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Site métallurgique de Kindibo : « Le Noir a apporté énormément à la civilisation de l’universel », clame le ministre Abdoul Karim Sango

Publié le samedi 27 juin 2020 à 12h30min

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Site métallurgique de Kindibo : « Le Noir a apporté énormément à la civilisation de l’universel », clame le ministre Abdoul Karim Sango

Le 5 juillet 2019, le Burkina Faso a obtenu l’inscription de ses sites de métallurgie ancienne de fer sur la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO. Il s’agit d’un bien en série, composé de cinq éléments se trouvant dans les localités de Tiwêga dans la région du Centre-Nord ; Yamané dans le Plateau Central ; Békuy dans les Hauts-Bassins ; Douroula dans la région de la Boucle du Mouhoun et Kindibo dans la région du Nord. C’est en porteur de messages pour le peuple burkinabè, les Africains en général, que le ministre de la Culture, des Arts et du Tourisme, Abdoul Karim Sango, a effectué, ce jeudi 25 juin 2020, une visite sur ce site à peu près 170 kilomètres au nord de la capitale.

C’est également en forte délégation, constituée surtout de techniciens de son département et d’autorités administratives de la région (du Nord) et de la province (du Zondoma), d’où relève ce patrimoine, que le ministre Abdoul Karim Sango est arrivé sur ce site métallurgique de Kindibo sis à une trentaine de kilomètres à l’Est de la ville Gourcy (chef-lieu de la province du Zondoma). Kindibo, ce village de la commune rurale de Tougo, est certes un « melting pot » (abrite plusieurs communautés), mais plus connu comme une bourgade de forgerons (et les femmes sont ici des potières).

Des hauts fourneaux qui datent de plusieurs siècles

Depuis le 5 juillet 2019, date d’inscription des vestiges de ce village sur la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO, c’est un motif de fierté de plus pour ses habitants. La venue de la délégation gouvernementale a donc été une aubaine pour eux pour témoigner ce sentiment par leur forte mobilisation. C’est dans cette ambiance teintée de la pure tradition, que le ministre de la Culture, des Arts et du Tourisme, Abdoul Karim Sango, leur a transmis les salutations du président du Faso, du Premier ministre et de l’ensemble du gouvernement avant de décliner l’objet de sa visite. Dans cette partie, il va également insister sur l’enjeu de l’inscription du site. « Vous avez une grande responsabilité, qui est de prendre soins de ce bien pour toute l’humanité », s’est résumé le ministre, avant d’entamer la visite du site qui s’étend sur un espace de 44 hectares.

Le ministre à l’arrivée dans le Zondoma, avec à sa droite, le gouverneur de la région du Nord.

La randonnée commence par l’aire de cuisson de la céramique, ensuite la mine où on extrait le minerai pour cuire (elle se présente sous forme de puits). Le périple se poursuit avec les fourneaux et là, on a ceux dits de première génération (fabriqués par les gens actuels) et les fourneaux de la seconde génération (construits par les gens qui étaient là avant le XVe siècle).

Tous ces éléments étant disséminés dans l’espace, c’est sportivement, que le ministre et sa délégation ont, sous la direction des guides et techniciens de son département, découvert l’ensemble des éléments du site de Kindibo. Il constitue avec les quatre autres sus-évoqués donc, ce bien en série qu’est la métallurgie ancienne de fer du Burkina Faso (troisième site à être inscrit sur la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO, après les ruines de Lorépeni et le Complexe du W-Arly-Pendjari).

Cet habitant en plein travail avec un petit fourneau

A chaque étape, les visiteurs ont pu s’abreuver davantage de ce pan de richesses du pays. « Vous savez qu’en ce moment précis, il y a beaucoup de débats sur la contribution du Noir à la civilisation de l’universel. Nous sommes dans un environnement où le Noir continue d’être méprisé. Notre présence en ce lieu, c’est de dire aux Burkinabè, aux Africains, au monde en général, que le Noir a apporté énormément à la civilisation de l’universel. Par exemple, les sites de la métallurgie ancienne sont une science de la transformation du fer. Autrement dit, du point de vue de la datation, pour certains sites, on nous dit que ça remonte à 800 ans avant Jésus-Christ. Donc, il faut que notre jeunesse se sente, de plus en plus, décomplexée et prenne confiance en elle-même », a exprimé le ministre Abdoul Karim Sango, pour qui, tout ce patrimoine est une démonstration de la force de « nos ancêtres ».

