d’un manque réel d’expérience ou d’un flou intentionnellement entretenu ?

A qui doit-on demander des comptes ? En premier lieu à Mathieu, bien qu’il n’ait pas eu en charge la gestion directe des fonds. Pour qu’une situation pareille perdure pendant des années, alors qu’un audit précédent avait sonné l’alerte, il faut que le premier responsable soit inconscient, ce que nous ne croyons pas, ou alors il devait avoir intérêt à laisser faire.

Naturellement, des responsables du BPE à ceux des directions centrales du ministère en passant par les DPEBA, les responsables sont facilement identifiables. Avec une telle gestion calamiteuse, on comprend la réticence de certains responsables à venir rendre compte de leurs exploits.

Des comptables des DPEBA qui ont pris la tangente alors même que les passages des auditeurs étaient annoncés, aux agents du BPE refusant de répondre à la convocation des auditeurs, il y a là une ambiance de défiance qui n’est pas bonne pour l’image de l’institution de même que pour celle de son premier responsable. C’est vrai que tous ceux qui se sentent interpellés par l’audit ont le droit de s’expliquer. En attendant, le diagnostic des comptes est accablant.


Enseignement post-primaire : Un plan décennal en chantier

Des cadres du ministère des Enseignements secondaire, supérieur et de la Recherche scientifique (MESSRS) se sont retrouvés les 1er et 2 septembre 2005 à l’ENEP de Loumbila autour du document du Programme décennal de développement des enseignements secondaire et supérieur (PDDESS), présenté par un comité technique ad hoc. Ce document recense les actions et les activités à mener dans les dix prochaines années dans le but de remédier aux déséquilibres accentués par la mise en œuvre du PDDEB et partant d’accroître les performances quantitatives et qualitatives de l’enseignement post-primaire.

Plus de 438 milliards seront nécessaires (438 384 740 000 FCFA) pour mettre en œuvre l’ambitieux programme décennal de l’enseignement secondaire et supérieur. Il s’agit en effet de rendre effectifs les choix stratégiques de réduction des déséquilibres et des disparités entre les différents ordres d’enseignement, de promouvoir l’éducation des filles ainsi que le secteur privé de l’éducation.

Autre objectif stratégique, la nécessité de rendre effectifs les cycles terminaux. Cela consiste à faire en sorte que chaque ordre et chaque niveau d’enseignement soit conçu, organisé et géré de " sorte que dans une large autonomie, il propose aux élèves et aux apprenants une formation spécifique complète."

Ces choix stratégiques se déclinent en 4 objectifs généraux allant de l’accroissement des capacités d’accueil dans les différentes filières d’enseignement, le renforcement des capacités de pilotage, de gestion et d’évaluation des structures centrales et déconcentrées, la qualité du système. Dans ses objectifs quantitatifs, le PDDESS envisage de porter le taux brut de scolarisation (TBS) dans le secondaire général de 13,02% en 2002 à 27% en 2014. Dans les 12 provinces ayant moins de 5% de TBS, ce taux passera à 10%. Au niveau du supérieur, les effectifs qui étaient de 18 200 étudiants en 2002 passeront à 80 222 étudiants en 2014.

Le TBS au supérieur passera de 1,5% à 5% dans le même intervalle. On note que dans la programmation du secondaire, il est prévu : un CEG pour chaque département, un lycée et un CETP (centre d’enseignement technique et professionnel) pour chaque province, un lycée technique ou professionnel pour chaque région. En outre, tout CEG de plus de 500 élèves sera érigé en lycée.

En ce qui concerne les objectifs de qualité, il est prévu le recrutement en grand nombre et la formation des personnels d’enseignement, d’encadrement et d’administration et un système d’évaluation performant des apprentissages, toutes choses qui devraient entraîner la baisse du taux de redoublement dans le secondaire qui est actuellement de 30% à 15% en 2014.

Dans le même temps, le taux de succès au BEPC pourra passer à 80%, il était de 46,64 en 2004. Le taux de succès au Bac pourra être élevé à 60% contre 31,5% en 2004. L’enseignement supérieur ne sera pas en reste. Le taux de succès le plus bas en première année qui est de 9,45% en 2003 sera porté à 40% dans dix ans. Voici pour les intentions. Il reste que pour réaliser ce programme, il faudra relever deux défis, celui des hommes et des moyens.

En ce qui concerne les moyens, les partenaires du Burkina qui l’accompagnent déjà dans le PDDEB savent que le PDDESS en est la suite logique. Si cela ne les oblige pas mécaniquement, leur expérience dans le domaine de l’éducation au Burkina les prédispose à en être les avocats auprès de leurs institutions.

A condition que les dysfonctionnements dont souffre le PDDEB n’enlisent pas définitivement ce dossier. Enfin, une des leçons que l’on tire du PDDEB, c’est qu’il ne suffit pas d’avoir de l’argent. Il existe de nombreuses autres entraves dans la mise en œuvre des programmes dont le paramètre des ressources humaines n’est pas le moindre.

GB Nama


Ni amer, ni en fureur

Nous avions comme annoncé dans l’édition précédente repris langue avec Mathieu Ouédraogo pour recueillir sa réaction après la publication de l’audit. L’intéressé dit n’avoir pas encore reçu le document malgré sa publication dans la presse. De toute évidence, Mathieu ne veut pas parler de l’audit, tout en clamant son innocence. Mais s’il est innocent comme il le dit, nous lui offrons l’occasion de le montrer.

Au lieu de cela, il a choisi de mettre en cause notre honnêteté, au motif que nous avons affirmé dans nos colonnes " avoir trouvé un Mathieu amer et en fureur". Nous prenons bonne note de son démenti selon lequel il " n’était ni amer ni en fureur ", mais nous tenons cependant à lui faire remarquer que ces choses-là relèvent du domaine des impressions et sont par conséquent relatives et subjectives.

Nous avons donc pu nous tromper de très bonne foi. Mais nous disons aussi que l’homme public qu’il a été est en démocratie astreint au devoir de rendre compte, surtout quand il s’agit de la gestion du bien public. Nous espérons qu’il y veille.

GB Nama
L’Evénement

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