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Amélioration du cadre de vie au Burkina : Où est passé l’Etat ?

Publié le lundi 19 septembre 2005 à 06h57min

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Comme disent les écologistes, nous n’avons qu’une seule terre. Dans le même ordre d’idées, nous pouvons dire que les Burkinabè n’ont qu’un seul territoire, le Burkina. L’amélioration du cadre de vie de notre pays nous incombe à tous. Encore faut-il que chacun joue convenablement sa partition.

A commencer par l’Etat, à travers ses services compétents (ministère en charge de l’Environnement et du Cadre de vie), ses démembrements (communes), ses élus (députés) et enfin, les organisations de la société civile, les leaders d’opinion et les personnes influentes auprès des populations telles que les responsables coutumiers et religieux.

Autrement dit, il revient aux pouvoirs publics en premier lieu, de donner l’exemple citoyen en mettant la main à la pâte, en exerçant leur pouvoir régalien. Cela est d’autant possible que le volet environnement et amélioration du cadre de vie fait partie des priorités gouvernementales. Ne serait-ce que par l’existence d’un ministère en charge de ce dossier.
Dans le passé, il y a eu ce qu’on appelait les travaux d’intérêt commun qui consistaient à mobiliser jeunes, hommes, femmes et vieux autour de travaux d’assainissement.

Ce travail, fondé sur le volontariat et le bénévolat des populations, était accompagné de mesures incitatives qui, bien que symboliques, étaient suffisament convaincantes pour rassembler les populations. Pendant la révolution, des initiatives plus contraignantes, pour ne pas dire caporalisantes, furent développées, toujours dans le cadre de l’assainissement de notre cadre de vie. De gré ou de force, toutes ces initiatives avaient fini par inculquer aux populations le réflexe citoyen d’entretenir leur milieu et de se sentir fières de vivre dans un environnement sain.

Mais aujourd’hui, force est de reconnaître que les citoyens n’ont pas le sentiment d’être encouragés par l’Etat. Les citoyens sont harcelés par des agents municipaux à travers cette fameuse taxe de résidence (TR) dont ils ne récoltent pas les dividendes. Tout se passe comme si le social n’était qu’un accessoire, l’Etat se contentant de se comporter en commerçant.

Contraints non seulement à s’acquitter de cette taxe, faute de quoi, il leur est impossible d’avoir certains documents, ils doivent également gérer eux-mêmes leurs ordures ménagères moyennant payement d’une redevance. Plus grave, certains quartiers périphériques, surtout de Ouagadougou, sont de véritables No man’s Land dont la laideur, face à la splendeur paradisiaque du centre ville, donne le sentiment qu’il existe d’un côté , des citoyens de première zone et de l’autre, des citoyens au rabais. Il n’est pas exagéré de dire que certains quartiers de la capitale sont de véritables ghettos, enclavés moralement et psychologiquement, une fois les élections terminées. A titre d’exemple, rares sont les résidents d’un quartier qui connaissent leurs délégués ou leurs conseillers municipaux qui leur avaient promis monts et merveilles.

Dans cette ambiance de pauvreté généralisée et de chômage endémique, il est difficile d’amener le citoyen à jouer la carte du volontariat, sans mesures d’accompagnement. Même s’il demeure conscient qu’un cadre de vie sain participe de sa santé, il veut d’abord parer au plus pressé, c’est-à-dire s’assurer le pain quotidien. Au-delà de ces considérations purement existentielles qui empêchent les citoyens de s’investir dans des travaux de salubrité, la nécessité s’impose de se départir de l’héritage d’un certain passé.

En effet, vouloir par exemple, que les responsables coutumiers s’impliquent dans la question environnementale suppose d’abord qu’on les replace dans les limites territoriales de leur autorité coutumière. Si l’on prend le seul cas de Ouaga, on a voulu casser l’autorité des responsables coutumiers en divisant la ville en secteurs. Cette survivance de la période révolutionnaire crée des confusions au niveau des zones de compétence des responsables coutumiers. Aujourd’hui, ces zones se télescopent et, n’eût été la sagesse de ces chefs, on aurait assisté à de nombreux conflits.
Dans l’Afrique ancienne, les frontières de la tradition étaient bien cartographiées et délimitées.

En les modifiant, les pouvoirs publics ont mis à nu ces responsables coutumiers qui ne savent plus à quels sujets se vouer. Il y a beaucoup d’exemples où, sous prétexte de coller à la modernité que nous mettrons du temps à atteindre, nous avons abandonné certaines valeurs qui sont des reflets de notre histoire. Parmi ces valeurs, il y avait le nom évocateur et chargé d’histoire de ces quartiers qui, s’il était abandonné, balayerait tout un pan important de notre passé.

Mais, à la charge de nos responsables coutumiers, eux-mêmes n’ont pas su ou pas voulu bien garder intactes les frontières inviolables de la tradition. Bien au contraire, certains responsables coutumiers n’ont pas compris qu’ils ne peuvent pas garder leur autorité morale sur les populations s’ils ont un pied dans la tradition et un autre dans la modernité. Cette fameuse modernité qui, avec ses moyens de séduction, a fini par les amener à se brader à vil prix face à des politiciens et à s’embarquer, armes et coutumes en bandoulière, comme une meute affamée vers des horizons qui conduisent à leur propre disparition en tant qu’autorités respectées et écoutées. D’où la nécessité pour eux de se ressaisir. Tout le monde y gagnerait.

S’ils veulent être et demeurer ces personnes ressources et crédibles, ils n’ont aucun intérêt à troquer leur bonnet, symbole du serment d’intégrité qu’ils ont fait, contre le képi d’un parti politique. Ils effacent en eux l’image honorable de leurs devanciers qui avaient résisté à l’envahisseur européen. En se départissant de leur noble rôle de médiateurs et en brandissant la bannière des partis politiques, la plupart des responsables coutumiers ont désorienté leurs sujets. Il est grand temps que l’Etat trouve à nos notables coutumiers, des statuts clairs qui leur garantissent, dans l’honneur et la dignité, une existence décente.

Le Pays

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