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Côte d’Ivoire : La part de responsabilité des médiateurs

Publié le jeudi 22 septembre 2005 à 07h51min

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Gbagbo, MBeki, Chirac, Annan

En effet, on en est arrivé à un point où les médiateurs avaient comme besoin de la crise ivoirienne pour se mettre en valeur, plutôt que celle-ci d’eux.

Alors tout naturellement les acteurs de cette crise en ont profité à fond se faisant tantôt désirer en ruant dans les brancards, tantôt en acceptant des concessions comme pour donner de bons points aux médiateurs etc.

En définitive les médiateurs sont devenus de simples instruments entre les mains des protagonistes de la crise qui les manipulent au gré de leurs intérêts. Il s’en suit des partis pris flagrants dont les conséquences sont de rebiffer le camp d’en face et de retarder de facto la solution.

Lundi 19 septembre dernier, la Côte d’Ivoire a vécu sa troisième année de partition en deux de facto. Trois années au cours desquelles on sera passé par tous les états d’âme au gré des humeurs et des calculs des principaux protagonistes de cette crise qui n’en finit pas de finir. Si on en est encore là, ce n’est pas faute de médiations et de médiateurs encore moins d’accords et d’engagements.

Tout comme on ne peut certainement pas dire que tout a été tenté en vain, force est de reconnaître que les chemins qui restent à explorer sont peu nombreux. Ce ne sont pas la multitude de médiateurs qui se sont passés le dossier et leur armada de techniciens qui diront le contraire, eux qui s’y sont à tour de rôle et sans exception embourbés avant de se voir obligés de rendre le tablier contraints de s’incliner devant l’évidence de leurs échecs.

Les euphémismes et les tournures de styles utilisés ici et là ne changent rien à la donne puisque, plus que d’être encore au point de départ on a comme l’impression que les choses se sont davantage compliquées. C’est à croire que quelque part un esprit malin s’échine à tourner tout le monde en bourrique à moins que des acteurs de premier plan dans cet imbroglio ne tirent particulièrement profit de cette situation au point de se risquer à un tel jeu.

En tout cas, pour le moins irrationnelle que soit cette situation, elle a forcément une explication toute logique et rationnelle autant que deux et deux font quatre. C’est certainement là que gît le lièvre et l’alpha par lequel il faut partir.
En jetant un œil critique dans le rétroviseur, on a le sentiment d’occasions gâchées par le fait de trop de précipitations et de suffisance, chaque médiateur ayant vite vu midi devant sa porte.

Chacun à son tour a traité les efforts passés par dessus la jambe s’il n’a pas vu dans ses devanciers de petits jaloux qui souhaiteraient le voir lui aussi mordre la poussière ou plus exactement rouler dans la farine. S’il y a ou s’il peut y avoir du vrai dans ce préjugé, il n’explique pas le nihilisme enragé des uns et des autres, toute chose qui a favorisé les perpétuels retours en arrière et autres remises en cause qui ont permis à certains de justifier leur refus d’appliquer ce qu’ils avaient librement consenti.

En dehors des accords de Marcoussis, donc de la médiation française du début qui a presque tout inventé ; qui s’est aussi donnée le temps et qui a failli forcer le destin, toutes les autres ont été menées au pas de course comme si elles obéissaient à des calendriers autres que ceux connus de tous, relativement à la situation en Côte d’Ivoire même.

Bien souvent, si ce n’était à tous les coups, d’autres ambitions sont venues se greffer à l’objet principal de la médiation au point de fausser le sujet. Parfaitement au courant de ces agendas et de ces calculs, les différents protagonistes les ont exploités pour mettre les médiateurs sur le grill. Des inversions de rôles qui ont eu leur part de responsabilité dans les flux et reflux des médiations.

En effet on en est arrivé à un point où les médiateurs avaient comme besoin de la crise ivoirienne pour se mettre en valeur, plutôt que celle-ci d’eux. Alors tout naturellement les acteurs de cette crise en ont profité à fond se faisant tantôt désirer en ruant dans les brancards, tantôt en acceptant des concessions comme pour donner de bons points aux médiateurs etc.

En définitive les médiateurs sont devenus de simples instruments entre les mains des protagonistes de la crise qui les manipulent au gré de leurs intérêts. Il s’en suit des partis pris flagrants dont les conséquences sont de rebiffer le camp d’en face et de retarder de facto la solution.

Si donc on est en droit d’en vouloir aux leaders ivoiriens toutes tendances confondues d’avoir failli à leur devoir vis-à-vis de leur patrie en ayant été incapables d’arriver à un consensus qui aurait mis fin aux souffrances de leur peuple, il est peut-être temps de regarder un peu de près le gâchis créé par la multitude de « médiateurs » qui sont passés par là. Tous ont été loin d’être honnêtes avec leur mandat et les problèmes du peuple ivoirien, bien souvent ceux-ci ont été relégués au second plan au profit d’ambitions qu’on ne prenaient même plus la peine de cacher.

Trop de mal a été fait pour qu’on passe tout cela entre pures pertes et profits. A la vérité, certains médiateurs ont été de vulgaires cyniques négociants, tandis que d’autres n’ont pas eu de gêne de jouer aux apprentis gendarmes.

Au bout du compte ce n’est pas seulement la Côte d’Ivoire qui perd au change mais tout le continent car le triste spectacle qu’on nous a imposé a sérieusement entamé notre crédit. Quand on connaît les ambitions de nos « grands médiateurs » d’être membres du Conseil de sécurité de l’ONU et surtout d’avoir le droit de veto, il y a de quoi avoir froid dans le dos.
Ce qui est en cause ce ne sont pas les échecs des uns et des autres mais les raisons profondes de ceux-ci.

Il est incontestable que les Ivoiriens n’ont rien fait ou fait très peu pour mettre un terme à la crise et que rien ne peut justifier leurs attitudes, mais il faut reconnaître que les différents médiateurs les y ont activement encouragés en se faisant les complices de leurs propres ambitions. Dans ce registre, la médiation sud-africaine, dernière de la série, est plus qu’illustrative. Elle est un véritable concentré de toutes les failles, de toutes les médiations qui l’ont précédée.

Il faut savoir tirer leçon de tous ces échecs et dire aux « médiateurs » qui se sont succédé au chevet de la Côte d’Ivoire qu’ils ont fait plus de mal que de bien. Il nous aura fallu trois années pour nous en apercevoir. Mais, dit-on, mieux vaut tard que jamais, d’autant qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire.

Cheick AHMED

L’Opinion

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