LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Remaniement gouvernemental : "Clarification psychologique" ?

Publié le mardi 13 septembre 2005 à 08h21min

PARTAGER :                          

" Il est bon de reconnaître, et je suis le premier à le faire en tant que porte-parole du gouvernement, que l’opinion nationale s’est émue et s’est faite l’écho de nombreuses supputations sur des dysfonctionnements qui se sont manifestés dans l’exécution des programmes dans ce ministère [...]

Il était nécessaire et important pour le gouvernement, et particulièrement pour le chef du gouvernement, d’assainir et de clarifier l’environnement psychologique de toutes ces questions, de manière à ce que l’audit, une fois déposé, permette de tirer toutes les conclusions, qui seront portées à la connaissance de l’opinion publique ». C’est en ces termes que le ministre Adama Fofana, porte-parole du gouvernement a expliqué le licenciement de son collègue Mathieu Ouédraogo de l’enseignement de base et de l’alphabétisation intervenu le 05 septembre dernier.

Des rumeurs de détournements de fonds et de dilapidations au niveau de ce ministère s’étaient effectivement répandues comme une traînée de poudre. Ces rumeurs racontent que le ministre Mathieu qui thésaurisait des millions de franc CFA se serait résolu à les déposer en banque parce qu’une de ses filles s’en servait. Mais l’importance des sous qui tendraient vers des centaines de millions aurait intrigué les banquiers qui ont voulu à leur tour savoir davantage sur leur provenance.
Le scénario du feuilleton Mathieu pourrait commencer ainsi donc.

Comment le ministre Mathieu a t-il pu obtenir une telle somme ? Tout ministre du gouvernement Yonli qu’il soit, cette fortune ne pouvait s’expliquer aux yeux des banquiers d’abord, de l’opinion ensuite puis du gouvernement enfin. Et si comme à son habitude l’opinion ne pouvait faire rien d’autre que de constater et de s’indigner, le gouvernement lui, a un pouvoir et il l’a usé en licenciant le présumé fautif pour « assainir et clarifier l’environnement psychologique de toutes ces questions. »

Bravo au gouvernement, est-on tenté de dire. Ce dernier semble s’être trouvé une âme de bienveillance et de censeur. Bravo au gouvernement, qui s’est peut-être rendu compte que ce qui fait souffrir l’opinion, c’est plus l’impunité éventuelle et quasi systématique dont bénéficient les auteurs des malversations diverses que l’exhibition des produits de leurs forfaits. Bravo aussi au gouvernement ce bourreau des maires impénitents pour avoir songé faire le ménage en son sein. Des maires n’ont-ils pas été limogés pour des menus fretins ?

Il était temps comme nous l’annoncions dans le Bendré n° 325 du 31 janvier 2005, qu’on applique les mesures d’assainissement à un niveau supérieur. Et cela (à en croire les explications du porte-parole du gouvernement) vient de se faire au prix du poste ministériel de M. Mathieu Ouédraogo. Faut-il espérer que ce n’est que le début d’une vaste opération d’envergure que commande la bonne gouvernance ? Wait and see.
Seulement, pourquoi Mathieu seul ?

Mathieu Ouédraogo a t-il été licencié du gouvernement parce qu’il serait le seul ministre sur qui pèsent des « supputations » et des soupçons ? Serait-ce parce que son présumé crime était trop flagrant et à la limite du tolérable ? Serait-ce parce que visiblement naïf et certainement en novice du système, il avait voulu faire plus confiance au système classique des banques qu’à la mafia de l’immobilier ou aux placards de sa chambre et même au « parrainage » des hommes d’affaires ? Qu’en serait-il par exemple si ce pauvre ministre avait opté comme d’autres de transformer « les motifs » des dysfonctionnements décriés en bunkers et autres châteaux quelque part à Ouaga 2000 ?

Serait-ce aussi parce que l’intéressé à ce qu’on dit n’aurait trouvé mieux que de proposer seulement quarante (40) millions de FCFA à une puissante et terrible personnalité du pays qui est candidat à la présidentielle de 2005 pour sa campagne ? Ou bien parce que simplement, le présumé fautif n’aurait pratiquement aucune assise politique au sein de son parti le CDP ?

Ces questions méritent quand même d’être posées quand on sait que ce n’est pas au niveau du MEBA uniquement que « l’opinion nationale s’est émue et s’est faite l’écho de nombreuses supputations sur des dysfonctionnements qui se sont manifestés dans l’exécution des programmes dans ce ministère. » Il y a bien de ministères et de ministres qui ont fait la une de l’actualité à un certain moment. La presse s’est faite l’écho du « banditisme » qui s’opère au sein des familles de certains ministres dont les enfants font la compétition pour savoir qui puisera mieux ou plus dans l’insolite mallette sous le lit. Mais le gouvernement n’a pas daigné « assainir » et « clarifier » l’environnement psychologique à leur époque.

Avant le scandale du MEBA, l’opinion s’était par exemple émue et s’était faite l’écho des supputations sur le ministère des infrastructures avec la route Ouaga-Bobo. Mais rien. Même pas un audit commandité par qui que ce soit. C’est cette impunité légendaire qui a dû donner des idées à certains et voilà le résultat, des dysfonctionnements au bout de l’épreuve !

Il reste aussi qu’à l’analyse, le gouvernement ne devrait pas trop se plaindre ni s’étonner de la situation. N’est-ce pas le chef de l’exécutif qui nomme les ministres ? N’est-ce pas le conseil des ministres qui promeut et nomme les individus à leur poste de responsabilité ? Et là, même les médiocres et toute la race des rapaces qui n’ont pas bonne presse bénéficient de promotion.

Si non, comment comprendre qu’après le passif laissé à l’école nationale supérieure de Koudougou (ENSK) par M. Mathieu R. Ouédraogo, ce dernier se retrouve un jour hissé au rang de ministre ? Et Dieu seul sait combien ils sont nombreux les gens à la moralité douteuse qui boivent tranquillement leur lait soit à la tête des projets, des sociétés ou des institutions. Nombre d’entre eux sont assurés de ne pas entendre un jour, l’évangile selon Mathieu et la sentence de la bonne gouvernance. N’en déplaise à « l’environnement psychologique » qui pourrait se complaire dans les supputations.

On ne le répétera jamais assez, les régimes ont les clés de leur popularité ou de leur impopularité. C’est à eux de jouer.

Sur cette affaire, il convient seulement de noter qu’autant le souci d’assainissement affirmé du gouvernement est à saluer et à encourager, autant il ne devrait avoir aucune discrimination sur les cibles. Nombre de ministères méritent bien d’audits de même que les sociétés et autres projets de l’Etat.
Au nom de l’environnement psychologique ! ! !

Bendré

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique