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Célestin KOUSSOUBE, maire de Bobo-Dioulasso : “Je n’ai aucun problème avec les femmes”

Publié le jeudi 15 septembre 2005 à 07h53min

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Le marché de Lafiabougou au secteur n°20 de Bobo-Dioulasso dans l’arrondissement de Konsa est depuis quelques mois l’objet d’une mésentente entre le maire Célestin KOUSSOUBE de la commune et les commerçantes de ce marché. C’est une lettre que ces commerçantes ont adressée au gouverneur des Hauts-Bassins qui serait à l’origine de cette mésentente qui a finalement abouti devant la justice.

Le mardi 06 septembre dernier, après le report du procès, nous avons rencontré le maire de Bobo pour avoir sa version des faits. L’opportunité fut belle pour aborder avec le bourgmestre de la deuxième ville du Faso d’autres sujets de l’heure.

Vous avez porté plainte contre des femmes du marché de Lafiabougou, peut-on savoir pourquoi ?

Célestin KOUSSOUBE (CK) : Je voudrais avant toute chose rectifier pour dire qu’il ne s’agit pas d’un marché de légumes comme le prétendent certains mais en réalité du marché normal de secteur n°20. Dans chaque secteur, il est prévu un marché. L’historique, en ce que je connais, de ce marché est qu’il a été prévu dans des plans de lotissement du secteur effectués en 1986. Un emplacement avait même été délimité.

En 1989, le marché n’avait toujours pas été construit et à la demande des sapeurs pompiers et du ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, le ministre des Finances a rétrocédé ce terrain aux sapeurs pompiers pour la construction d’une école internationale des sapeurs pompiers.
Il a été alors demandé au maire de la commune de prévoir un autre terrain pour le marché, ce qui a été fait. Maintenant je ne comprends pas ce qui se passe, j’ai demandé au maire de l’arrondissement de Konsa, le responsable du marché en question, ce qui n’allait pas.

Les femmes ont laissé entendre qu’il semblerait que le maire avait l’intention de les faire déguerpir du lieu qu’elles occupent. Or il se trouve que ce lieu avait déjà été affecté à la SONABEL. Le maire de l’arrondissement m’a pourtant dit qu’il n’a rien dit à ces femmes. Nous avions pourtant prévu avec l’accord du PACFU, de construire le marché avant de les faire déménager sur le site qui a été désigné à cet effet. C’est à partir de ces éléments, qu’une lettre a été envoyée au gouverneur. Je pense qu’il s’agit de personnes qui cherchent à plonger toujours Bobo dans des histoires.

Cette lettre ne m’était pas adressée personnellement en tant que telle, mais son contenu est vraiment malsain pour des gens qui vivent en communauté. Le maire de Konsa habite à peine à 50 mètres du marché actuel. Elles pouvaient aller le voir s’il y avait des problèmes. Au lieu de cela, elles se sont laissées manipuler par cette lettre qui insulte tout le monde.

Il faut un peu de respect dans nos relations. Je les ai donc convoquées dans mon cabinet pour essayer de leur expliquer la situation. Elles disent qu’elles n’ont pas affaire au maire et qu’elles n’ont pas à m’écouter. Alors, elles se sont référées au gouverneur qui les a poliment renvoyées à leur maire car les problèmes de terrain ne relèvent de sa compétence mais bien du maire. Il leur a fait savoir que s’il y avait problème avec leur maire d’arrondissement, elles doivent toucher le maire de la commune.

Ce qu’elles n’ont pas voulu comprendre.
Je tiens à rappeler que je n’ai aucun problème avec les femmes de Lafiabougou. J’entends souvent certains qui parlent de problèmes entre KOUSSOUBE et les femmes. Ce n’est pas vrai du tout puisque les femmes sont la majorité de nos militantes au niveau du secteur. Je suis moi-même de ce secteur, nous ne pouvons pas être contre nos propres militantes.

Il y a des personnes mal intentionnées qui se cachent derrière et qui abusent de l’analphabétisme de ces femmes.
Je suis convaincu qu’elles n’ont jamais écrit cette lettre ; voilà pourquoi j’ai demandé à mon conseiller juridique de porter plainte contre les quatre femmes citées. Il faut donc que les gens sachent, les femmes de Lafiabougou en premier, que ma plainte n’est pas contre celles-ci en général. Non, je ne peux pas le faire ! Elles sont nos militantes et je tiens à les encourager à continuer leur action à notre endroit.

Le procès d’abord programmé pour le 23 août, a été renvoyé au 06 septembre puis finalement reporté encore. Est-ce qu’il ne serait pas mieux de retirer votre plainte pour calmer le jeu ?

CK : Je n’ai pas l’habitude de faire les choses sans trop réfléchir. J’ai essayé en toute honnêteté de faire comprendre aux femmes que ces genres d’écrits n’étaient pas corrects. Le gouverneur m’a aussi appelé avec elles et c’est là qu’elles ont dit ne pas vouloir écrire cette lettre. D’ailleurs même, elles disent qu’elles ne savent pas écrire. Ce qui signifie donc qu’il y a des personnes qui sont derrière tout ça.

Nous avons besoin ici à Bobo, de la paix sociale pour travailler. Il ne faut pas que les gens passent perpétuellement leur temps à monter les femmes qui ne comprennent rien dans certaines choses, et à saboter l’unité et la cohésion que nous recherchons tout le temps. C’est pour cette raison que j’ai maintenu la plainte.
J’aurais pu effectivement la retirer s’il ne s’agissait que de ces quatre femmes. Mais c’est le commanditaire que je veux justement connaître. C’est ça la réalité de cette plainte, sinon je n’ai absolument rien contre ces quatre femmes en question.

Elles ne sont pas lettrées, elles ne peuvent pas écrire d’elles-mêmes cette lettre. Quelqu’un a écrit et je veux savoir qui c’est et pourquoi il n’a pas le courage de venir à la mairie pour nous dire ce qu’il a sur le cœur. Il faut que les gens arrêtent ce genre de comportement, s’ils veulent qu’on travaille en synergie pour le développement de cette ville.

Est-ce que vous croyez que cette guerre ouverte contre les commerçantes du secteur n°20 était nécessaire sachant bien qu’une autre situation similaire vous attend avec les femmes du marché de fruits situé derrière le stade Wobi ?

CK : Un maire est élu pour résoudre les problèmes de sa ville. Seulement, il doit le faire tout en respectant les lois du pays, en respectant les décisions du conseil municipal et en respectant tout le monde.

Les habitants doivent également jouer leur partition pour que l’ensemble de la ville puisse se développer harmonieusement.
Le problème du marché de légumes est un faux problème. On n’a pas besoin de faire beaucoup de palabres quand quelqu’un barre une rue principale dans une ville. Dans aucun pays du monde un maire n’acceptera cela. Il ne faut pas faire des amalgames avec des problèmes qui sont pourtant très simples à comprendre.

Le maire assure la police de la sécurité de la route dans sa ville, vous ne pouvez pas vous permettre d’aller barrer une rue sous prétexte que vous voulez en faire un marché. Les rues ne sont pas faites pour ça. Demandez au maire de vous faire un marché ; s’il refuse, vous n’avez qu’à le destituer si vous voulez, mais n’allez pas mélanger les choses. Le marché de légumes en question pose d’énormes problèmes de circulation. Les voisins ne peuvent plus rentrer facilement chez eux. Au Burkina Faso, il n’y a aucun texte qui autorise quelqu’un à se comporter de cette façon sur une rue publique de surcroît ouverte à la circulation.

Comment évoluent les choses par rapports à ce marché de légumes qui continue toujours d’accueillir les vendeurs ?

CK : Nous sommes en train de construire un marché qui est d’ailleurs bien avancé. Quand il sera fini et que tout sera adéquat, nous allons demander que la voie soit libérée. C’est clair comme de l’eau de roche et je crois qu’il n’y a pas de débat là-dessus. Comme nous avions voulu le faire dans le temps, nous allons mettre à la disposition des femmes qui vendent des légumes, une place pour qu’elles puissent faire leur travail. Si la place est trouvée et que c’est bien aménagé, il n’y a pas de raison que la voie soit toujours occupée. Lorsque le marché sera fini, les autorités municipales (qu’elles soient du conseil actuel ou d’un autre conseil municipal) prendront leur responsabilité pour dégager la voie.