Le ministre Abdoul Karim Sango (tenue traditionnelle à droite), à l’entrée du Mausolée

Il poursuit : « Aussi longtemps que nous n’allons pas apprendre à nous connaître nous-mêmes, nous allons vivre dans un environnement de violences, de tensions, nous allons être des êtres complexés alors que si nous nous appuyons sur nos racines, nous pouvons transformer radicalement l’univers de nos Etats, l’univers de l’Afrique. Plus que jamais, le monde a besoin de cette contribution de l’Afrique à la civilisation de l’universel ».

Instant propice pour rendre hommage aux habitants de Kindibo pour avoir préservé ce patrimoine. « Par votre action, le nom du Burkina Faso est connu davantage à travers le monde. Il s’agit pour nous maintenant, de bien nous accorder pour amener le maximum de personnes pour venir se ressourcer sur ces sites », a-t-il projeté.

Le ministre et le chef coutumier de Gourcy, en visite du Bosquet de ce dernier

Le directeur des sites classés patrimoine mondial au ministère de la Culture, des Arts et du Tourisme, Léonce Ki, est, lui, revenu sur un pan du processus d’inscription, en indiquant que le dossier a commencé depuis 1996 où le Bien a été inscrit sur la liste indicative grâce aux travaux du Professeur Jean-Baptiste Kiéthéga. Le dossier va être actualisé en 2012 avant son inscription le 5 juillet 2020 sur la liste du patrimoine mondial. « Les fourneaux que nous avons au Burkina Faso, résument l’ensemble des techniques de fonte… », précise M. Ki.

La métallurgie ancienne du fer est donc le fruit de la conjugaison des techniciens du Burkina, qui se sont réunis pour proposer six sites différents du Burkina (il y a un site qui a été exclu pour diverses difficultés), ajoute l’archéologue, Dr Lassina Simporé, secrétaire général du ministère de la Culture, des Arts et du Tourisme. « Nous avons fait en sorte que dans tous ces endroits, on ait la chaîne complète de fabrication de la métallurgie du fer », explique M. Simporé.

Guide de hauts fourneaux à Kindibo, Ilassa Kindo dit ignorer avant cette inscription…, toute la richesse que représentait ce savoir-faire de ses ancêtres. « Nous sommes heureux aujourd’hui de savoir qu’on sert à l’humanité. C’est une preuve de plus que nos valeurs ancestrales valent pour quelque chose et que nous devons savoir nous en servir pour faire face aux défis de notre époque. (…). Il n’y a pas ce que nous ne pouvons pas faire avec le fer : de l’aiguille aux matériels agricoles en passant par les ustensiles et bien d’autres objets utilisés dans la vie de tous les jours », s’est confié M. Kindo, le visage rayonnant de fierté. Pour ce dernier, avec cette nouvelle vie, il faut former les plus jeunes pour la perpétuation de ces connaissances et tout en tenant compte de certaines facilités qu’offre le monde actuel.

Même sentiment pour le deuxième adjoint au maire de la commune rurale de Tougo, Boureima Savadogo, qui apprend que le Conseil municipal prévoit des actions de valorisation du site. C’est pourquoi pense-t-il aussi qu’un désenclavement de la localité et l’érection d’infrastructures d’accueil peuvent être une force pour ce Bien national.

Le guide du village, Ilassa Kindo

« Lors des fêtes coutumières, il y a des visites sur le site. (…). Il faut davantage sensibiliser les jeunes, leur faire comprendre que ce que nous ont légué nos ancêtres, nos grands-parents, est quelque chose de valeureux à conserver. L’Occident est venu nous enseigner des connaissances que nos grands-parents avaient ; les Africains ont des connaissances, mais les ont abandonnées par honte de leurs propres origines. Il faut donc travailler à montrer que nous ne devons pas avoir honte de nos origines et valeurs, il faut en faire une force. Si nous avons honte de nos ancêtres, ce sont les petits-enfants des autres qui viendront nous montrer la valeur de leurs ancêtres et nous imposer leurs valeurs », plaide Boureima Savadogo.

Avant de quitter la localité, le ministre Abdoul Karim Sango a visité dans la ville de Gourcy, le Mausolée de Naaba Yadéga (lieu où les rois et chefs du Yatenga prennent leur pouvoir) ; le Musée de Birgui Julien Ouédraogo (décédé en février 2011, il est perçu comme un des grands défenseurs de la culture burkinabè, il fut entre autres député RDA de l’Assemblée nationale de la Haute-Volta en 1978 et est le fondateur du Lycée privé Bangré-nooma à Ouagadougou). Ce Mussée est riche de plus de 2000 pièces qui retracent un pan de l’histoire, non seulement du Burkina, mais aussi de l’Afrique.


O.H.L
Lefaso.net

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