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Groupement professionnel des industriels : "Nous avons besoin du soutien de l’Etat"

Publié le mardi 6 janvier 2004 à 11h44min

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Kam Ollé est le responsable du Groupement professionnel des
industriels du Burkina, (GPI). Nous l’avons approché dans le
cadre du débat sur la taxe de référence sur certains produits importés, débat soulevé dans l’article paru dans nos colonnes le 22 décembre sur le commerce des 2 roues. Il donne son point de vue sur ce mécanisme qui tarde à être effectivement appliqué par le gouvernement.

Celui-ci vient cependant d’afficher, en fin décembre, les nouvelles valeurs de références, soit 3 ans après les premières. A noter que cette interview a été réalisée avant cette publication des valeurs de référence par le gouvernement, mais cela n’enlève rien à la pertinence des propos de Ollé Kam.

"Le Pays" : Quelle lecture le GPI fait-il de la valeur- référence ?

Ollé Kam : Ce sont des valeurs qui ont été mises en place et
bien comprises par l’OMC afin de jouer un triple rôle. Le premier
est de protéger le tissu industriel local des pays en voie de
développement. Le deuxième est de lutter contre les
subventions des pays développés qui peuvent inonder nos
marchés et le dernier est d’augmenter les recettes douanières
de nos pays.

Depuis quand a-t-elle été instituée au Burkina ?

Les industriels burknabè se sont organisés avec la direction
générale de l’industrie et la douane pour fixer les valeurs pour le
Burkina, en sachant que partout dans l’espace UEMOA, des
valeurs sont appliquées aux produits stratégiques.

Il y a trois
ans que nous avons arrêté les valeurs mais le premier arrêté
date de 2001. Nous sommes à la troisième année. Ce que je
déplore c’est que depuis la mise en place de ces valeurs à la
signature de ce premier arrêté, elles n’ont jamais été
respectées ni appliquées. A telle enseigne que nous avons
demandé publiquement au Premier ministre de les faire
appliquer et de les faire placarder à tous les postes de douane
pour que tout produit entrant en concurrence avec les produits
manufacturés locaux s’acquitte à ce niveau des droits de
douane.

Que s’est-il passé alors ?

A la tentative d’application de ces valeurs, des importateurs ont
trouvé qu’elles étaient trop élevées. Mais nous disons ceci : ce
sont leurs valeurs qui sont trop basses.

Expliquez-nous cela.

Nos valeurs de référence ne sont pas fantaisistes. Pour les
produits dont le cours mondial est connu, il n’y a pas de
problème. Pour les autres, elles ont des coûts d’approche de
revient que tout le monde peut vérifier : le coût de la matière
première, de l’assurance et du fret. Avec ces paramètres, un
produit ne peut pas arriver au Burkina Faso et être dédouané
moins qu’à ce prix-là (la valeur de référence).

Ce que nous constatons, c’est que ces valeurs ne sont pas
appliquées. Elles sont toujours en étude. Mais nous disons que
l’étude c’est bien mais la longueur de l’étude risque de
permettre une entrée massive de produits concurrents qui vont
noyer le marché local. Nous allons arriver à une situation
apocalyptique lorsqu’on va se décider à appliquer la mesure.

L’industrie nationale croule aujourd’hui sous le poids des stocks
et les importateurs pour éviter la mesure, vont faire leurs stocks
également. Qui dit excédent de stocks, dit dégradation des prix,
puis catastrophe économique. Chacun va brader pour s’en
débarrasser. Mais en bradant, il y a eu ceux qui ont sué plus que
d’autres pour obtenir ces produits. C’est l’industrie nationale. Si
l’on ne prend pas des précautions avec les valeurs de référence,
aussi faible soit-elle, à brève échéance, notre industrie sera
condamnée.

Le blocage actuel est-il fait à dessein ou y a-t-il une autre
explication ?

C’est fait à dessein. Nous ne pouvons pas penser à autre chose
que ça. Il y a des raisons économiques. Ceux qui importent ne
veulent pas acquitter la valeur de référence pour vendre plus bas
et tuer l’industrie locale. C’est fait à dessein. Ils sont
simplement, ces importateurs, les bras séculiers d’une
philosophie mondiale qui utilise nos propres frères pour tuer
notre économie. C’est de cela qu’il s’agit. Ils sont obligés de
passer par des intermédiaires locaux qui font rentrer ces
marchandises moins chères. Quand il n’y aura plus d’industrie,
les prétendues marchandises moins chères afficheront leurs
vrais prix. A ce moment, il n’y aura plus de combattants. On se
rendra compte alors de la supercherie.

Quand vous dites que les importateurs déclarent des prix
extrêmement bas, est-ce à dire qu’il n’y a aucun moyen de
contrôle ?

Il y a deux choses : les services de douanes qui sont chargés de
faire la fiscalité de porte doivent être outillés pour reconnaître les
produits et leur donner une valeur. Il y a actuellement des
formations pour cela. L’autre problème, c’est qu’il y a des
complicités. Déclarer un produit en deçà de sa valeur pour payer
moins de taxes, c’est faire perdre à l’Etat de l’argent. le produit
étant vendu à bas prix. On appelle cela faire du business. Il faut
arriver à une conscience nationale.

La fraude se développe au fur et à mesure que des nouvelles
mesures entrent en vigueur. Les gens minorent soit les prix, soit
les quantités et souvent, ils ne paient pas du tout la douane
.Pour lutter contre cette gangrène, il faut associer tout le monde,
même les fraudeurs.

Dans ce tableau que vous peignez , l’Etat semble vous avoir
lâché donc ?

Ce qu’il faut reconnaître, c’est que depuis le dernier forum,
Gouvernement - secteur privé le 18 fevrier 2003, il y a une
volonté qui est affichée. Nous avons une année pour observer
jusqu’au prochain forum. Nous espérons simplement que tout
ce qui a été promis sera fait. Ce qui est certain, le discours ne
sera plus pareil parce que nous attendons des résultats.
L’industrie nationale a besoin du soutien de l’Etat ; elle a besoin
des choses concrètes.

C’est un constat mutuel . Il est loisible que celui qui veut faire du
commerce le fasse. Mais il y a des règles, des textes qu’il faut
respecter. Nous ne disons pas que nos produits sont les
meilleurs mais ils sont faits dans les règles de l’art, selon les
règles et ils apportent une valeur ajoutée à l’économie nationale

. Nous sommes connus et sommes fichés aux impôts. Les
commerçants et autres importateurs d’huile par exemple devront
savoir qu’en cas de catastrophe alimentaire, nous n’aurons que
nos yeux pour pleurer. Une société comme la CITEC achète
pour près de 10 milliards de francs CFA des produits locaux.
Cela n’est pas insignifiant.

Propos recueillis par Abdoulaye TAO
Le Pays

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