Toute autre chose Monsieur le maire. On aurait décelé dans un rapport d’enquête rendu publique, quelques anomalies dans les attributions de parcelles dans votre commune. Qu’en dites-vous ?

CK : Je suis au-dessus de ces histoires de parcelles mais néanmoins dans toutes les villes du Burkina, ce problème revient toujours de façon récurrente. C’est donc normal que Bobo-Dioulasso n’échappe pas à cette situation. Les causes sont multiples. Il y a lieu que nous puissions effectivement regarder tout cela de près afin que ce qui se pratique soit corrigé et revu aux normes acceptables.

Il existe des commissions d’attributions de parcelles, si elles travaillent correctement, les problèmes vont être résolus. Il y a aussi des amalgames dans la gestion même du problème de parcelles. Il s’agit des problèmes liés aux résidants et aux non résidants, qui ne sont pourtant pas des problèmes officiels. Dans les textes actuels, il n’y a point de résidants dans les villes. C’est seulement au niveau des villages qu’il y a des résidants. Tout le monde peut donc se prévaloir d’une parcelle s’il remplit les conditions clairement définies par les commissions d’attributions. C’est ce qui n’est pas fait le plus souvent.

Par ailleurs, il y a d’autres problèmes connexes qui font qu’à Bobo pour des raisons qu’on connaît, on soit obligé de donner des terrains à des coutumiers, à des propriétaires terriens, à des conseillers qui souvent les revendent sous d’autres formes. Cela donne l’impression qu’il y a effectivement de la magouille mais si on s’assoie et qu’on regarde clairement avec précaution, on trouvera la solution ensemble. Il y a qu’aujourd’hui les textes ont été revus et qui autorisent les gens à vendre des parcelles nues. C’est ce qui amène ce problème sur l’ensemble du territoire. Dans le temps, tant que vous n’avez pas mis votre parcelle en valeur, vous ne pouvez pas la vendre.

Aujourd’hui dès qu’on attribue les parcelles, la moitié de celles-ci se retrouve sur le marché pour être vendue. Cette pratique n’est pas régulière. Vous avez demandé des parcelles pour habiter, allez donc y construire une maison. Je n’exclue pas qu’il y ait aussi des maires indélicats ; mais il faut se dire que certaines personnes sont ce qu’elles sont. S’il y a des brebis galeuses dans la maison, qu’on les signale pour qu’on s’en occupe.

Il y a des opérations de lotissements qui étaient en cours et qui ont été suspendues comme c’est le cas dans l’arrondissement de Dafra. Pourquoi ces suspensions ?

CK : Les suspensions de lotissements ne relèvent pas de notre fait. Curieusement, Bobo est l’une des rares villes, sinon même l’unique ville au Burkina qui a un plan de développement spatiale bien défini avec des lotissements programmés dans le temps.

Au niveau de la commune, nous n’avons pas demandé de lotissement. C’est depuis 2000 que dans le cadre du programme normal de la direction de l’urbanisation du ministère en charge des Infrastructures que ces lotissements ont été programmés en fonction du développement de la ville. Le vrai problème réside dans le fait qu’à Bobo les gens ne s’entendent pas.
Les partis politiques sont divisés, même ceux qui sont de même bord se combattent. Les enfants d’ici même sont divisés sur ces problèmes de parcelles.

Pour notre part, en dehors de l’intérêt général des populations, nous n’avons pas de raisons particulières de solliciter ou de forcer à faire des lotissements. On veut bien le faire pour certaines maisons qui font que le développement de la ville demande souvent des parcelles à caractère social tel que pour les CMA, les dispensaires qu’on construit, le village SOS par exemple, sans oublier qu’il y a des cités universitaires qu’on demande et c’est normal.

Il y a également le problème crucial de la zone industrielle de Bobo-Dioulasso, la deuxième ville n’a même plus de terrains pour pouvoir investir au niveau industriel. Trouvez-vous cela normal ? En tout cas un maire qui souhaite que sa ville se développe ne peut rester dans cette situation sans réagir. On ne peut pas refuser de donner un terrain à quelqu’un qui est prêt à investir dans notre ville. Mais je le répète encore une fois, la faute incombe en partie aux Bobolais eux-mêmes qui ne parlent jamais le même langage.

Vous l’avez dit, au niveau du CDP Houet, ce n’est pas le parfait amour entre les différents membres. A l’approche de la présidentielle du 13 novembre, croyez-vous que le parti pourra se mobiliser en bloc derrière le candidat Blaise COMPAORE ?

CK : Il n’y a aucun doute à ce sujet. Les problèmes de Bobo sont des bagarres inutiles. A ce niveau, il faut se rassurer que l’ensemble des militants du CDP Houet soutient le président Blaise COMPAORE. Il n’y a même pas l’ombre d’un seul doute que tout le monde parlera le même langage. C’est quand il s’agit de leurs petites querelles internes qu’il y a problème, tout simplement parce que tout le monde veut être député, tout le monde veut être maire, tout le monde cherche même à être ministre.

Pour ce qui est de la campagne présidentielle, il n’y a pas le moindre problème. Il y aura un bloc uni derrière le président candidat du CDP. Je suis persuadé qu’au moment des décomptes, Bobo sera dans le peloton de tête en termes de pourcentage de voix récoltées pour le président COMPAORE.

Nous sommes tous unanimes à nous battre pour donner une victoire éclatante au candidat Blaise COMPAORE.

Progressivement on voit apparaître le nouveau hôtel de ville de Bobo-Dioulasso. Par rapport à tout ce qui avait été dit au départ, avec le recul qu’est-ce que vous pouvez dire ?

CK : Ça aussi, c’est Bobo où les gens disent ce qu’ils veulent et comme ils veulent. Il faut qu’il y ait la volonté de travailler, un point c’est tout. Les choses ne se font pas toujours comme certains le souhaitent. Il y a un temps pour tout. Il faut que les gens se donnent le temps de faire les choses correctement. Si vous voulez faire quelque chose de bien et de durable, faites-le correctement.

Pour cela, il faut prendre le temps qu’il faut.
Je n’écoute jamais les histoires de rumeurs, je sais ce que je fais. Aujourd’hui, personne ne parle encore de l’avenue de la République, on ne parle plus des différentes voies qui étaient en chantier, idem pour l’hôtel de ville.

C’est dans la nature des choses à Bobo que les gens spéculent inutilement sur des futilités. On fait des critiques stériles sans prendre le soin de patienter pour voir la finalité. A ce niveau aussi, il faut qu’on essaye de faire bloc autour de notre ville pour travailler à son développement dans la paix sociale.

Quand est-ce que vous allez déménager dans votre nouveau bâtiment ?

CK : Dès que ce sera totalement achevé. L’ouvrage est presque fini ; nous allons choisir une date pour l’inaugurer et pouvoir l’occuper. Comme vous le constatez, nous sommes en location depuis un bon bout de temps. Dès que les conditions seront réunies, nous allons réintégrer l’hôtel de ville qui sera sans doute plus agréable que notre actuel lieu de service.

Monsieur le maire, avec tous ces problèmes, comment voyez-vous l’avenir de cette ville ; êtes-vous optimiste ?
CK : Je suis optimiste pour la ville de Bobo, sinon je n’allais pas accepter de présider à sa destinée si je pensais qu’elle était sans avenir. Bobo-Dioulasso a de nombreuses potentialités, surtout naturelles qui inspirent confiance.

La ville possède une diversité culturelle très riche, une population dynamique, sans oublier qu’elle a occupé une place importante en matière de commerce dans le temps où on l’appelait carrefour africain. Bobo peut encore reprendre sa place.

L’avenir de Bobo n’est pas derrière comme certains le croient. Je pense qu’avec tout le potentiel qu’elle possède, si les hommes de cette ville se donnent la main et parlent tous le même langage, je suis persuadé que dans le Burkina des années à venir, Bobo sera une ville très importante.

Entretien réalisé par Drissa KONE à Bobo-Dioulasso

L’Opinion

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